Ni Peulhs, ni étrangers, les Kal-Tamasheq sont tout simplement des Burkinabè !

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La communauté Kal-Tamasheq du Burkina Faso occupe l’espace géographique des provinces de l’Oudalan, du Séno, et du Soum. Ce peuple nomade au turban est beaucoup méconnu par les autres communautés sœurs qui souvent les prennent pour des étrangers dans leur propre pays. Ils sont tantôt confondus aux Peulhs, pourtant ils sont culturellement différents. Les Kal-Tamasheq ne sont donc ni Nigériens, ni Maliens, ni Peulhs. Ils sont simplement des Burkinabè.  Lumière sur un pan de la culture Kal-tamasheq du Burkina Faso.  

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Enturbannés, peau claire pour certains, peau noire et cheveux crépus pour d’autres. Les Kal-Tamasheq sont une ethnie berbère divisée en plusieurs confédérations et tribus. Ces berbères du Sahara central et ses bordures de l’Algérie, de la Libye, du Niger, du Mali, de la Mauritanie, du Tchad, et de l’extrême nord du Burkina Faso, parlent une langue berbère, le tamasheq.

Le Tamasheq, c’est aussi ce grand homme bleu enturbanné, au teint clair, au regard perçant, solitaire. Au Burkina Faso, leur espace géographique se situe dans l’Oudalan, le Séno, et le Soum. Ils ont comme parent à plaisanterie les Gourmantche.

Leur nombre est estimé à « un peu plus de 40 000 » sur les trois provinces de la région du Sahel. Les Kal-Tamasheq sont des nomades de tradition pastorale et caravanière. Ils se déplacent très souvent à dos de chameaux, etc. Au rythme du Takamba, ils dansent au Sahel, sous le soleil, dans le sable, mais avec fierté.

Tente tamasheq au musée national en mai 2024 @Burkina 24

Peu connus au pays des Hommes intègres, ils sont tout temps appelés « Silmiga » ou Peulh par confusion. Souvent ils sont même assimilés à des étrangers. Mais, ils sont attachés à leur spécificité tamasheq. Au-delà de la confusion, il y a malheureusement, dans certains cas, le déni de l’identité à ces Burkinabè. Le délit de faciès est la recette quotidienne de ce doute de nationalité et de personnalité qui pèse sur cette communauté.

La deuxième édition du Festival International des Instruments et Danses Traditionnels de Ouagadougou (FITO) tenue du 24 au 26 mai 2024 au Musée national de Ouagadougou a offert une aubaine d’expression culturelle à cette communauté. 72 heures durant, le musée a brillé de mille feux aux couleurs de la culture tamasheq. L’ingénieuse idée d’associer la communauté tamasheq comme communauté invitée d’honneur est de Dji Marc Koussoubé, promoteur dudit festival.

Habillés en boubou, en basin, enturbannés et dansant au rythme du Takamba, c’est un beau spectacle qui s’offre au regard. À l’est du plateau artistique, une tente type sahélien est installée. À l’intérieur, grouille du monde. Nous sommes le 26 mai 2024 à Ouagadougou.

Chez nous, si tu mets ton turban, on te respecte même de loin

Dans l’air d’exposition du festival, des tentes sont occupées par la communauté tamasheq. Des objets traditionnels de la communauté sont exposés. Ça parle la langue tamasheq bien évidemment. La mobilisation de la communauté tamasheq est impressionnante. Une première du genre à Ouagadougou ? Certainement, oui, selon certaines indiscrétions.

Mohamed AG Bali, un artisan tamasheq @Burkina 24, Mai 2024

Nous nous lançons à la découverte. Au-delà de nos yeux, les oreilles grandement ouvertes. Très enchanté de nous accueillir même sans décliner l’objet de notre présence, Mohamed AG Bali, un artisan, engage l’explication des différents objets sur son étale d’exposition.

Ce vieil homme est tout enthousiasmé de voir les jeunes tamasheq mobilisés pour communier autour de la culture. Il n’est pas venu au festival pour chercher de l’argent mais, dit-il, « pour vraiment réveiller la culture ».

Ce qui nous retient plus dans son explication, c’est le symbolisme du turban dans la culture tamasheq. « Les tamasheq sont connus dans la guerre des tamasheq, le combat pour la liberté. Chez nous, si tu mets ton turban, on te respecte même de loin, parce que le turban montre tout le respect du tamasheq. Les tamasheq ne veulent pas qu’on marche avec la tête nue.

Dès que l’enfant vient au monde, les parents doivent lui mettre le turban. C’est en ce moment que les femmes organisent un petit mariage et elles apportent du sucre, du tabac africain, du parfum et autres pour le jeune. Après cela, les autres femmes vont venir jeter l’argent sur lui. Ensuite, les gens le prennent pour aller visiter chaque maison. Il y a des gens qui donnent un bœuf, il y a des gens qui donnent un chameau, il y a des gens qui donnent l’argent, etc. », détaille ce fier artisan.

« Les tamasheq sont des gens qui sont beaucoup rattachés »

C’est un peuple de guerriers, selon cet homme de culture. Ce dernier se sert aussi des instruments de guerre pour expliquer l’histoire. « Les tamasheq, on les appelle des Hommes prêts, parce qu’ils veulent rester seuls pour être prêts à se défendre. Mais ils aiment le voisinage », poursuit-il.

Même si la confusion persiste entre Peulh et Tamasheq, la langue, l’habillement, sont autant de signes distinctifs, selon ses explications. À côté de Mohamed AG Bali, une autre tente est occupée par madame Ouédraogo Elkahala. Membre des mini laiteries du Burkina, elle est dans la promotion des mets locaux particulièrement le Gapal.

Des filles Tamasheq @Burkina 24, Mai 2024

Elle nous édifie davantage sur ce qui fait le quotidien de la femme Tamasheq. « Le quotidien de la femme Tamasheq, c’est de s’occuper de sa famille comme toutes les autres femmes. Elle peut aller au champ, elle peut abreuver les animaux. Mais il y a beaucoup qui font le commerce, il y en a qui font la vannerie, il y en a qui font la poterie, il y en a qui font tout ce que la femme africaine peut faire », soutient-t-elle.

Madame Ouédraogo Elkahala @Burkina 24, Mai 2024

Le Tamasheq est vu comme un Homme replié. Mais, ce n’est pas l’avis de Abdounasser Ag Wakass, président de la communauté Kal-Tamasheq du Séno. « Les Tamasheq sont des gens qui sont beaucoup rattachés à leur culture mais pas enfermés de sorte qu’ils n’ont pas de brassage avec les autres communautés. 

Là où ils se retrouvent, ils arrivent à s’intégrer directement. J’ai vu beaucoup de nos communautés qui se retrouvent à des endroits où ils s’adaptent même à la langue, à la culture, au point même de perdre leur propre culture », explique-t-il.

Le mariage chez les Tamasheq…

Dans le temps, il n’était pas question du métissage chez les Tamasheq. « Avant, si un Tamasheq se marie à une autre ethnie, c’était une insulte pour les autres. Mais maintenant, c’est possible. Ce qui est interdit chez les Tamasheq, c’est si tu décides de ne pas respecter la culture », rappelle Mohamed AG Bali.

Aussi, de son côté, Abdounasser Ag Wakass reconnait-il une évolution sur le terrain. « Il y a effectivement des tribus qui ne se marient pas avec les autres. Mais aujourd’hui, tout cela a tendance à disparaître, c’est culturel, autant dans les autres communautés. Même ici on a vu des Touaregs qui ont tenté de marier des Mossis mais on les a refusé le mariage parce que ce sont des Touaregs », révèle-t-il.

Abdounasser Ag Wakass, président de la communauté Kal-Tamasheq du Séno, @Burkina 24, Mai 2024

Et le mariage tamasheq a une grande spécificité. Asséta Léïlatou Ahmed, une jeune scolaire tamasheq reconnait les efforts à fournir pour la dot « Chez nous, il faut avoir au minimum quelques bœufs pour faire le mariage. Au fil des années, les événements changent. Sinon avant, pour marier une fille tamasheq ce n’était pas du jeu », reconnait-elle.

Là, elle touche du doigt un aspect qui interpelle les prétendants aux filles tamasheq. Le bien matériel fait partie du protocole du mariage chez les Tamasheq. Et le vieil homme nous rappelle que « pour marier une fille Tamasheq, avant, il te fallait 40 chameaux, si tu as 20 bœufs, tu dois accompagner avec les chameaux, 40 moutons et peut-être le thé et le sucre, au moins 20 cartons de sucre et 20 cartons de thé en plus de l’argent de la dot. Pour la dot, il y en a qui sont différentes, on peut te demander 120.000 francs, on peut réduire jusqu’à 50.000 francs. Si tu n’as pas ça, va-t’en ! », lance Mohamed AG Bali, le regard ferme, nous laissant pouffer de rire.

Même si le vieil homme le dit crûment, c’est la réalité dans le mariage classique tamasheq. « Avant, si tu veux marier une fille tamasheq, il faut te préparer avec 100 bœufs. Tu n’as pas 100 bœufs, on peut te permettre 50 bœufs. Si tu n’as pas ça il faut t’éloigner. Quand on te donne la fille aussi, on te donne la manière qu’elle doit vivre. Elle ne doit pas piler le mil, elle ne doit pas faire les condiments, il faut chercher un boy pour qu’il fasse à manger pour elle, elle ne doit pas laver les habits », dit-il.

Pour bien de raisons, les Tamasheq restent attachés au mariage familial. « Si tu donnes ton enfant aux autres ethnies que tu ne connais pas bien, tu ne sais pas ce qui se passe là-bas. Mais si c’est dans la famille, tu sais ce qui se passe. C’est pour cela on aime faire les mariages familiaux », confie Asséta Léïlatou Ahmed.

La méconnaissance à combattre

Malgré de multiples discours de promotion de la diversité culturelle, la communauté tamasheq reste moins connue des autres communautés. On peut même parler de manque d’acceptation dans certains cas. Aussi, la méfiance vis-à-vis de cette communauté émerge, au point de se sentir étranger chez soi. Une réalité ou une vue de l’esprit ? Ce n’est que des avis.

« Nous partageons le même pays mais on ne se connaît pas. Par exemple de l’autre côté au Sahel, il y a des gens qui ne sont jamais sortis du Sahel pour venir se retrouver ici. Ils ne savent pas s’il y a une autre ethnie au-delà des Mossé. De la même manière, on nous appelle aussi de l’autre côté Silmiga, tout le monde est mis dans le même panier », souligne Abdounasser Ag Wakass.

Les Hommes bleus au Musée national @Burkina 24, Mai 2024

Et cela créait un certain malaise souvent au sein de la communauté tamasheq. « Nous sommes des Burkinabè mais on ne se sent pas comme si c‘est notre pays. Les gens disent que les peaux rouges sont des racistes alors que ce n’est pas forcément le cas », exprime Aïssatou.

Tout ceci révèle la nécessité des actions communautaires mettant en lumière la culture de chaque communauté. Et la balle est aussi dans le camp de la communauté Kal-Tamasheq. L’espoir est permis. La communauté tamasheq prend bientôt les choses en main.

S’exprimer, se faire découvrir, s’affirmer tout en restant soi-même, c’est le défi. Une fenêtre est déjà ouverte. La première édition du « Festival de la culture Kal-Tamasheq » est annoncée pour les 27, 28 et 29 décembre 2024 au Musée national de Ouagadougou.

« Assak-nabah massinah festival wen dimalan dah-alher ad bani » (Que Dieu nous montre le festival prochain en bonne santé, NDLR : Langue Tamasheq).

Akim KY

Burkina 24 

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