Culture : Zêdess et Walib Bara au pied du mur
Les deux structures qu’ils dirigent ne sont séparées que de deux rues. Ils ont aussi une chose en commun : être du monde culturel. « Pour gérer la culture, il faut aimer la culture », avait déclaré un acteur culturel. Seydou Zongo dit Zêdess et Wahabou Bara alias Walib Bara ont été nommés respectivement premier responsable du Centre National des Arts du spectacle (CENASA) et du Bureau Burkinabè des Droits d’Auteurs (BBDA). Le premier est artiste musicien et le second manager et producteur d’artistes. Le bon maçon se voit au pied du mur, dit-on. Seront-ils à la hauteur ? Qu’ont-ils déjà posé comme actes ? Et quels sont leurs projets pour ces deux départements ? Rencontre avec deux hommes qui estiment avoir le même atout majeur pour réussir leur mission.
Ce que Zêdess a trouvé
«Quand je suis arrivé, à chaque pluie, c’était le stress pour le staff parce qu’il y avait des fuites d’eau partout à cause des dalles poreuses », annonce Zêdess sans tarder. Absence de coulisses, problèmes d’acoustique, d’esthétique et d’étanchéité du bâtiment, mauvaise installation électrique, insécurité. Voilà entre autres les difficultés qui arpentaient les couloirs des infrastructures qui abritent le CENASA à l’arrivée de l’auteur de « Ouaga sans char« .
« Avant de parler de projets artistiques, il faut essayer de rénover tout ça et d’innover. Comme l’a dit le rapport de l’expert, c’était une poudrière », a-t-il avancé. Nommé le 23 mars 2016, le nouveau directeur s’est donc lancé dans des travaux de rénovation de tout le bâtiment.
« Ma mission est très claire »
« Je ne suis pas là pour signer que des bulletins de salaires. Ma mission est très claire, dit-il, c’est de dynamiser le centre. On a recours au CENASA parce qu’on y trouve toutes les conditions réunies, et pour cela il faut qu’il y ait de l’esthétique, de la technique et de la sécurité ».
Autre problème auquel l’ancien professeur des lycées et collèges devrait faire face après la réfection du bâtiment, c’est le manque de matériels de sonorisation. « Quand tout ça sera fini, c’est d’avoir une très bonne sono où on aurait dominé toutes les questions d’acoustique. Il faut régler tout ça pour que le CENASA ressemble véritablement à une salle de spectacle avec toutes les commodités qui vont avec », prospecte Seydou Zongo. 212 millions de F CFA. C’est le montant fixé par l’expertise pour remettre le bâtiment d’applomb.
Pour réussir sa mission, Zêdess ne compte pas que sur le budget de l’institut. Il fait recours aux partenaires et mécènes. « Quand je suis arrivé ici, je me suis défini comme un DG mendiant, explique-t-il. Je suis allé tout de suite à l’assaut des partenaires privés. Il y en a qui ont été sensibles à l’appel. Un mois après, j’ai reçu 3 climatiseurs offerts par de bonnes volontés. Il y a des gens qui sont venus pour nous aider à créer une vraie salle de répétition. Cela nous a soulagés ».
La crise BBDA à l’épreuve de la méthode Bara
Un pâté de maisons plus à l’Est, son voisin, Walib Bara, directeur général du BBDA, s’attache à remotiver le personnel et redorer l’image du BBDA. Cependant, il est aussi confronté à des difficultés, notamment des locaux exigus, des conditions de travail très difficiles du personnel et le mécontentent des usagers. « Bon nombre de créateurs ont l’impression qu’ils sont spoliés de leurs revenus lors des répartitions. Il faut qu’on travaille plus à réduire de façon considérable ces plaintes », a-t-il déterminé.
A cause de la crise qu’a traversée l’institution, le taux de recouvrement est de 22% au lieu 50 ou 60% à cette période de l’année (milieu de l’année), révèle-t-il. « On est en retard. A partir du trimestre prochain, on va accélérer le processus », rassure-t-il.
Parlant de la crise, celui qui a été nommé le 29 juin 2016 dit travailler à en identifier les facteurs à travers un audit institutionnel et organisationnel qui sera disponible fin août 2016. Cette analyse constituerait selon lui une porte à ce tunnel.
« La crise est derrière nous. On ne parle plus de crise au BBDA, assure-t-il. Je le dis parce qu’aujourd’hui le message, c’est de former un bloc et de travailler à redorer l’image du BBDA. Il n’y a pas de camp pro DG et anti DG. C’est l’union sacrée. Je pense que les travailleurs du BBDA sont conscients que l’image de la maison est écorchée. Il faut donc travailler à redorer l’image ». Pour atteindre son objectif, il compte entreprendre des actions de sensibilisation des usagers ainsi que des partenaires techniques et financiers.
Les projets de Bara
Dans l’objectif d’accroître le volume des recettes, le manager d’artistes se lance comme défis de maîtriser les niches de recouvrement à travers l’identification et la géolocalisation de tous les partenaires et usagers du droit d’auteurs. Walib Bara entrevoit aussi explorer d’autres horizons, notamment les agences de communication et l’outil Internet à travers les plateformes de téléchargement.
Mais bien avant cela, la visibilité et la lisibilité du BBDA s’avèrent nécessaires «pour que l’usager sache pourquoi il paie ces droits qui ne sont rien d’autre qu’un salaire en différé du créateur et non un impôt ou une taxe comme certains le croiraient », dit-il.
A cet effet, le nouveau capitaine prévoit organiser fin septembre 2016 la rentrée BBDA. Elle sera suivie d’une journée porte ouverte et d’une nuit du droit d’auteur pour recueillir des fonds qui serviront à mettre en place une mutuelle pour les artistes âgés qui ont des difficultés de production.
Leur atout : être de « la maison »
Mais sur quels atouts comptent les deux patrons pour venir à bout des missions qu’ils se sont eux-mêmes fixés ? Tout comme l’Avenue de la Grande chancellerie que les sièges des deux structures côtoient, Zêdess et Walib Bara estiment avoir aussi le même atout : le fait d’appartenir à la famille culturelle.
« Je suis là, pas seulement en tant qu’administrateur, mais aussi en tant que technicien. On ne peut pas dire que je n’ai jamais vu un studio d’enregistrement ou une salle de répétition. C’est toute cette expérience que j’entends mettre au service des plus jeunes. Laisser à la postérité ce que moi-même je n’ai pas eu », fait comprendre Zêdess, sûr de lui.
Et à Walib Bara de dire, pour sa part que, « l’avantage que j’ai, c’est d’avoir suivi la crise en tant que porte-parole des créateurs à l’époque. J’ai une idée de la profondeur de la crise qui a paralysé la boite. Mais lorsque vous êtes dans la peau de l’administrateur, les gens de l’intérieur ont des préoccupations aussi qu’il faudra gérer. L’autre pression que j’ai, c’est que le monde extérieur a les yeux rivés sur moi. Ils attendent beaucoup de moi. Je ne vais pas bénéficier de circonstance atténuante parce qu’ils se disent que je sais de quoi je parle ».
« Nous sommes dans une équation. A gauche, il y a des précipices. A droite il y a aussi des précipices. Mais vous devez pédaler et il faut que je pédale. J’ai la chance d’avoir de la passion et je pense que ça va m’amener à avoir des résultats probants», conclut Walib Bara.
Revelyn SOME
Burkina 24
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