Opinion – « Quelle tarification au coût de développement pour l’électricité au Burkina-Faso ? »

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Ceci est une opinion sur la question de l’électricité au Burkina Faso. 

Dans le débat actuel sur le déficit dans la fourniture de  l’électricité au Burkina, les mots les plus récurrents s’articulent autour de la tarification de l’électricité.

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D’une part la nationale d’électricité qui dit vendre à perte par apport à son coût  moyen de production et d’autre part les consommateurs qui se disent victimes d’un coût de vente trop cher. Cet écrit vise  à donner les objectifs d’une tarification d’électricité, les coûts à couvrir par les tarifs et les fonctions que devraient avoir  les tarifs d’un service public comme la SONABEL.

La tarification idéale de l’électricité répond à deux objectifs : d’une part fournir les recettes qui permettent de financer le fonctionnement du système de production et d’acheminement et d’autre part envoyer des signaux de prix permettant l’optimisation du système.

Or, l’électricité est caractérisée par la grande variabilité de la demande au cours du temps et la quasi-impossibilité de son stockage.

Toute la chaîne de production, de transport et de distribution doit être conçue pour satisfaire en temps réel une demande connaissant d’amples fluctuations. Il est aisément concevable que le coût de la fourniture d’un kilowattheure soit alors très dépendant de la période (année, mois, jour, pointe ou creux de la demande) pendant laquelle il est appelé.

Au niveau de la production, pour satisfaire la demande d’électricité, il existe une grande variété de moyens de production dont les caractéristiques technico-économiques sont très variables, depuis les moyens de base, pour lesquels les investissements sont élevés et les coûts proportionnels à l’énergie produite très faibles, jusqu’aux moyens de pointe sensiblement plus légers en capital, mais pour lesquels le combustible est un poste important du prix de revient (le cas de la SONABEL).

La forme de la demande d’électricité, qui détermine la composition optimale du parc de production, a donc une incidence majeure sur les coûts de production.

Au niveau de la consommation, de nombreux clients sont sensibles aux modulations de prix. Ainsi, l’offre de prix bas lorsque les coûts sont bas et des prix élevés lorsque les coûts sont hauts, peuvent les inciter à modifier leurs habitudes de consommation en adéquation avec les coûts engendrés par cette consommation. La tarification n’a toutefois pas pour but d’agir a priori sur la courbe de charge en distordant artificiellement les prix, mais de refléter le coût des kilowattheures consommés.

Par conséquent, les principes qui guident la construction tarifaire de l’électricité doivent être :

  • le reflet des coûts engagés par les comportements de consommation des clients ;
  • la présence de subvention des institutions publiques (s’il y a lieu) ;
  • l’efficacité économique et énergétique, à court et long terme ;
  • l’égalité de traitement des consommateurs ;
  • la péréquation géographique.

À l’ensemble de ces contraintes précédentes, s’ajoutent deux principes permettant la mise en pratique des tarifs :

  • les tarifs doivent représenter un ensemble viable techniquement et économiquement, c’est-à-dire être compatibles avec les possibilités technico-économiques de la chaîne de comptage, des systèmes d’informations, de la facturation, etc. ;
  • les tarifs doivent être suffisamment simples et stables dans le temps pour que les signaux de prix adressés aux consommateurs soient compréhensibles et fiables afin de leur fournir une bonne incitation à consommer au mieux.

Les coûts à couvrir par les tarifs

Les tarifs forment les recettes qui sont censées couvrir des coûts générés par :

  • l’acheminement (transport et distribution) : c’est-à-dire les coûts afférents au transport et à la distribution de l’électricité, plus un certain nombre d’interventions, comme par exemple la relève ;
  • la commercialisation et la gestion de la clientèle ; c’est-à-dire les coûts générés par l’information au public et la gestion du contrat, par la promotion de l’efficacité énergétique ou les certificats d’économie d’énergie, etc. ;
  • les coûts de production : coûts de combustible, de fonctionnement et d’investissement-démantèlement des centrales de production d’électricité.

Pour un profil de consommation donné, les coûts de production peuvent être aussi décomposés principalement en :

  • ruban : coût d’une fourniture constante toute l’année, il est indépendant du profil ;
  • facteur de forme : coût de la forme spécifique moyenne du profil de consommation sous-jacent, il peut être positif si la majorité de la consommation du profil se place pendant les heures les plus chères (chaleur, heures pleines) ou négatif si la majorité de la consommation du profil se place pendant les heures les moins chères (froid, heures creuses) ;
  • aléa climatique : ceci mesure la corrélation entre la déformation du profil de consommation et celle des coûts du fait des aléas de température. Ces différentes composantes s’additionnent. La « contribution au service public de l’électricité », les taxes locales sur l’électricité et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sont payées en sus par le consommateur d’électricité.

Les tarifs d’un service public comme la SONABEL ont donc deux fonctions essentielles :

  • assurer des recettes pour couvrir au moins les charges actuelles et permettre le financement des activités futures, c’est-à-dire assurer le devenir de l’entreprise ;
  • orienter la demande dans un sens favorable pour la collectivité.

 D’un point de vue théorique, la probabilité est faible pour que la deuxième fonction, assurée par la vente au coût marginal de long terme, soit compatible avec la première, assurée par le niveau comptable. Cependant, il est possible d’assurer leur coïncidence avec un travail sur la structure tarifaire qui permet de garder l’efficacité du signal prix. En pratique, cela se fait par un recalage homothétique.

Un autre point important est le sens à donner au terme « orienter au mieux ». En effet, dans le cadre d’analyse économique retenu, l’optimum global est obtenu lorsque les tarifs sont construits sur les coûts marginaux de développement, en les rendant intelligibles pour la clientèle dans un langage simple et opératoire.

Il ne s’agit nullement de rechercher pour lui-même l’aplatissement de la courbe de charge, mais de révéler à la clientèle le vrai coût de sa demande suivant les périodes de l’année, ce qui permet à la clientèle de choisir en fonction de ses propres critères. Mais, pour qu’une telle démarche soit efficace, il faut au préalable que le producteur d’électricité ait déterminé la trajectoire optimale pour la gestion du service public et décide de s’y conformer.

Cela signifie que la prévision de demande d’électricité doit correspondre aux hypothèses tarifaires, que les programmes d’investissement de production, de transport et de distribution optimaux soient déterminés à partir de ces prévisions de demande, et qu’enfin le producteur ait l’ambition et les moyens de réaliser ce programme. Cet ensemble de conditions assure la cohérence de l’édifice.

Cette cohérence est rassurante au plan théorique : elle traduit l’aboutissement des réflexions économiques pour la gestion d’un service public, certes dans un cadre d’hypothèses qui simplifient la réalité (puisque ne sont prises en compte ni les indivisibilités des équipements, ni les situations de régression, ni la non-optimalité du système économique environnant, ni l’incertitude radicale de l’avenir) mais qui ont pu être généralisées.

Elle est également satisfaisante d’un point de vue pratique puisqu’elle garantit la qualité des résultats. L’enchaînement de toutes les réflexions stratégiques assure que les différentes interactions ont bien été prises en compte, à leur bon niveau.

L’aplanissement de la courbe de charge et la baisse quasi-continue des prix de l’électricité (hormis pendant une période de fort investissement) est un indicateur de l’efficacité du signal tarifaire et de la gestion du monopôle public et donc la cohérence entre théorie et pratique de la tarification et de la gestion du monopôle public de l’électricité.

Alidou KOUTOU

M.Sc.A. Génie Électrique

Doctorant Génie-Électrique


NDLR : Le titre est de l’auteur

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