Adama Kanazoé : «Le Président du Faso est à l’écoute de ses conseillers»
Le président de l’Alliance des jeunes pour l’indépendance et la république (AJIR), Adama Kanazoé a été nommé Conseiller spécial du Président du Faso pour le secteur privé et les Objectifs pour le développement durable (ODD). Le jeudi 3 novembre 2016, il a accordé une interview à Burkina 24, entrevue dans laquelle il revient sur l’ambiance qui régnait au sein du CFOP avant la chute de Blaise Compaoré, son travail de conseiller sans oublier les questions d’actualité, notamment la création de la CODER.
Burkina 24 (B24) : Vous êtes depuis quelques mois un des conseillers de Roch Kaboré. Une récompense après votre ralliement à la majorité ?
Adama Kanazoé (AK) : Ce que je sais simplement c’est qu’il s’agit, à l’instar de tout Burkinabè, qui est à la disposition de son pays, qui répond à l’appel de la mère patrie pour apporter sa contribution. Récompense ou pas, c’est un jugement qui peut être laissé à l’appréciation de chacun d’entre nous.
Mais le plus important, c’est de féliciter la clairvoyance du chef de l’Etat qui, à travers ma modeste personne, a envoyé un signal fort à l’ensemble de la jeunesse burkinabè en expliquant que le développement, il le voulait inclusif, jeunes femmes et les anciens, pour atteindre les objectifs de progrès social et économique. Je profite de votre micro pour remercier encore le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré pour cette marque de confiance.
Que cette confiance atteigne l’ensemble de la jeunesse burkinabè et que de plus en plus, cette nouvelle génération soit appelée au niveau des hautes sphères de direction de ce pays parce qu’il est important qu’une relève soit préparée.
B24 : Vous parlez de relève politique, il se murmure que vous avez été mis en orbite politiquement par les dirigeants du MPP…
AK : Ça reste des murmures et vous savez ce qu’on dit en mooré : « sidpawalemdé », la vérité ne se murmure pas. Généralement, ce sont des bruits de couloirs qui sont alimentés par divers réseaux et qui sont très souvent loin des réalités.
Je l’ai dit maintes fois et je ne sais pas comment traduire encore ma bonne foi là-dessus, mais j’ai rencontré le président Roch Marc Christian Kaboré pour la première fois, au CFOP. Avant le CFOP, je ne l’avais jamais rencontré de ma vie. Il ne me connaissait pas physiquement et moi je le voyais juste à la télévision.
D’ailleurs, nos partis ont été créés le même jour. On s’est retrouvé au CFOP pour s’affilier et c’est ce combat qui nous a rapprochés. J’apprends beaucoup de cette personne et je suis impressionné par sa zen attitude. J’ai rarement vu une telle capacité à prendre du recul pour aborder des choses. S’il y a une qualité que je pense lui copier rapidement, c’est cette qualité-là.
L’AJIR n’a jamais été créé par le MPP, il n’a pas été suscité par le MPP. Je le dis de bonne foi, la main sur le cœur.
B24 : Parlant toujours de la Majorité, que devient l’Alliance des partis et formations politiques de la majorité présidentielle ? Il n’y a pas d’activités. Est-ce que cette alliance est morte ?
AK : Cette alliance existe et il y a même un secrétariat permanent qui est assuré par le président du Front des Forces Sankaristes (FFS) et le siège du secrétariat est le siège du FFS. D’ailleurs, nous avons une réunion ce jeudi (le 3 novembre 2016, ndlr) pour faire le bilan de la commémoration de l’AN II de l’insurrection. C’est une alliance qui est en marche et une dynamique qu’il va falloir impulser davantage et vous allez bientôt sentir l’alliance dans toute sa plénitude.
B24 : A travers des actions ? Lesquelles ?
AK : A travers l’animation de la vie politique, prendre des positions sur les sujets d’intérêt national, et initier des actions d’accompagnement, notamment du PNDES qui est aujourd’hui une véritable boussole pour notre développement.
B24 : Vous n’avez pas peur que cette alliance soit en quelque sorte le porte-flingue du MPP ?
AK : Dans la forme, nous constatons qu’il n’y a pas une mainmise du MPP. Il y a un vrai respect de l’ensemble des acteurs de cette alliance. Le MPP n’est pas omnipotent dans cette alliance. Nous sommes assez confiants et également, dans le fonctionnement de cette alliance, c’est une contribution paritaire, ce sont des cotisations en bonne et due forme. Il n’y a pas de chèque signé pour chaque membre de l’alliance.
L’APMP est un ensemble de partis politiques qui se respectent et qui partagent une vision commune et qui, ensemble, ont décidé d’accompagner le président Roch Marc Christian Kaboré.
B24 : Parlant d’alliances et de coalitions, au sein du CFOP, la CODER a été créée et dirigée par le Dr Ablassé Ouédraogo en réponse à la mise en place de la CFDC. Quelle analyse faites-vous de la création de ces deux blocs ?
AK : Cette situation nous conforte dans notre conviction de départ qui est qu’il allait être très compliqué qu’il puisse exister véritablement une cohésion entre l’ancienne majorité et nos camarades insurgés de l’ex CFOP.
A peine une année après sa mise en place, il y a cette scission qui est un secret de polichinelle désormais. Vous avez aujourd’hui une opposition qui est divisée en deux blocs parce qu’il est très compliqué pour ce bloc hétérogène que constitue l’ex majorité et l’ex CFOP de se mettre ensemble pour avoir une plateforme commune. Pendant que certains fêtent l’insurrection, d’autres estiment que c’est un fait passé qu’il faudrait passer sous silence. C’est une position qui ne peut pas du tout être acceptée par les insurgés.
On ne peut pas passer sous silence ce sacrifice qui a été consenti par ces dignes fils et filles du Burkina Faso. Vous avez une ancienne majorité qui, aujourd’hui dans l’opposition, n’a jamais fait son mea culpa devant le peuple burkinabè et cela embête les gens.
Aujourd’hui, la situation nous donne raison. Vous avez clairement deux oppositions. Les insurgés d’une part et vous avez l’ex majorité où se retrouve le Dr Ablassé Ouédraogo qui est un insurgé, qui était pour la plupart des activités que nous avons organisées, président de comités d’organisation, donc il n’est clairement pas à sa place dans cette Coalition CODER. Clairement pas ! Ça fait tache.
Mais après, c’est un choix politique que lui en tant que devancier en politique et doublement et triplement plus expérimenté que moi Adama Kanazoé qu’il a mesuré et qui pour lui doit avoir des bénéfices. Mais des retours que j’ai, même des militants de Le Faso Autrement, c’est une pilule qui est très difficile à absorber.
B24 : Pensez-vous qu’Ablassé Ouédraogo est en train de s’éteindre politiquement ?
AK : Je ne suis pas un devin, je n’ai pas une boule ce Crystal devant moi pour connaitre l’avenir politique de chacun d’entre nous. Ce que je dis, c’est un choix politique qu’il a fait. Il a surement mesuré les tenants et les aboutissants et je n’ai pas de jugement particulier ni de prophétie aussi.
B24 : Conseiller spécial du Président du Faso pour le secteur privé et les Objectifs pour le développement durable (ODD), quelle est la substance de votre travail ?
AK : Le président a souhaité que je sois à ses côtés pour manager les items du secteur privé et des ODD qui sont très importants et transversaux. On est tous d’accord que le moteur de la croissance c’est le secteur privé, l’Etat ne peut pas tout faire et a forcément besoin de l’accompagnement du secteur privé.
Notre rôle aux côtés du chef de l’Etat, c’est de pouvoir lui faire les meilleures suggestions possibles pour assainir l’environnement des affaires au Burkina. Par exemple, j’ai déjà demandé rendez-vous avec les acteurs de la banque mondiale qui s’occupent notamment du classement Doing business. Vous savez que notre pays a fait un recul de 3 points au dernier classement, c’est une situation que nous ne pouvons pas regarder les bras croisés. Nous allons les rencontrer très bientôt pour comprendre les aspects sur lesquels nous avons reculé.
Pour ce qui est des ODD, qui est un référentiel des Nations Unies, le chef de l’Etat en a pris le leadership. C’est tellement important qu’au Burkina Faso, le chef de l’Etat a décidé qu’il reste le patron des ODD, même si des institutions sont en place pour porter ces mesures. C’est pour cela qu’il a pris auprès de lui, un conseiller spécial qui s’occupe de cela. Ma mission est de manager avec les différentes entités opérationnelles pour créer un environnement des affaires favorable à l’investissement privé massif, et d’autre part, de faire en sorte que les ODD soient pris en compte dans les politiques publiques.
B24 : Roch Kaboré a déjà un programme, vous en tant qu’ancien candidat à la présidentielle, vous en aviez également. Pour le secteur privé et les ODD, sur lequel vous basez- vous ?
AK : Le programme politique qui est en vigueur au Burkina Faso est sans ambiguïté, j’insiste, sans ambiguïté, le programme pour lequel le président Roch Marc Christian Kaboré a été élu à la majorité écrasante par le peuple burkinabè. C’est le programme du chef de l’Etat qui est en vigueur.
Après, la source des contributions des conseillers ne préoccupe pas tellement le chef de l’Etat. C’est surtout l’opportunité, la pertinence des propositions qui sont analysées par le chef de l’Etat et c’est lui seul qui décide in fine, des options à prendre.
Il n’y a pas d’ambiguïté sur le programme en vigueur au Burkina, c’est bien le programme du chef de l’Etat et c’est également le PNDES qui est une opérationnalisation de ce programme.
B24 : Comment se passe la collaboration avec Roch Kaboré. Vous êtes jeune, le président vous écoute-t-il vraiment ?
AK : Le chef de l’Etat est à l’écoute de tout le monde. C’est l’une des qualités de son Excellence Roch Marc Christian Kaboré qui a une capacité d’écoute hors pair. Ses plus grands opposants lui reconnaissent cela, donc ce n’est pas nouveau.
Les conseillers ont la chance d’avoir en face d’eux un chef de l’Etat qui est très réceptif, qui écoute beaucoup, qui analyse beaucoup et qui a la capacité de prendre beaucoup de recul pour observer. Ici, nous n’avons pas cette génération de conseillers qui ne voient jamais le président.
Nous avons régulièrement des rencontres avec lui et nous avons des notes que nous lui adressons de façon régulière et lui-même, il est très disposé à recevoir ses conseillers à chaque fois que besoin il y a d’aborder certains sujets. C’est un chef d’Etat qui est à l’écoute de ses conseillers et de son peuple.
B24 : Le Burkina a commémoré l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 il y a quelques jours. L’opposition de son côté et le pouvoir du sien, même si de part et d’autre chacun est venu en invité. Quel regard jetez-vous sur cela ?
AK : Je n’ai pas la même lecture que vous. L’image que j’ai vue, c’est celle du chef de l’Etat, Son Excellence Roch Marc Christian Kaboré et son challenger aux dernières élections, le Chef de file de l’opposition politique, le président Zéphirin Diabré côte-à-côte, main dans la main, s’inclinant devant la mémoire de nos martyrs.
C’est cette image que j’ai retenue, c’est la présence du Chef de file de l’opposition politique à l’ensemble des activités qui ont jalonné la commémoration de ce 2e anniversaire de l’insurrection. C’est vrai qu’au départ il y a eu des supputations sur les programmes, mais il y a eu très rapidement une rencontre avec le ministre d’Etat (Simon Compaoré et Zéphirin Diabré, ndlr) et ils ont réussi à trouver le compromis parfait dans l’intérêt du peuple burkinabè.
Il y a eu certes une activité de la Coalition des forces démocratiques pour le vrai changement (CFDC) la veille (le 29 octobre, ndlr), mais celle-ci n’a pas empiété sur le programme officiel de commémoration. Si au départ on avait pu le craindre, in fine, il n’y a pas eu véritablement de dissension.
B24 : Deux ans après l’insurrection et une année après le Coup d’Etat, la justice n’est toujours pas au rendez-vous. Quelle est votre analyse ?
AK : La soif de justice de notre peuple est une réalité. A la commémoration, nous y étions tous, le refrain qui y revenait, c’est la justice. Quand vous écoutez les discours, aussi bien des officiels que des victimes et des parents de victimes, c’est la justice. Le ministre d’Etat, Simon Compaoré, lui-même a réclamé justice.
C’est vrai qu’aujourd’hui l’appareil judiciaire est clairement interpellé et c’est à cet appareil, qui a ses mécanismes internes que nous ne saurions critiquer, de mettre les bouchés doubles pour que nous puissions arriver rapidement à l’établissement de la vérité sur les différents dossiers. Je parle du dossier de l’insurrection, mais aussi des autres dossiers assez importants.
On a besoin d’aller à la réconciliation, mais il faut passer par la case vérité et justice. Cela veut dire que la justice est encore une fois au cœur de tout cela et est interpellée. Notre souhait c’est que les magistrats qui aujourd’hui bénéficient clairement de l’appui financier et de tous les moyens dont ils ont besoin pour travailler, l’Etat a fait beaucoup d’efforts, utilisent tous ces moyens et fassent en sorte que la manifestation de la vérité soit une réalité pour que nous puissions tous faire le deuil.
B24 : Toujours en rapport avec l’insurrection, Zéphirin Diabré a, lors de la Conférence nationale sur l’insurrection, révélé que le CFOP avait des difficultés à parler d’une seule et même voix avant la chute de Blaise Compaoré. Comment avez-vous vécu ces moments ?
AK : Je pense que c’est une analyse a postiori que le président Zéphirin Diabré fait parce qu’en ce temps, on avait un CFOP où il y avait une plateforme commune en trois points : non au référendum, non au Sénat, non à la modification de l’article 37 qui nous unissait. Il n’y avait aucun débat, aucune dissension sur cela. Mais, une fois arrivé au point d’achèvement de cette plateforme, on ne s’est jamais assis pour élaborer une autre plateforme, c’est-à-dire celle qui consiste à la gestion du pouvoir d’Etat.
Le départ de Blaise Compaoré, je l’ai toujours dit et répété, ce n’est pas quelque chose qui a été prémédité. Ce que nous demandions durant une année de marche et de meeting, c’est de faire comprendre au président Compaoré qu’il fallait abandonner l’ensemble de ses projets qui étaient impopulaires, partir à la fin de son mandat et laisser le Burkina Faso se choisir un nouveau dirigeant.
Nous avons tous été pris un peu de court par la tournure des évènements. On n’avait pas anticipé, il n’y a pas eu de plateforme commune de gestion d’après Blaise Compaor. Forcément, à ce moment, chacun avait son agenda. Maintenant comment chacun a fait tourner son agenda, mystère et boule de gomme.
B24 : Est-ce cette dissension qui a amené l’armée à prendre le pouvoir après le départ de Blaise Compaoré ?
AK : Il n’y avait pas une dissension manifeste ! Ce n’est pas comme si on avait un débat sur qui prend le pouvoir. Le débat n’a même pas existé. Parce que quand Blaise Compaoré est parti, on avait d’abord un défi sécuritaire. C’est fondamental et en ce moment, on demande à l’armée de prendre ses responsabilités.
Aussi, au sein du CFOP, comme on n’avait pas anticipé tout cela et qu’on n’avait pas défini un cadre de travail, on ne pouvait pas improviser une prise du pouvoir. Peut-être que ces moments de flottements ont permis à l’armée à prendre le pouvoir.
Interview réalisée par Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
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