La gestion du capital humain – De la nécessité d’une reforme de nos administrations sociales 2/4 ?
La semaine passée, nous avions écrit à propos de la Direction du Travail et de la nécessité de réorienter ses priorités (DE LA NECESSITE D’UNE REFORME DE NOS ADMINISTRATIONS SOCIALES 1/4).
Cette semaine nous nous intéresserons à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS).
Les prestations de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale sont régies par la loi N0 015-2006/AN du 11 mai 2006 portant régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs salariés et assimilés au Burkina Faso et la loi N° 016-2006/AN du 16 mai 2006 portant création de la catégorie d’Etablissements Publics de Prévoyance Sociale (EPPS).
La CNSS s’est fixée pour objectif de mettre en œuvre de son plan stratégique 2010-2020 par :
- La satisfaction des assurés sociaux par un bon accueil, un service à temps, et de proximité ;
- L’extension de la couverture sociale aux travailleurs indépendants (groupes des professions artisanales, industrielles, commerciales, libérales, agro-sylvo-pastorales et ceux de l’économie informelle) ;
- L’élargissement de la gamme des prestations à de l’assurance vieillesse complémentaire ;
- La pérennisation de l’institution en générant des revenus conséquents et en assurant les réserves requises ;
La Caisse Nationale de Sécurité Sociale vise d’ici à l’horizon 2020, la couverture d’au moins 90% de la population relevant du champ d’application de la loi N° 015-2006/AN du 11 mai 2006. Cette couverture s’entend par la fourniture, en temps opportun, de service aux assurés sociaux de prestations légales de qualité à moindre coût sur la base d’un recouvrement optimum des cotisations sociales et d’une gestion optimale et profitable des placements de ses ressources.
Elle est organisée comme ci-dessous :
LA DIRECTION GENERALE et ses structures directement rattachées (6) :
Le Secrétariat Particulier (SP) ; Le Protocole ; Les Conseillers Techniques (CT) ; La Direction de l’Audit Interne (DAI) ; La Direction des Etudes et de la Stratégie (DES) ; La Cellule Affaires Juridiques et du Contentieux (CAJC) ; La Direction de la Communication et des Archives (DCA) ;
LE SECRETARIAT GENERAL et ses structures rattachées (17) :
Le Secrétariat Particulier (SP) ; Le Service Central du Courrier ; Les Chargés d’Etudes (CE) ; Le Service des Marchés (SM) ; La Direction Centrale des Prestations (DCP) ; La Direction Centrale du Recouvrement (DCR) ; La Direction de la Prévention (DP) ; La Direction Financière et Comptable (DFC) ; La Direction du Contrôle de Gestion (DCG) ; La Direction des Ressources Humaines (DRH) ; La Direction des Systèmes d’Information (DSI) ; La Direction Administrative et de l’Equipement (DAE) ; La Direction Régionale de Ouagadougou (DRO) ; La Direction Régionale de Bobo-Dioulasso (DRB) ; La Direction Régionale du Nord (DRN) ; La Direction Régionale de Fada N’Gourma (DRF) ; La Direction Régionale de Dédougou (DRD) ;
Force est de constater à moins de 2 mois de l’échéance que dans les faits et pour les bénéficiaires les objectifs de cette institution n’ont pas véritablement été atteints et qu’au jour d’aujourd’hui, cette noble institution défrai plus la chronique par les scandales supposés de corruption et de népotisme en son sein que pour les avancées majeures tant attendues par ses partenaires.
Une visite sur le site web de l’institution (http://www.cnssbf.org/) vous donne a priori un premier aperçu de ce que vous pouvez attendre de ses services en tant qu’employeur ou bénéficiaire de prestations. Bien malheureusement les informations qui y sont communiquées restent exclusivement règlementaires et en langue française. Pour peu que vous ne sachiez pas lire, lire le français ou que vous soyez « réfractaire » au langage juridique, ce site ce révèle fort peu utile. Le simple fait de disposer des textes (loi, arrêtés et décrets) vous informe mieux que le site institutionnel.
Pour ce qui relève de la satisfaction des assurés sociaux (bon accueil, un service à temps, et de proximité), des retours qui nous parviennent, nous sommes loin des standards communément acceptés et admis en matière d’accueil, de service à temps et de proximité. Ces affirmations se basent exclusivement sur l’expérience vécue en tant qu’employeur et également bénéficiaire. De notre opinion, l’institution souffre d’une administration lourde et peu productive, freinée dans son efficacité par le syndrome de la hiérarchisation excessive, de la centralisation des décisions et de la prolixité des procédures internes qui ne sont maitrisées que par quelques initiés. Une simple déclaration d’embauche en vue de la production d’une carte d’immatriculation (carte rose) peut au bas mot prendre 2 semaines avant obtention de cette dernière (sauf à disposer d’un contact interne capable d’accélérer la procédure). Pour disposer de cette carte vous devrez vous-même littéralement consulter les archives de la CNSS. L’absence d’un chef de service (en mission, en réunion, à des obsèques, etc…) peut retarder significativement le service à la clientèle.
Pour ce qui relève de l’extension de la couverture sociale et de l’assurance vieillesse complémentaire, force est de constater dans notre entourage immédiat que peu de personnes y souscrivent ou y ont accès par manque d’information ou d’accompagnement de la part de l’institution. Nos proches immédiats exerçant des professions libérales, les boutiquiers, menuisiers, mécaniciens, soudeurs, vendeurs de gaz, commerçants de légume, coiffeuses, couturiers de la rue ou nous résidons, aucun d’entre eux n’est bénéficiaire d’une couverture sociale alors qu’ils pourraient en bénéficier eu égard à leur statut et aux objectifs de l’institution. Si nous considérons que le nombre d’actifs est de 86% de la population en mesure de travailler, et que 2% de cette population active est constituée de salariés (cotisant déjà à la CNSS) et de fonctionnaires (cotisant à la CARFO), alors 98% des actifs soit environ 4,5 millions de Burkinabès devraient pouvoir souscrire à l’assurance volontaire. Le nombre d’assurés volontaires est passé de 1 081 en 2006 à 16 313 en 2017 (1 384 par ans). Nous sommes bien loin des 4,5 millions.
Pour ce qui est de la génération de revenus et de l’assurance des réserves, en 2017, le nombre total d’employeurs était de 131 070, le nombre d’assurés 397 548 et celui d’allocataires de 98 831. Le montant des produits financiers de 21,312 Milliards et le montant des cotisations reçues de 83, 589 Milliards, soit 104,901 Milliards de FCFA de ressources (résultat d’exploitation) et 34,992 Milliards de prestations servies, soit des « réserves » a priori de 69,909 Milliards de FCFA.
Nous nous retrouvons donc avec une institution qui génère des revenus impressionnants à faire pâlir d’envie des opérateurs de téléphonie mobile (46 Milliards de résultat d’exploitation pour l’ONATEL en 2018) ou des institutions financières (19,756 Milliards de résultat d’exploitation pour la BOA en 2018), qui disposent de liquidités significatives, mais qui de par son fonctionnement bureaucratique désuet et sa situation de monopole, ne permets pas de satisfaire aux exigences de sa clientèle.
Des projets de digitalisation de ses services (comptes employeurs et bénéficiaires, demandes, déclarations, accessibles en ligne, règlements réalisable par mobile), des actions de communication agressives (en langues nationales partout sur le territoire), des campagnes d’affiliations, des restructurations internes en matière d’effectifs, d’organisation hiérarchique, de procédures de traitement, la mise en place de gestionnaires de compte dédiés et pourquoi pas une semi privatisation permettant à chaque assuré de devenir « actionnaire » de l’institution en fonction du montant de ses cotisations, ouvriraient la voie à une plus grande efficacité, un plus grand dynamisme et une véritable orientation client pour une institution qui s’essouffle et qui ne trouve pas de leviers suffisamment forts pour aller vers une modernisation de son fonctionnement et une plus grande efficacité, gages d’une pérennité.
Pour rappel, cette institution est une copie du modèle de sécurité social français mise en œuvre sans appropriation préalable par les populations burkinabè. Ceci démontre une nouvelle fois que copier aveuglément sans saisir l’esprit d’un modèle n’est pas toujours la bonne option, surtout lorsque ce modèle doit être mis en œuvre par notre administration.
Ouagadougou, le 22/11/2019
BIOGRAPHIE
Omar KONATE, économiste de formation a fait l’essentiel de sa carrière dans le domaine de la gestion du capital humain dans des organisations privées et internationales. Il est à présent Directeur général de K. People International, un cabinet qu’il a fondé en 2015.
Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Suivre la chaine
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
Restez connectés pour toutes les dernières informations !