Hôtel administratif du Centre : Un géant aux pieds d’argile !
Des plafonds qui suintent. Des bureaux et sous-sols inondés. Des fosses septiques qui ne peuvent plus contenir l’eau des toilettes et des WC. Des odeurs nauséabondes. La climatisation qui fonctionne presque. Des groupes électrogènes non fonctionnels. Une insécurité qui ne dit pas son nom. Les conditions de travail et de sécurité ne sont pas comme on pense, en se fiant à l’architecture de l’hôtel administratif de la région du Centre, sis à Ouagadougou, dans la Zone d’activités commerciales et administratives (ZACA)… Des entrailles jusqu’au sommet !
De l’extérieur, on ne peut que tomber sous le charme de l’infrastructure. Un complexe comprenant trois bâtiments avec sous-sol, identiques extérieurement, dont l’un d’eux est de type paysager, un autre polyvalent, six annexes, un mur de clôture.
La surface utile des trois bâtiments principaux est de 20 000 m2 avec au total, 190 bureaux pour chacun des bâtiments, soit au total, 570 bureaux. Le développement architectural met en évidence la bonne fonctionnalité de la conception marquée par l’accessibilité facile de chaque palier, à partir d’un escalier central.
Chaque aile du bâtiment a une issue et des escaliers de secours. Le patio est couvert par une verrerie. Les trois bâtiments sont reliés entre eux par des passerelles formant un ensemble harmonieux d’une belle allure architecturale. Lesdits bâtiments abritent plusieurs départements ministériels et institutionnels.
Véritable contraste !
Quand on y met cependant les pieds, surtout quand on y doit passer toute une journée, on ne peut qu’être sous le choc de ce que l’on peut découvrir et sentir. Des plafonds qui suintent. De l’eau qui sort des toilettes pour se retrouver dans les bureaux, obligeant la construction de dos d’ânes devant les bureaux pour ne pas être inondés.
Les installations électriques, du Ping Pong ! Généralement, les prises fonctionnent et les lampes, non. Quand les lampes fonctionnent, les prises arrêtent de fonctionner.
Dans certains bureaux, la climatisation ne fonctionne pas et les occupants sont obligés d’utiliser des ventilateurs ou de faire remettre la climatisation à leurs propres frais. L’électricité ! Quand il y a délestage, c’est l’arrêt total de travail.
Pourtant, il existe des groupes électrogènes censés assurer le relai. Certains occupants se voient souvent obligés d’accomplir ou de terminer certaines tâches à leur domicile, tard dans la nuit, quand femme (s) et enfant (s) dorment.
Difficile pour les travailleurs d’ouvrir portes et fenêtres des bureaux quand ces délestages surviennent ; le cas échéant, bonjour les odeurs nauséabondes des eaux usées stagnées derrière les bureaux.
Au sous-sol, les ordures et l’eau stagnée font bon ménage !
Dans le sous-sol du bâtiment central, l’inondation est imminente. Dans le bâtiment ouest, l’on se croit dans une piscine mal entretenue, avec des sachets plastiques et autres qui cohabitent. Conséquence, l’accès est verrouillé. Pourtant, ces sous-sols doivent abriter des engins. Et qui sait, ce que peuvent créer ces retenues d’eau sur le long terme ?
L’on note aussi une insécurité dans et aux alentours des bâtiments. L’on entre et ressort sans être questionné ni contrôlé comme si l’on est au marché de Rood-wooko (grand marché de Ouagadougou), comme dirait l’autre…
Pour les amateurs de « belle vue », il est même possible de se rendre sur la toiture des immeubles. Et quand vous y êtes, pas besoin de faire savoir ce que l’on peut admirer quand on sait ce qu’on a à proximité comme points névralgiques.
« ACOMOD a hérité ‘’d’une patate chaude’’ »
N. A. (initiales d’emprunt) nous révèle que tous ces problèmes sont dus au fait qu’au début des travaux, il y a eu beaucoup de manquements.
« Le tout, c’est le début. Si on a raté le début, le reste c’est compliqué. Ce bâtiment, c’est un projet qui a démarré avec le Bureau d’appui à la maîtrise d’ouvrage (BAMO), une structure relevant du Premier ministère.
Plusieurs entreprises ont réalisé ces trois bâtiments. On nomme ces bâtiments Est, central et Ouest. C’est SOL CONFORT ET DECOR SA qui ont réalisé le bâtiment Est et central. Et l’entreprise SOGEPER a réalisé le bâtiment Ouest.
ACOMOD, qui est une maitrise d’ouvrage déléguée, a été créée en 2014 sur arrêté ministériel », rappelle notre source. Pour elle, ACOMOD-Burkina a hérité ‘’d’une patate chaude’’. Parce que, bien avant l’arrivée de la société d’État, beaucoup de dysfonctionnements sont notés, notamment au niveau du bâtiment Ouest.
D’ajouter qu’en son temps, « les bâtiments n’étaient pas totalement prêts, ni même la réception provisoire effectuée ». Mais sur instruction du ministre de l’administration territoriale d’alors et la bénédiction du Conseil des ministres, des ministères élisent domicile.
« Pourtant, dans le processus de construction d’un bâtiment, il faut que le bâtiment finisse. On fait la réception provisoire afin que les intéressés puissent accéder aux locaux. Mais cela n’a pas été le cas. Les différents ministères sont venus d’abord et par la suite, on a voulu faire la réception provisoire. On a rencontré beaucoup de difficultés, notamment la climatisation, l’électricité, la plomberie, les ascenseurs, etc. », explique notre vis-à-vis.
« Les installations parallèles », la plomberie, les regards, les fosses septiques
Les problèmes, fait savoir en outre N. A., commencent véritablement avec l’utilisation des splits. « Les problèmes ont commencé à partir du moment où on a commencé à utiliser les splits, parce que la climatisation rencontrait des difficultés.
Quand ces installations parallèles ont été effectuées, on a constaté des hausses de courant permanentes. Du coup, les disjoncteurs ont commencé à sauter (créant des délestages à répétition dans certains bureaux) », argue-t-il.
Il pointe également du doigt l’action des occupants des locaux en ce qui concerne la tuyauterie qui se bouche à répétition. « Lors des curages, on y trouve des serpillères, des sachets d’eau… et même des préservatifs. Tout cet ensemble participe à boucher les regards », informe-t-il.
Et de poursuivre : « Si tout suivait son cours normal, on devrait actuellement parler de la DGAIE (Direction générale des affaires immobilières de l’Etat). C’est elle qui devrait prendre la relève. Mais comme la réception provisoire n’a pas encore été faite… On ne peut aussi pas faire une réception définitive avec toutes ces difficultés. Les étapes ont été sautées. L’on a mis la charrue avant les bœufs ».
Encore le souci de sécurité renforcée et permanente ! « Il faut véritablement renforcer la sécurité de ces bâtiments. Il y a des gens qui y vendent de l’attiéké, du yaourt, des pagnes, du bissap parce qu’à midi chacun est assis dans son bureau et se fait livrer la nourriture », réitère-t-il, suggérant de même un entretien régulier des bâtiments.
Silence radio !
Luc Adolphe Tiao, contacté, a d’emblée répondu : « Je ne vois pas de quoi il s’agit. Il me sera difficile d’en parler ». Et quand nous lui rafraichissons la mémoire de ce qu’il était le président de la cérémonie de pose de la première pierre de cet hôtel administratif (le 31 octobre 2011), l’ancien Premier ministre fait savoir que ça fait bientôt huit ans qu’il a quitté le gouvernement et qu’il n’a plus suivi l’évolution du projet.
« Il serait plus judicieux d’interroger les administrations qui sont venues par la suite », suggère-t-il alors. Nous insistons en lui faisant savoir que son avis est aussi important que celui des autorités qui se sont succédé. Là-dessus, silence radio ! Aucune autre réaction.
L’on nous répond du côté de la Direction générale de la société d’Etat, l’Agence de conseil et de maitrise d’ouvrage délégué en bâtiment et aménagement urbain (ACOMOD Burkina), notamment son premier responsable, Diodama Gaston Kaboré, ingénieur en génie civil, Directeur technique et Directeur général intérimaire.
« La construction de l’hôtel administratif du Centre a été confiée au BAMO (Bureau d’Appui à la Maitrise d’Ouvrage) qui a commencé les travaux depuis 2012 pour un délai d’exécution de deux ans. Ce n’est qu’en 2017 que les travaux ont pu être achevés avec l’appui de l’ACOMOD Burkina qui a pris la relève à la suite de la suppression du BAMO », indique premièrement Gaston Kaboré.
« Quand ACOMOD Burkina prenait le relais, les travaux confiés à la société SOGEPER n’étaient pas encore achevés, parce que ce chantier avait été mis en régie du fait des insuffisances de l’entreprise SOGEPER. ACOMOD Burkina a donc contribué à la finalisation desdits travaux », indique-t-il ensuite.
A quand la réception définitive ?
Les travaux achevés en 2017 permettent, si l’on en croit les dires du DG, de prononcer les réceptions provisoires de l’hôtel les 6,7 et 10 juillet 2017 en présence de tous les intervenants à savoir le ministère en charge de l’économie et des finances, la Direction générale de l’architecture, toutes les entreprises, la mission de contrôle (CINCAT International SA) et le maitre d’œuvre (BAD); et d’autoriser ainsi la venue de neuf ministères.
« Si jusqu’à aujourd’hui on n’a pas encore effectué les réceptions définitives, c’est parce qu’entre temps il y a eu un incendie qui est survenu au niveau du bâtiment ouest en 2018 », dit-il, liant l’incendie à des dysfonctionnements provoqués par les utilisateurs, »qui ont procédé à des installations anarchiques », explique le Directeur général intérimaire.
Le retard dans cette réception définitive s’explique également par le fait de difficultés notables dans les entrailles de l’infrastructure. « Le bâtiment ouest, comme d’autres bâtiments situés dans la zone, est implanté sur une nappe phréatique très forte. Le cahier de charges a retenu un choix technique de mise en œuvre que nous jugeons aujourd’hui insuffisant.
Quand on réceptionnait (provisoirement, ndlr), il n’y avait pas ce problème de remontée d’eau du sous-sol. ACOMOD Burkina n’a fait qu’hériter d’insuffisances liées au cahier de charges. ACOMOD Burkina a pris le bâtiment à son stade de finition.
Le gros œuvre était fait alors que ce problème de sous-sol s’il fallait le régler, c’était au moment des fondations. Les études architecturales et techniques n’ont peut-être pas perçu les problèmes futurs », note de même l’ingénieur en génie civil, qui envisage cette réception définitive pour « les jours à venir ». Il rassure que pendant ce temps, » des travaux confortatifs sont réalisés ».
Nos différentes tentatives d’entrer en contact avec la SOGEPER, entreprise indiquée comme étant en charge à un moment donné des travaux de construction du bâtiment ouest, sont restées vaines ; les dernières informations et actualités au sujet de l’entreprise remontent à plusieurs années. Pendant ce temps, le géant, beau et joli bâtiment croule sous le poids des responsabilités…
En rappel, ce programme de construction, de plus de 30 milliards de FCFA, a été lancé depuis mars 2010 à Bobo-Dioulasso, dans le cadre de la commémoration du cinquantenaire. Cette vision du gouvernement burkinabè consistait à doter chaque chef-lieu de région d’un hôtel administratif.
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Tambi Serge Pacôme ZONGO
Burkina 24
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