Tribune | Polémique sur l’utilité des matières littéraires au Burkina: « Pourtant ce sont des disciplines indispensables » (Inoussa Malgoubri)

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Suite à la polémique qui se développe sur les réseaux sociaux à propos des  matières enseignées dans les pays en développement comme le Burkina, il n’est pas rare d’entendre des opinions tendant à remettre en cause l’utilité des matières littéraires. Dans cette tribune, Inoussa Malgoubri, professeur d’Anglais et doctorant en éducation à l’Université du Nebraska -Lincoln, aux Etats-Unis d’Amérique, apporte sa contribution au débat. Lisez donc.

En parcourant les réseaux sociaux, je suis tombé sur cette affirmation : « des filières comme lettres modernes, philosophie, histoires sont très inutiles en Afrique ». Je ne suis pas philosophe, historien ou hommes de lettres de formation ou de profession. Toutefois, en tant qu’enseignant et doctorant en éducation qui s’intéresse à l’identité et aux technologies dans les processus d’enseignement-apprentissage, je me sens concerné par cette question. Je voudrais attirer l’attention des uns et des autres que l’éducation est un tout.

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La philosophie, les lettres modernes et l’histoire sont des disciplines essentielles pour le Burkina Faso et l’Afrique, car elles contribuent à préserver et à penser la culture, la société, l’identité et le développement du continent à travers les âges et les innovations. Ces disciplines permettent aussi de développer l’esprit critique, la créativité, qui sont des compétences clés pour innover dans les domaines technologiques et scientifiques.

La philosophie vise à questionner les fondements de la pensée africaine, à dialoguer avec les autres traditions philosophiques, à promouvoir l’amour de la sagesse et le courage de la recherche (Unesco, 2003). C’est dans cette vision que dans Sur la Philosophie Africaine, publié en 1977, Paulin Hountondji disait que « la responsabilité du philosophe africain déborde infiniment le cadre étroit de sa discipline et (…) il ne peut se payer le luxe d’un apolitisme satisfait, d’une complaisance tranquille à l’égard du désordre établit (p.277). »

Je constate avec joie que le Professeur Jacques Nanema s’évertue à éduquer la population et surtout les instigateurs du phénomène anti-intellectuel sur la nécessité de viser l’excellence, le questionnement perpétuel de nos « vérités » afin d’assainir nos esprits dans le but de les rendre fertile pour y greffer des desseins de bienfait, d’amour du prochain, et d’imagination de créativité pour sortir des sentiers battus et de notre attachement à certaines valeurs obsolètes, antinomique au dynamisme de la société, de la notion de culture et de progrès.

La philosophie est donc un outil indispensable pour penser le présent et ses défis, car elle permet de remettre en cause les préjugés, les dogmes et les idéologies qui entravent le développement du continent en invitant à une réflexion critique sur les valeurs, les normes et les pratiques et est aussi une source d’inspiration pour imaginer des solutions innovantes aux problèmes sociaux, économiques, politiques que nous vivons.

 Les lettres modernes sont une formation en littérature et langue française qui permet d’analyser les textes littéraires, les genres, les courants et les influences culturelles. Elles contribuent à enrichir le patrimoine littéraire africain et à valoriser la diversité linguistique du continent.

Les lettres modernes nous permettent de valoriser notre patrimoine culturel et linguistique, nos chants, nos fables, nos contes et légendes, le cinéma, la transcription de notre société afin de maintenir et d’améliorer ce qui fait de nous une communauté, d’êtres raisonnables, une nation, un continent à part entière. Les lettres permettent de transmettre la mémoire collective, les traditions orales et écrites, les savoirs ancestraux et contemporains de nos communautés et témoignent des réalités sociales, culturelles et historiques et participent au rayonnement culturel et linguistique au-delà de nos frontières. 

L’histoire est l’étude des événements passés qui ont marqué l’Afrique, ses peuples, ses civilisations et ses relations avec le reste du monde (Bernard Jolibert, 2009). Elle permet de comprendre le présent à la lumière du passé, de prendre conscience des enjeux politiques, économiques et sociaux du continent, et de construire une mémoire collective.

Dans un monde en perpétuel changement, il est nécessaire d’apprendre des événements de la passe en l’analysant de façon critique afin d’améliorer ce qui a marché en tenant compte du contexte qui est le nôtre et surtout d’éviter de reproduire des erreurs fatales. Les cours d’histoire ne sont pas une récitation des faits passés, mais une aubaine pour questionner le passé, pour comprendre le présent et les changements et comportement nécessaire pour le futur de notre nation et de notre continent.

L’histoire est donc indispensable pour construire le Burkina Faso et l’Afrique de demain, car elle permet de retracer les origines, les évolutions et les diversités culturelles du continent en mettant en évidence les luttes des Africains face aux colonisations, pour les indépendances et sa place dans la mondialisation, en révélant les insuffisances, les opportunités et les potentialités du continent dans un monde qui pousse pour la multipolarité.

La philosophie, les lettres modernes et l’histoire sont des disciplines qui enrichissent les sciences et les technologies de plusieurs manières. La philosophie permet de questionner les fondements, les méthodes et les implications éthiques des sciences et des technologies et permettent de canaliser nos efforts de recherche afin que les résultats soient utiles à l’homme. Les lettres modernes favorisent l’expression, la compréhension et l’interprétation des textes scientifiques et techniques.

Si votre niveau linguistique n’est pas assez bon, vous aurez du mal à comprendre certaines productions dans votre discipline. Les lettres modernes développent la créativité, l’imagination et la sensibilité littéraire, qui sont des sources d’inspiration pour les inventeurs.

Beaucoup d’inventions et de découvertes ont été d’abord de l’imaginaire de l’homme et il n’y a qu’à regarder les films de science-fiction d’il y a quelques années et les avancées scientifiques et technologiques de nos jours. Elle met en évidence les contextes sociaux, culturels et politiques qui influencent ou sont influencés par les découvertes scientifiques et techniques. Elle permet aussi de tirer des leçons du passé pour orienter nos efforts futurs.

Ces disciplines sont donc essentielles pour mon pays, le Burkina Faso, qui a connu plusieurs changements politiques, diplomatiques et sociaux depuis sa création en 1919 à nos jours en passant sa suppression-reconstitution, la révolution de Thomas Sankara.

Toutes ces disciplines sont de ce fait essentielles pour le développement du Burkina Faso, ainsi que pour toute l’Afrique, pourvu qu’on ait un bon attelage entre les contenus d’enseignement, les systèmes d’évaluation en droite ligne avec notre agenda de développement. Ceci nous permettra d’affirmer notre identité et améliorer notre agenda de développement dans un monde globalisé où l’on y apporte ce qu’on a de précieux et propre à nous pour mériter notre place.

Inoussa Malgoubri

Professeur d’anglais et Doctorant en éducation à l’Université du Nebraska -Lincoln, USA 

Email: [email protected]

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