Hermann Koané, un lutteur poids léger qui défiait les grands gabarits

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Hermann Koané, c’est l’autre nom sacré de la lutte des années 2000 au Burkina Faso. C’est le digne successeur de Athanase Moussiané, le Taureau du Nayala. Hermann Koané, c’est le champion inattendu du LUMASSAN 2001 à Toma. Venger ses ainés, laver l’honneur et restituer la gloire aux siens, ce prince des arènes en était capable. Corpulence moyenne, physique équilibré, les adversaires de Hermann Koané se laissaient surprendre par un lutteur audacieux et engagé. 2001-2011, c’est un parcours sans disgrâce, car, aucun lutteur n’a pu renvoyer Hermann Koané à la retraite. Lucarne sur Hermann Koané, digne fils de Nion, ancienne gloire de la lutte traditionnelle au Burkina Faso.  

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L’an 2000. Athanase Moussiané, le « Taureau du Nayala », chef de file de l’écurie de la lutte traditionnelle du Nayala, a rejoint l’école de la police municipale à Ouagadougou. Un grand doute s’installe dans le cœur des adeptes de la lutte traditionnelle.  Le public de Toma pressent un vide dans les arènes.

Le village de Nion se sent orphelin de son héros. Les camarades de lutte de Athanase sont face au défi de la relève. C’est l’anxiété d’anticipation. Ça murmure sur tous les toits que la victoire va changer de camp. Enfin, un vent de liberté semble soufflé sur les adversaires étouffés par le valeureux fils de Nion.

L’an 2001. Soit un an après. C’est la 5è édition du Festival de Lutte et de Masques San (LUMASAN) à Toma. L’année de rupture de la dictature imposée par Nion à travers la prouesse de ses fils dans les arènes, aspirent d’autres. Mais, il fallait mieux escompter le pire avec le prodige Hermann Koané, jeune frère de Athanase Moussiané.

Hermann Koané, digne successeur de Athanase Moussiané dit le Taureau du Nayala – ©Burkina 24, Nion, janvier 2024

Le LUMASAN 2001 est un tournant décisif dans la carrière de ce jeune lutteur de niveau départemental, méconnu du grand public de Toma. C’est une arrivée inopinée d’un jeune et talentueux qui a bouleversé l’ordre dans l’arène, et déjoué les pronostics. Il n’avait que 19 ans, pour 75 kilogrammes de poids sur 1,78 m de taille. Puisque Herman Koané est né le 26 août 1982.

« Hermann est venu dans la lutte et ça surpris les autres villages. En 2001, il y avait le LUMASAN, comme je ne suis pas là, les gens pensaient que c’est le champion d’un autre village qui va remporter la coupe. À leur grande surprise, Hermann venait de bondir. 

Ce jour, il a étonné tout le monde. Il a terrassé tous les champions qui se réjouissaient de mon absence. Toé Boureima (Ibrahim Toé dit Bourè de Biba, ndlr), en passant par Yamba Ousmane, Baguirou Balibié. Il est allé en final avec Yamba Ousmane. Il a remporté la finale », relate Athanase Moussiané.

Là-dessus, les témoignages sont concordants. « Il (Hermann, ndlr) a terrassé Yamba Ousmane de Tani lors du LUMASAN, le monde ne peut pas oublier ce jour. C’était son tout début. Et depuis ce jour, Hermann n’a pas fléchi genou. Ce jour, il a remporté 1 million de F CFA, plus des tôles et une tonne de ciment. Tout le monde voyait que c’était Yamba Ousmane le vainqueur, mais à leur grande surprise Hermann l’a soulevé comme un enfant », se souvient Romaric Kawané, ancien champion qui a succédé à Herman Koané dans le Nayala.

« Hermann n’a pas fléchi genou » 

Comme une étoile, Hermann scintille de mille feux. C’est lui le grand vainqueur du LUMASAN 2001. C’est le grand jour. Son nom est inscrit en lettres d’or dans les annales des arènes. « Moi-même j’étais à l’École de la Police ici à Ouagadougou, j’ai fêté quand ils m’ont informé que c’est mon frère Hermann qui a remporté la victoire », exprime le Taureau du Nayala.

Après sa victoire remarquable lors du LUMASAN 2001 à Toma, Hermann Kaoné est entré de plain-pied dans la lutte avec un démarrage en force. Alors qu’il venait juste d’arriver, sa carrière est « sur les chapeaux de roue ».  Très compétitif, il glanait de victoire en victoire.

Ce jeune prodige a mis hors de course des gladiateurs avant d’imposer sa marque. Timide mais très technique, stature équilibrée, son tempérament sympathique et ses talents dans l’arène ont nourri l’âge d’une génération d’or de la lutte traditionnelle au Burkina Faso. 2002, 2003, 2004, c’est un lutteur accompli qui confirme tout le bien qu’on dit de lui.

2005. C’est le début d’une carrière internationale pour Hermann Koané. Aux côtés du grand leader Athanase Moussiané, Basile Konané, 65 kg dans la première catégorie, Hermann 75 kg dans la deuxième catégorie, alors ces étoiles montantes égayent le public et suscitant l’espoir au sein des écuries à chaque sortie. Des arènes de nuit au championnat national, jusqu’en Russie et au Kazakhstan, le trio de la génération d’or de la lutte traditionnelle au Burkina Faso est formé.

C’est une équipe de lutteurs qui donnait de la garantie au Burkina Faso à chaque compétition, selon Nicolas Paré, successivement, ancien directeur technique, ancien secrétaire général et ancien président de la fédération burkinabè de lutte entre 1998 et 2012.

« En son temps, on ne peut pas sortir et revenir sans médaille. C’était un beau temps. Quand le Burkina Faso devrait affronter un pays, on avait déjà deux victoires garanties au niveau des premières catégories. Basile Konané et Herman Koané », rappelle Athanase.

« Hermann était trop technique »

Lors de la 6è édition du Championnat d’Afrique de lutte traditionnelle tenu du 30 avril au 1er mai 2005 à Ouagadougou, cette génération s’est illustrée. Dans la catégorie des 65 kg, Basile Konané, dans la catégorie des 75 kg, Hermann Koané, et dans la catégorie des 85 kg, Athanasse Moussiané, tous en médaille d’or.

« En individuel, les trois lutteurs se sont retrouvés à égalité de point. Et il fallait reprendre les combats. C’est en ce moment que Hermann a soulevé, et le Sénégalais et le Nigérien, dans sa catégorie. Et c’était la médaille d’or pour le Burkina Faso », rappelle Nicolas Paré.

Ce jour, ajoute Hermann Koané, lui-même, « mon grand frère, Athanase, m’a encouragé et m’a dit de grouiller pour lever haut le drapeau du Burkina Faso. J’ai tout fait pour avoir une médaille face aux Sénégalais et Nigérien ».

Et Nicolas Paré garde le souvenir des victoires éclatantes de Hermann Koané. « J’ai vécu aussi un de ses combats à l’international. C’était lors du tournoi de Tougan que Saran Serémé organisait. Après avoir compéti au niveau national et gagné, il s’est retrouvé face à un Nigérien et un Sénégalais. 

Hermann avait lutté depuis deux jours et le jour de la finale, il a fait ces finales nationales avant d’affronter le Sénégal et le Niger. Je t’assure que ce jour-là, le garçon a battu les deux. J’ai reconnu un garçon, un lutteur », égrène-t-il.

Au niveau national, Hermann règne en maitre. Il impose sa marque à la Semaine nationale de la Culture (SNC) en remportant le premier prix dans sa catégorie en 2004, 2006, 2008, et 2010.  20012011, c’est 10 ans de carrière bien accomplie. Plus d’une dizaine de médailles dont un en or, 4 fois champion national, etc.

©Burkina 24, Nion, janvier 2024, Hermann Koané (colles vertes) et Yala Koro Charles Etienne , des anciens compagnon de lutte,

Si la lutte est une discipline de défiance, de succession, la jeune génération a eu du mal à soumettre Hermann Koané. Kawané Romaric, alors futur champion de lutte, a mordu la poussière face à Hermann Koané lors d’une lutte nocturne en 2008. « Une fois, la nuit, je suis sorti à Toma aller le provoquer à Nion. Ce jour-là, il m’a terrassé. Herman était trop technique. Si tu t’arrêtes haut seulement, il entre en toi et te ramasse », confesse Romaric Kawané.

Hermann a renvoyé ses ainés à la retraite. L’os dur de la lutte traditionnelle en son temps, Ibrahim Toé dit Bourè de Biba, Baguirou Balibié, se sont tous laissés surprendre et foudroyer par un jeune prince de la lutte qui était sur ses jours de gloire. « Mes adversaires me prenaient comme un enfant et j’arrivais à les surprendre », nous souffle Hermann Koané, laissant esquisser un brin de sourire. 

« C’était difficile pour Hermann de battre Athanase » 

Sur ces années de gloire, un adversaire de sa catégorie ne lui résiste qu’à peine 30 secondes. C’est le plus technique de sa génération, selon son ancien compagnon de lutte Yala Koro Charles Etienne. Il se surclasse dans les catégories, toutes confondues. C’est de là qu’il se retrouve face à Athanase Moussiané désormais de l’écurie du Kadiogo.

Les deux ont mené cinq combats fratricides dans les arènes qui se sont toujours soldés en défaveur de Hermann Koané. « En 2001, nous sommes allés faire le championnat à Réo. C’est Athanase qui m’a éliminé là-bas », raconte-t-il.

Athanase était la seule barrière sur le chemin de Hermann Koané dans le championnat national. « Parce que Hermann a appris à lutter avec Athanase. Athanase est un lutteur très intelligent qui connaissait les techniques, les forces et les faiblesses de Hermann. Donc j’avoue que c’était difficile pour lui de le battre. La preuve est que le moulin que Athanase à remporter à Réo c’était face à Hermann. 

En son temps, Athanase Moussiané luttait au compte du Kadiogo et Hermann luttait au compte du Nayala. Parfois s’il devrait s’affronter si ce n’est pas une finale, généralement Hermann signait forfait », confie Nicolas Paré.

« On a lutté au moins 5 fois mais il m’a toujours terrassé. Ma force était inférieure à la sienne », reconnait Hermann. Mais, de la farce ? Certains évoquent son attitude noble envers son ainé Athanase Moussiané, le taureau du Nayala.

Hermann n’aurait pas voulu soumettre son frère ainé dans l’arène. « Hermann était très fort. Si Athanase même n’était pas son frère, il allait le terrasser », marmotte Romaric Kawané. « J’avoue que Hermann l’a couvert un peu », pense Nicolas Paré.

« Tout le monde peut perdre sauf lui » 

En somme, Hermann Koané s’est illustré en digne successeur de Athanase Moussiané. « Il a été mon digne successeur. Pas au niveau de la famille seulement, mais au niveau du Nayala. Après moi au Nayala, c’est lui qui a pris le dessus. Le Nayala ne pouvait pas sortir sans compter sur lui comme il comptait sur moi en son temps.

Tout le monde peut perdre sauf lui. Si c’est dans sa catégorie il n’y avait pas. Je peux le témoigner. Je suis vraiment fier de lui, parce qu’il a vraiment fait parler de ma famille, mon village, du Nayala et du Burkina Faso en général. Les gens se demandaient en son temps, si le wack de la lutte n’était pas implanté dans notre famille », arbore fièrement Athanase Moussiané.

©Burkina 24 janvier 2024, Ouagadougou, Athanase Moussiané, dit le taureau du Nayala

Sa carrière était jalonnée de victoire et de gloire au point de mettre fin à sa carrière sans connaitre la disgrâce. « Au moment où nous devront aller à la retraite, les jeunes lutteurs qui devraient prendre la relève n’arrivaient pas à nous terrasser. Sinon personne ne m’a renvoyé à la retraite. On était dans la main de la fédération, ça ne leur plait pas mais il fallait que quelqu’un soit capable de prendre notre place. Sinon moi je n’ai pas connu de déception dans la lutte », explique-t-il.

Mais pour Kawané, Hermann Koané aurait pris sa retraite anticipée pour éviter d’être soumis par la jeune génération dont il en est le leader. « C’est comme il a anticipé sa retraite pour ne pas subir la honte face à la jeune génération qui montait sinon dans une grande lutte, je n’ai jamais vu Hermann dos au sol. C’est dans les Oudizon que Denis de Pankélé le terrassait de façon occasionnelle. Mais Hermann a pris sa retraite étant le champion, personne ne l’a soumis », affirme Romaric Kawané.

« L’argent liquide que j’ai eu dans la lutte ça vaut 10 millions FCFA »

Lundi 15 janvier 2024. Nous sommes allés à Nion, à la rencontre de Hermann Koané. Il vit à moins de 10 Kilomètres de Toma, chef-lieu de la province du Nayala. Il est environ 08 heures 30 minutes, ce jour, quand nous débouchons au domicile de l’ancien champion de lutte aujourd’hui reconverti à l’agriculture.

Il nous reçoit sous des arbres au nez de sa cour. Habillé avec un tee-shirt de la 8e édition du Tournoi de Lutte Africaine de la CEDEAO (TOLAC), l’ancien champion des arènes se remémore de ses années de gloire. D’ailleurs, il a de quoi se rappeler ce passé glorieux. Les multiples médailles et trophées.

C’est un héritier de la lutte auprès de ses parents et ses grands frères du village. Grace à ses performances, il compte des réalisations. « Dans la lutte, j’ai pu construire des maisons, grâce aux matériaux de constructions que j’ai reçus. J’ai eu une charrette, j’ai remporté des vélos, des charrues de bœufs, et bien d’autres choses, etc. L’argent liquide que j’ai eu dans la lutte ça vaut 10 millions FCFA », capitalise-t-il.

Ce qui reste constant, Hermann Kaoné, c’était un jeune capable de venger ses ainés, laver l’honneur et restituer la gloire. Hermann Koané est aujourd’hui père de 8 enfants. Sa femme et sa génitrice ont bénéficié des honneurs du champion et s’en souviennent.

Si l’opinion associe la lutte à des pratiques occultes, ces siens disent s’en mettre qu’à Dieu. « Il a eu 08 enfants. Si tu prends les wack pour lutteur, est-ce que tu peux avoir des enfants ? Ils partaient lutter avec Athanase, Yala Koro, et autres. 

Nous n’avons pas entendu affaire de wack dans leur lutte. Il n’a pas pris de wack ; il a hérité la lutte de son père. Son papa a beaucoup lutté mais en son temps il n’y avait rien de matériel dans la lutte. Il n’y a pas de wack dedans. Dans ce village il n’a pas de wack. S’il part lutter on le bénit, on prie Dieu pour lui qu’il aille en paix et revenir en paix », clame la génitrice de Hermann Koané.

« Nous sommes déconnectés des réalités et de la gestion de la lutte »

Force est de reconnaitre que la lutte n’était pas la discipline bénie du sport burkinabè. Aucun des champions de lutte n’a connu un essor économique. Ces lutteurs ne se contentaient que de la gloire et des honneurs comme principales retombées de la lutte.

©Burkina 24 janvier 2024, à Ouagadougou, L’epouse de Hermann Koané , sa génitrice sont tous fière du passé glorieux du champion

« En partant aux compétitions à l’extérieur on nous donnait 20 000 F CFA, comme argent de poche et qu’au retour le ministère va s’occuper de vous. Arrivés là-bas, on donne des médailles et des trophées mais il n’y avait pas d’argent dedans », raconte Hermann Koané, le regard plein de dédain.

Aujourd’hui loin des arènes il ne bénéficie ni de titre d’entraineur ni de titre d’encadreur. Il n’a pas de quoi susciter la jeunesse à emboiter ses pas. « Moi j’ai lutté, j’ai tourné en Afrique, en Europe et ailleurs. Je n’ai même pas des nouvelles de la lutte. Nous sommes déconnectés des réalités et de la gestion de la lutte. 

Même si les jeunes qui nous admiraient veulent se lancer, ils n’ont pas de motivation. Si le jeune te regarde, tu n’as rien, et même souvent tu manques de quoi te nourrir, ça le décourage », s’indigne l’ancienne gloire de la lutte. 

©Burkina 24, Nion, janvier 2024, des fils de Hermann Koané, s’amusent en luttant

D’ailleurs ce n’est un secret de polichinelle, la plupart des anciennes gloires de la lutte à l’exception près de quelques-uns qui ont réussi leur reconversion, ne se nourrissent que des honneurs des anciens temps d’ailleurs devenus des souvenirs creux submergés par les problèmes existentiels dont les concernés font face.

Mais, pouvons-nous imputer ce triste constat à la vision et à l’orientation ancestrale de la lutte basée sur la recherche des honneurs, la gloire, sans visée matérielle ? Qu’en est-il de la lutte institutionnelle ? Que devient Nabaloum Dramane dit Boum Boum ? Non, là, c’est la boxe. Sic !

La lutte traditionnelle n’a jusque-là fabriqué que des Héros de circonstance qui sont oubliés le lendemain de leurs passages dans les arènes. Ils sont dans le dos de l’histoire au point d’être évoqués au passé étant bien vivants. Le temps a eu raison d’eux. À l’évidence, aucun statut érigé en l’honneur d’un champion de lutte. Ni un bâtiment, ni une rue ne porte le nom d’un champion de lutte au Burkina Faso.

Sinon rien que pour le village de Nion, François Moussiané, Esaïe, Athanase Moussiané dit le taureau du Nayala, Yala Koro Charles Etienne, Mamadou Toé, Hermann Koané, etc. chaque nom constitue une page de l’histoire de la lutte traditionnelle au Burkina Faso.

Akim KY

Burkina 24 

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