Femmes de combattants : Dans l’intimité des héroïnes silencieuses

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Face à l’insécurité, le pays des Hommes intègres reste débout. Cela, grâce à la volonté des forces combattantes, avec pour leitmotiv, léguer un Burkina Faso libre et indépendant aux générations futures. Avant d’aller défendre le drapeau national, les combattants laissent très souvent épouses et enfants à la maison. Ces épouses, qui pour la plupart sont animées par des sentiments de peur, de crainte, mais de fierté, s’en remettent au Plus Haut pour le retour héroïque et triomphal de leur bien aimé. Nadège, Alimata, Rasmata et Djamila sont des civiles, épouses de militaires. Elles jouent un rôle capital dans le maintien de l’équilibre émotionnel des ‘Boys’ sur le théâtre des opérations. Si les militaires sont nos héros, ces femmes sont nos héroïnes. Elles qui chuchotent à l’oreille des guerriers sont aussi des guerrières silencieuses. Dans certains milieux, ce sont elles les femmes battantes. Chaque drapeau implanté dans une localité reconquise dessine le visage heureux de ces braves dames restées à la maison…  

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« Au front, il est sous pression et c’est compliqué. Mais on essaie de le rassurer en le réconfortant. Je l’aide aussi à travers les prières », articule difficilement Nadège Ky, épouse d’un membre des Forces de défense et de sécurité (FDS). Tout comme elle, nombreuses sont ces femmes qui de par leur statut matrimonial ont vu leur quotidien chamboulé par l’hydre terroriste.

Assurer l’honneur de la patrie, c’est ce qui anime chaque combattant au front. Eh oui ! Comme stipule la devise du pays des Hommes intègres « La patrie ou la mort, nous vaincrons », nos vaillants combattants l’appliquent, au péril même de leur « nez ».

A côté, comme le commun des Burkinabè, la vie des épouses des FDS se résume à la prière. Leur passe-temps favori, invoquer Dieu, les mânes et les ancêtres pour que les époux, partis à la reconquête du territoire national, reviennent sains et saufs. Et pour cause, ces derniers ont juré de protéger les valeurs du pays, coûte que coûte, vaille que vaille.

Elles refusent de se laisser abattre par la peur, l’absence de leurs maris

Les épouses des FDS jouent désormais le rôle de cheffes de famille, en l’absence de leurs maris. Leur sommeil est léger et elles vivent quotidiennement dans le stress. Avec un pincement au cœur, elles acceptent que leurs maris côtoient le danger dans des zones dites rouges. Chez elles, il n’y a de distraction que quand leurs conjoints rentre de mission. Elles sont des femmes battantes, courageuses. Le soutien et l’appui émotionnel qu’elles apportent aux Boys forcent l’admiration.

Au-delà de la prière, en l’absence des maris, ces femmes s’occupent aussi à travers, entre autres, la coiffure, la restauration, le commerce et la décoration. Leur particularité, elles sont épouses des forces de défense et de sécurité (FDS). Chez elles, les journées se suivent et se ressemblent.

Mercredi 10 mars 2024. Direction Camp Général Sangoulé Lamizana. Après les vérifications d’usage, nous accédons à ce qui ressemble à une forteresse. Le camp est comme une autre ville dans la ville. Nous parcourons une certaine distance avant d’être accueillis par les concessions. A l’intérieur d’une cour, nous sommes agréablement surpris par les fous rires qui nous parviennent. Nadège, Alimata, Rasmata et Djamila n’attendent que nous. Après les civilités, place aux échanges.

Dès les premiers mots, leur courage et leur abnégation semblent atteindre le summum de la résilience. Elles refusent de se laisser abattre par la peur, l’absence de leurs maris. Malgré le risque de côtoyer le chaud et le froid, la joie et la tristesse en un claquement de doigt, elles restent stoïques.

Nadège Ky, coiffeuse résidente à Gounghin
Nadège Ky, coiffeuse résidente à Gounghin

Un départ empreint de peur, de tristesse et mais aussi de fierté

Assise les bras croisés, avec un léger sourire pour dissimuler le poids de l’absence de son mari, Nadège Ky reste confiante. Épouse de militaire depuis une quinzaine d’années, elle est coiffeuse résidente à Gounghin. Son mari défend avec honneur et dignité les couleurs du pays.

Elle assure que les départs répétés de son mari, pour devoir patriotique, se révèle très stressants pour elle. Une seule préoccupation taraude son esprit. Comment soutenir son mari ? Comment gérer les enfants ? Et comment se tenir elle-même, vu que nul ne sait ce qui va advenir sur le champ de bataille.

« Quand ils partent, ce n’est pas facile, c’est très stressant, c’est difficile mais comme on connaît l’utilité de la mission, on ne peut que s’y faire. La plus grande difficulté, c’est d’arriver à remonter le moral des enfants. Parce que par moment si la mission dure, on n’a plus d’histoire à raconter, c’est ça qui est le plus dur », dit-elle avec un léger soupir.

Alimata Sanou est aussi épouse d’un fantassin. Restauratrice, elle soutient sans faux fuyant ne pas approuver certaines missions de son mari. « On n’est pas contente. Mais on va faire comment ? C’est l’armée. C’est pour aller sauver notre pays. On va rester dans la prière », souffle-t-elle, forçant néanmoins le sourire.

En effet, le mari de dame Alimata est dans un détachement dans la région de l’Est. A l’en croire, la fréquence des communications laisse à désirer. La défaillance du réseau de communication en est la cause principale.

Alimata Sanou, restauratrice
Alimata Sanou, restauratrice

Tout comme Nadège et Alimata, Rasmata Zina fait partie du lot. Elle soutient que depuis les missions de son époux, la solitude semble être son quotidien. Son mari est enrôlé dans l’armée depuis une vingtaine d’années. Avec la crise, ses absences dues aux missions s’étalent de 4 à 12 mois. Barsalogho, Bourzanga, Sollé, Fada, Kaya, Kongoussi, Titao, Ouahigouya ont la marque de ses empreintes. Bien qu’envahie par le stress et la peur, dame Rasmata assure être tout de même fière de tout ce qu’accomplissent son mari et les autres frères d’armes.

« Quand il vient m’annoncer souvent, je l’encourage. Je lui dis : ‘va défendre ton pays. C’est pour nous tous’. Puisque si eux, ils ne sont pas là, si tout le monde va garder son enfant dire qu’il ne va pas rentrer dans l’armée, qui va nous défendre ? Donc déjà, je sens la fierté même. Moi-même je l’encourage beaucoup. Je suis fière de lui. Surtout quand il revient, je le regarde, ça ne finit même pas. C’est mon héros », dit-elle toute souriante.

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Nadège, Alimata et Rasmata peuvent faire quatre mois, sans recevoir un coup de fil de leur bien-aimé. Qu’à cela ne tienne, les quelques rares fois qu’ils communiquent, pragmatisme oblige, ils vont à l’essentiel. Alors, quand l’occasion de communiquer se présente, elles font tout pour que leurs hommes gardent le moral haut, peu importe les difficultés.

Nadège, pour donner le sourire à son époux lui envoie des vidéos joyeuses de leurs enfants. Rasmata, quant à elle s’assure qu’il soit dans les conditions optimales pour échanger en toute sécurité avant de le rassurer que la situation est sous contrôle à la maison. « Quand il m’appelle, je m’assure s’il peut parler ? Je le rassure que tout va bien de mon côté. Je lui dis tout ce qui se passe de positif. Quand il y a un problème, je ne lui dis pas », marmonne-t-elle.

Le retour, c’est la fête 

Après de longues périodes de séparation, c’est à juste titre, quand les Boys arrivent au terme de leur mission, tout d’abord, qu’ils sont accueillis en triomphe par toute la population. Plus encore, pour leur famille, en l’espace d’une soirée, les petits plats sont mis dans les grands.

Chaque femme organise un festin digne de ce nom pour souhaiter bonne arrivée à son héros. « Il ne prévient pas souvent. C’est arrivé en province, en ville qu’il prévient de leur intention de rentrer. On est prêts pour décoller… En ce moment, je fais la cuisine surtout la nourriture qu’il aime, j’arrange bien ma maison. C’est la fête et c’est la joie », soutient Rasmata Zina.

Et Nadège Ky de renchérir que dans la plupart du temps, les communications n’étant pas permanentes, c’est par effet de surprise qu’elle apprend le retour de son époux. « J’ai la chair de poule. C’est la joie et l’émotion. Je ne peux pas expliquer. C’est tellement agréable. Parce que d’une part, il a pu bien honorer le drapeau national. De l’autre côté aussi, il est tout fier parce qu’il retrouve sa famille », dit-elle toute émue.

Nadège, Alimata, Rasmata et Djamila souhaitent le retour véritable de la cohésion sociale, de l’harmonie et du vivre ensemble au Burkina Faso. D’ailleurs, elles sont unanimes sur le fait que les choses avancent dans le bon sens.

« Vraiment, on a un sentiment que ça va changer. Nous allons remercier le Président, parce je vois un changement. Je sais que ça va aller. Parce que le commencement et aujourd’hui quand on va regarder, je me dis que ça va totalement. On encourage le président à continuer à mieux faire encore », notifie Rasmata Zina.

Djamilatou Sanou, commerçante, par ailleurs coordinatrice de l’association des épouses des militaires, des veuves et du personnel féminin
Djamilatou Sanou, commerçante, par ailleurs coordinatrice de l’association des épouses des militaires, des veuves et du personnel féminin

Une association comme refuge

Ces femmes sont liées par le même destin. Elles sont liées à vie à des hommes qui ont juré être garants de la sécurité de la Nation. Leurs époux s’activent pour que les fils et filles du Burkina Faso soient libres de tout mouvement. Quant à elles, en dehors de leurs activités professionnelles, elles jouent le rôle de cheffes de famille avec toutes les casquettes qui vont avec.

Mais une question turlupine le commun des Burkinabè. Qui prend soin de ces femmes ? Qui les aident à tenir émotionnellement pour ne pas craquer ? En fait, ces braves dames ne comptent que sur Dieu et sur elles-mêmes.

Elles ont bien compris l’essence même du développement endogène. Elles s’entraident mutuellement pour garder aussi le moral haut. Ainsi, elles sont toutes membres de l’association des épouses des militaires, des veuves et du personnel féminin. Là-bas, elles tiennent des réunions, elles se donnent des conseils pour évoluer dans leurs domaines respectifs. Elles se soutiennent moralement et psychologiquement. Elles forment une autre famille.

Djamilatou Sanou est la coordinatrice de l’association des épouses des militaires, des veuves et du personnel féminin. Elle est commerçante. Son mari est sergent dans l’armée. Djamilatou rencontre les mêmes difficultés que ses consœurs. Cependant, elle est très confiante quant au retour prochain de la paix.

« On demande à tous les Burkinabè d’être honnêtes dans cette guerre-là »

« Là où nos militaires sont, avec nos VDP, que Dieu les protège jours et nuits. Que Dieu donne la force au président de pouvoir continuer. On demande en tout cas à tous les Burkinabè d’être honnêtes dans cette guerre-là. Parce que les gens qui sont en train de mourir, même si tu ne les connais pas, ils ne meurent pas cadeau. Donc tout le monde n’a qu’à avoir peur de Dieu. On doit s’entraider pour que cette paix revienne dans notre nation », souhaite-t-elle.

L’association que Djamilatou Sanou pilote existe depuis 2004. Sa coordination regroupe plusieurs associations comme la Gendarmerie Nationale, les femmes du Camp Guillaume et les femmes du Camp Sangoulé… « Chaque association mène les activités et puis on se regroupe maintenant dans la coordination. 

Il y a des femmes qui font les pagnes tissés, la pâte d’arachide, du savon liquide, du soumbala, tout ça, ce sont nos activités que nous menons ensemble au nom de la coordination. Ce qui est bien est qu’ensemble, on fait des réunions, on s’encourage s’il y a un problème et on se soutient. On fait des activités ensemble, on s’encourage mutuellement », informe-t-elle.

Colonel major Sié Rémi Kambou, directeur central de l’action sociale et des blessés en opération
Colonel major Sié Rémi Kambou, directeur central de l’action sociale et des blessés en opération

Cette association est un refuge pour ces femmes qui peuvent également compter sur la direction de l’action sociale et des blessés en opération, une entité jouant un rôle prépondérant dans la vie de chaque femme de militaire. Mais c’est quoi l’action sociale de l’armée ? Quel est son rôle ? A ces questions, le Colonel-Major Sié Rémi Kambou, directeur central de l’action sociale et des blessés en opération informe que l’action sociale de l’armée est chargée de s’occuper de tout ce qui est volet social du militaire.

« C’est-à-dire l’interaction entre le militaire et le civil ; entre le militaire et sa famille ; entre le militaire et les autres structures extra-militaires », détaille le Colonel-Major Sié Rémi Kambou. Pour ce qui concerne la prise en charge des épouses, en l’absence de leur époux, Silvère Kientega, administrateur des affaires sociales explique.

« Quand le mari va au front, il y a un certain nombre d’informations que le mari laisse avec elle (son épouse) pour pouvoir intervenir pour résoudre les problèmes de la famille. Si elle n’arrive pas à résoudre le problème qui s’est posé, elle peut aller vers le corps de son mari pour chercher une solution. Si ça ne va toujours pas, le corps peut le référer vers l’action sociale », précise-t-il.

Adjudant Latifa Pouya et Silvère Kientega administrateur des affaires sociales
Adjudant Latifa Pouya et Silvère Kientega, administrateurs des affaires sociales

Qu’à cela ne tienne, ces femmes ne sont pas seules. Elles bénéficient du soutien de part et d’autre. Pour preuve, la reconnaissance de leur mérite par le Président de la transition, le Capitaine Ibrahim Traoré himself. Cela s’est confirmé lors d’une visite inopinée de ce dernier aux femmes de la brigade verte à l’occasion du 8 mars 2024 où il a laissé ce message fort.

« C’est l’occasion pour nous de les magnifier. Parce que nous, nous célébrons les héros tous les jours, ceux qui tombent au champ de bataille. Mais en réalité ce sont les femmes qui sont les vrais héros. Ce sont elles qui supportent tout ce qui se passe à l’arrière lorsque les maris et les enfants ne sont pas là.   

Ce sont elles qui supportent toute la famille. Aujourd’hui nous sommes en guerre au Burkina et ça fait que beaucoup de femmes sont PDI (Personnes Déplacées Internes), sont cheffes de ménage parce qu’elles ont perdu leurs enfants, elles ont perdu leurs maris ; donc ça fait qu’elles sont devenues des héros de cette Nation ». Parole du Capitaine Ibrahim Traoré…

Aminata Catherine SANOU

Burkina 24

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