Béatrice Marie Simporé, une sage-femme devenue écrivaine pour l’amour des plantes
Retraitée depuis 2015 de la fonction publique où elle a rendu de bons et loyaux services en tant qu’accoucheuse puis infirmière, Béatrice Marie Simporé, s’est reconvertie dans une carrière d’écrivaine. Fervente passionnée de la nature, dame Simporé met sa plume au service de l’environnement. Zoom sur une prophétesse de l’environnement, celle pour qui la nature est « un don du Créateur ».
Très jeune, elle a été piquée par le virus de l’amour pour les plantes, une passion héritée de son paternel, lui-même un écologiste confirmé. Elle disparaissait très souvent de la maison familiale pour se retrouver en pleine nature avec qui elle avait fini par établir une relation presque fusionnelle. Contempler, admirer la beauté de la végétation était son passe-temps favori.
« Ma passion a commencé depuis le bas-âge, mon papa était un grand passionné de la nature. Et j’ai hérité ça de lui. Vu que notre village était dans une zone très boisée, il nous ramenait chaque vacance à la maison à Manga. Il aimait planter les arbres exotiques mais aussi les arbres du terroir. Il aimait nous expliquer les bienfaits de chaque arbre. Quand je me retrouve dans un pré, la beauté m’attirait et j’étais reconnaissante au Créateur qui a fait ce don aux humains », se remémore-t-elle.
Et pourtant, Béatrice se laisse entraîner dans une carrière d’agent de santé où elle entre en 1985 en pleine révolution au Burkina Faso en tant qu’accoucheuse, puis plus tard infirmière. Désormais séparée de son biotope, Béatrice ne manque pas pour autant d’ingéniosité pour continuer à vivre sa passion.
Entre les centres de santé et la brousse, elle ne manquait pas de créneau pour s’évader et communier avec dame nature. Dans son idylle pour les prés, elle y entraînait même ses deux enfants qu’elle amenait souvent, soit au bord des rivières ou dans une forêt pour s’adonner à son hobby favori.
Le jour où j’ai versé des larmes…
Puis au fil des ans, elle sent que le couvert végétal disparaît peu à peu. Et certaines zones jadis densément boisées perdent leur densité. Elle se met à l’évidence de l’avancée du désert et des changements climatiques.
« Quand on était à l’école primaire au Centre-sud, dans les années 60, chaque année au plus tard 3 semaines après pâques, on commençait les semis. Quand on part en vacances en fin juin, les cultures étaient suffisamment montées et nous dépassaient.
Vers le mois de juillet, la pluviométrie était abondante de sorte que même la terre rejetait l’eau et à partir du 15 septembre, le sorgho rouge était prêt. Actuellement on se rend compte que même en début août on n’a même pas encore fini de semer. C’est vraiment le contraste », se plaint-elle, non sans désigner le parfait coupable.
« J’ai remarqué qu’il y a un fort déboisement. L’homme a détruit son couvert végétal et ce qui nous arrive est par la faute de l’homme », se convainc-t-elle. Et à ce propos, elle ne manque pas d’anecdotes, les unes dramatiques que les autres.
« Une fois pendant les vacances, je venais à Ouaga et vers Kombissiri, il y avait un bosquet et arrivée là-bas, je prenais du plaisir à contempler les différentes espèces d’arbres. Et figurez-vous qu’une année, quand je suis arrivée là-bas, j’ai vu que tout ce bosquet avait été rasé et qu’on a remis des pépinières d’eucalyptus, et j’ai coulé des larmes jusqu’à Ouaga », témoigne-t-elle, le cœur toujours meurtri, bien que plusieurs années se soient écoulées depuis ce triste événement.
Puis vient l’épisode de la construction du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bogodogo. « Récemment, il y a le CHU de Bogodogo, je connaissais le site qui abritait de grands arbres et quand on a dit qu’on allait y construire un hôpital, je pensais au moins que certains de ces grands arbres seront conservés.
A mon grand étonnement, tout a été rasé. Alors qu’il y a certains arbres qui auraient pu être conservés s’ils n’étaient pas sur le site d’un bâtiment, qui allait donner de l’ombre aux patients. On a rasé un espace boisé pour construire un hôpital. Et ça m’a beaucoup touchée », témoigne-t-elle avec un petit sourire qui cache très mal son amertume.
Début d’un engagement et d’une carrière d’écrivaine
Désormais, la naturophile qu’elle est, refuse d’assister passivement à la catastrophe qui se profile avec acuité à l’horizon. Il faut sauver l’environnement.
Elle s’offre alors un appareil photo d’occasion et ne se contente plus uniquement d’aller contempler la nature mais surtout de les photographier. Certaines espèces sont en voie de disparition et la photographie est pour elle un puissant moyen d’alerte. Alors cumulativement avec son métier d’infirmière, elle était devenue photographe de la nature.
« A un certain moment, j’ai payé un appareil photo. Et j’ai commencé à photographier les arbres à différents stades du cycle de l’arbre : pendant la floraison, au moment des fruits, etc. Il arrivait même que je remorque mes enfants pour aller dans la forêt du Bazèga (ndlr: nom d’une rivière qui a d’ailleurs donné son nom à la province qui porte le même nom dans le Centre-sud du Burkina) pour photographier les arbres », confie notre photographe engagée pour la cause de l’environnement. Sa photothèque se compte en plusieurs centaines de clichés de différents types de plantes composant la flore burkinabè.
Mais elle ne s’arrête pas là. En 2002, elle eut l’idée de produire des manuscrits sur les plantes qu’elle photographiait, avec leurs vertus. Mais n’ayant pas fait des études en botaniques, ses connaissances sont limitées par rapport aux noms scientifiques des plantes et il lui manque le style d’écriture littéraire.
Béatrice commence alors à fréquenter le très célèbre ethnobotaniste, le Professeur Ouétian Bognounou (décédé en février 2015) et bien d’autres chercheurs avec qui elle apprend les noms scientifiques des plantes. Elle se forme également en littérature auprès des écrivains pour améliorer sa plume.
Désormais, elle peut se lancer dans sa carrière d’écrivaine. Et très vite les tomes se sont succédés. Avec l’accompagnement du Fonds mondial de l’environnement, qui l’a repérée, elle publie 3 tomes. Puis d’autres publications ont suivi mais sans pour autant épuiser les manuscrits de dame Simporé à l’inspiration débordante. « J’ai la passion pour la végétation ce qui a fait que j’ai mis ma plume en faveur de la protection de la végétation », reconnait-elle.
Il faut reboiser et éviter de détruire ce qui reste en attendant le secours du créateur…
D’après elle, il faut considérer que la nature est un don de Dieu et qu’il faut conserver parce que c’est de « là que viendra notre salut ». Certains de ses livres s’adressent au public jeune qu’il faut éduquer à protéger l’environnement.
La crise climatique est certes prégnante, mais à en croire Béatrice Marie Simporé, on n’a peut-être pas encore franchi le seuil de non-retour, « mais il va falloir de gros efforts pour atténuer les changements climatiques ». Et pour ce faire « il faut reboiser et éviter de détruire ce qui reste en attendant le secours du créateur ».
Béatrice Marie Simporé est auteure de plusieurs œuvres parmi lesquelles « Les enfants et les arbres de la savane », publiée en trois tomes, « Kouliga mordu par la foire de l’alphabet », « Compagnie secrète des nuages », « Homme, voisin du moustique », entre autres.
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Maxime KABORE
Burkina 24
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