Fonds minier : Le CDVC-Houndé, un rempart contre la mauvaise gestion et la corruption

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Au Burkina Faso, le Fonds minier de Développement local (FMDL), institué par le Code minier de 2015, finance des projets locaux prioritaires, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, grâce aux revenus miniers. La commune de Houndé, par exemple, a bénéficié de plus de 7 milliards FCFA depuis 2019 au titre du FMDL. Avec la transparence et la redevabilité au cœur de ses actions, le Comité de Dialogue et de Veille citoyenne (CDVC), mis en place en 2019, assure un contrôle citoyen rigoureux de la réalisation des travaux financés par le FMDL. En instaurant un dialogue constructif entre les citoyens, les élus locaux et les entreprises, ce comité contribue à améliorer la gestion des fonds publics et à renforcer la confiance entre les différents acteurs. Zoom sur une sentinelle citoyenne, appelée « Wayiyan » dans certains milieux, pour la gestion efficace des fonds miniers. 

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Vendredi 20 décembre 2024. Il est 11heures 10 minutes, entre le village de Kari et Bombi. Situés dans la province du Tuy dans la région des Hauts-Bassins, les villages de Bombi et Kari relèvent du ressort territorial de la commune de Houndé. L’accès à ces deux localités, nichées dans le grand ouest du Burkina Faso, se fait par le biais de routes sinueuses à travers un dédale de collines, offrant des panoramas époustouflants et par endroit vertigineux.

En train de fendre une piste rurale négociée dans cet espace hostile à la vitesse, nous tombons sur un groupe d’écoliers. En panne d’énergie, c’est à pied qu’ils poussent leurs engins pour gravir une colline. Les pieds couverts de poussière, la bande avance à pas mesurés, sous un soleil éclatant.

Sur l’autre versant de la monticule, Lohoua Isabelle, une élève de 5ème, et une camarade ont déjà franchi la partie la plus difficile du chemin.  Elles glissent maintenant sur leur monture, aspirées par l’inclinaison. Ces élèves viennent du lycée de Kari. « Bombi, leur village, les attend à l’horizon. Comme d’habitude, ils y retournent après une matinée studieuse. Lohoua Isabelle, qui habite à plus de 10 kilomètres, a le trajet le plus long parmi les élèves rencontrés, certains ne parcourant que 5 kilomètres.

Ces scolaires de Bombi ont  entamé la descente

Ces élèves souhaitent poursuivre leurs études à Bombi, mais hélas. Les dernières élévations qui jouxtent les concessions offrent une vue panoramique du village. Sur place, un interlocuteur nous attend. Les habitants de ce village perché, isolé par les montagnes, ont parfois du mal à capter le réseau téléphonique. Mais la chance fut des nôtres quand nous tentons de joindre notre hôte après quelques essais.

Nous le retrouvons au lieu convenu, extrémité nord du village. Nous sommes à 20 kilomètres de Houndé. Les civilités terminées, il nous entraîne sur un chantier. Un espace dominé par des herbes est censé accueillir les bâtiments du Collège d’Enseignement Général (CEG) de Bombi. Un champ de hautes herbes sèches s’étend à la place. Tout autour règne un calme plat. Notre hôte nous informe que les travaux, démarrés fin novembre 2021 pour un coût prévisionnel de 32 000 000 FCFA, ont été interrompus en janvier 2022.

La Fondation du CEG de Bombi engloutie par des herbes

Les populations qui avaient applaudi l’ouverture prochaine d’un collègue d’enseignement général grâce au Fonds minier de Développement local ont commencé à perdre espoir.  Après la fondation, aucun parpaing n’a été placé sur l’autre.

Doubado Bahan, notre guide, connait quelques éléments du fond de ce dossier qui attriste plus d’un à Bombi, son village natal. « L’ingénieur a disparu et n’est plus revenu », lâche-t-il. Les raisons de son départ précipité lui sont jusque-là inconnues cependant. « On se pose la question si ce sont les autorités qui ont refusé de payer l’entrepreneur. Mais on s’est concerté pour aller vers les autorités, eux-mêmes ne savaient pas que l’entrepreneur a abandonné. Après on n’a pas eu de retour », marmotte-t-il.

Bahan Doubado, habitant de Bombi

Doubado Bahan éprouve une profonde tristesse à l’idée que ses frères et sœurs poursuivent leurs études loin du foyer familial. De son avis, un collège est indispensable pour garantir le bien-être et la réussite de ses frères.

Le chemin des collines que nous avons emprunté traverse Kari, avec une légère courbe, en face de l’école primaire publique Kari A. Toujours sous la conduite de notre guide, nous voici à l’école primaire A de Kari-Lonkuy construite en 1975. Là aussi, les restes d’un édifice scolaire se fondent dans la nature environnante. Leurs murs de brique, érodés et fissurés, sont grimpés par une végétation luxuriante.

Bâtiment de trois classes à l’école Kari A

L’ambiance donne un sentiment de solitude et de tranquillité, avec une touche de mélancolie émanant d’un bâtiment délaissé. Entouré du personnel administratif et enseignants, les commentaires fusent de partout.  « C’est un gaspillage. Les briques étaient mal confectionnées au départ ».

C’est suite à l’appel d’offre lancé par la mairie de Houndé pour la construction d’un bâtiment de trois classes, d’un bureau, d’un magasin et des latrines à l’école primaire de Kari Lonkuy, au deuxième semestre de l’année 2021, pour un délai d’exécution de trois mois, que tout a commencé.

« En 2021, le jour de la pose de la première pierre, nous étions très contents. Mais notre surprise fut grande après, car le chantier a été abandonné », se rappelle Sanou Tolo Georges, instituteur à l’école primaire publique Kari A.

L’entrepreneur a voulu continuer malgré les défaillances du bâtiment. Les traces de reprises sont évidentes, mais, le refus de la population a contraint l’entrepreneur à mettre un terme aux travaux. À côté de ce bâtiment, nous constatons un autre bâtiment en partie démoli, avec des murs effondrés. Des débris jonchent le sol. Certaines sections des murs sont effondrées ou fissurées, révélant une structure instable. Pourtant ce bâtiment abrite toujours la classe de CP2 et de CE1.

L’atmosphère est lourde de tristesse lorsque l’instituteur évoque leurs déboires dans les salles. « De fois, quand tu rentres dans les salles, à partir du mois de mai, les salles de CP2, CE1, quand un petit vent souffle il faut qu’on sorte sinon on ne peut pas faire cours », raconte-t-il.

Le bâtiment en question

Grâce à l’engagement des acteurs de la veille citoyenne, la construction de trois nouvelles salles a été engagée. Les travaux du chantier touchent à leur fin, pour le plus grand plaisir des acteurs. L’école de Kari A célèbre bientôt ses cinquante ans.

Mais l’absence d’eau, de toilettes, de clôture et de cuisine, jette une ombre sur ce jubilé d’or. Après les constats de ces deux chantiers, nous prenons congé de Doubado Bahan, notre guide.

Le nouveau bâtiment en finition console au mieux le personnel

Les rayons du soleil nous accompagnent dans notre quête sur un autre trajectoire. À midi, les portes de Dankari s’ouvrent devant nous. Nous sommes à 20 kilomètres de Houndé. Nous faufilons des champs de coton pour rejoindre un site. Sur place, le dos du bâtiment présente une silhouette prometteuse, une structure solide qui ne demande qu’à être habillée. Mais en face, l’aspect est tout autre.  Des blocs de béton en chute.

Des scènes qui se succèdent avec les mêmes explications. Le rêve d’un CEG Dankari à un coût prévisionnel de 32 050 000 FCFA, lancé en 2021, semble s’éloigner à chaque jour qui passe, au grand désespoir de la population. L’entrepreneur a fui depuis des années déjà. C’est l’incompréhension pour Kakuy Abdoulaye qui souhaitait voir les élèves fréquenter l’école la rentrée 2023-2024. Impossible !

Nos enfants partent jusqu’à Kari et Houndé pour fréquenter, Abdoulaye Kakuy, habitant de Dankari

« L’entrepreneur qui doit faire le travail ne suivait pas normalement. Mais en son temps dès que je viens il essaie de ne pas me dire la vérité. Entre temps, il a arrêté et on ne le voyait plus. On est allé vers les autorités, le PDS a dit qu’ils vont voir même s’ils vont rembourser ce qu’il a investi et récupérer le chantier pour donner à un autre entrepreneur », souligne-t-il.

 Un engagement à garantir la transparence et la redevabilité

Doubado Bahan et Abdoulaye Kakuy sont des membres actifs de la cellule du Comité de Dialogue et de Veille citoyenne (CDVC). Engagés dans une mission de contrôle citoyen, ils assurent un suivi rigoureux des investissements du Fonds minier de Développement local (FMDL) afin de garantir leur adéquation avec les besoins de la commune de Houndé.

Le Fonds minier de Développement local (FMDL) a été créé par le Code minier de 2015 au Burkina Faso. Si toutes les régions et toutes les communes du pays sont bénéficiaires, sa répartition est faite en tenant compte de la présence de la mine dans la région et dans la commune.

Source : CDVC-Houndé

Ainsi, la commune de Houndé, dans la région des Hauts-Bassins, qui abrite la deuxième plus grande société minière du Burkina Faso, Houndé Gold Operation SA (HGO), une filiale de l’entreprise canadienne Endeavour Mining SA, inaugurée en 2017, a pu récolter depuis 2019, la somme globale de 7 934 542 276 FCFA. Ce fonds est destiné au financement des projets inscrits dans les Plans communaux de développement (PCD) et qui concernent la santé, l’éducation, l’eau et l’assainissement.

Si ces communes doivent le financement de leurs infrastructures grâce au FMDL, le choix des projets et le contrôle de la qualité des ouvrages reviennent aux Comités de dialogue et de Veille citoyenne (CDVC), qui ont été mis en place, le 19 avril 2019 pour veiller à la bonne utilisation des finances publiques. Le CDVC de Houndé se compose de 10 regroupements de la société civile : coordination des corps socioprofessionnels(CCJ) ; Provinciale des Femmes du Tuy ; Organisation Démocratique de la Jeunesse (ODJ), Association pour la Promotion des Jeunes Filles ; Antenne Social Alert Burkina (ASAB) ; Mouvement Burkinabè des droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) ; Coalition des Fermiers de Houndé ; la Société Coopérative Simplifié de la Commercialisation des Céréales NABONSWENDE ; Personne Affectée par le Projet (PAP HGO) ; le Conseil Communal des Jeunes Coutumiers. Mais la structure a été réorganisée pour prendre en compte 5 autres structures.

Dans le cadre de la mise en œuvre du projet « Pour un programme de renforcement de la participation citoyenne et la recevabilité dans la gestion des finances publiques », Oxfam Burkina, en collaboration avec ses partenaires que sont CERA/FP, ORCADE et RECIBOG, a voulu s’assurer de la gestion efficace du FMDL dans les communes bénéficiaires.

Ce projet, financé par la Fondation HEWLETT, participe au renforcement du dialogue et à la veille citoyenne et a procédé à la mise en place de CDVC dans 3 communes du Burkina Faso comme Houndé (Hauts-Bassins), Soaw (Centre-Ouest) et Dédougou (Boucle du Mouhoun).

Éviter le piège de la malédiction des ressources

À Houndé, le CDVC veille toujours au grain, même après la réalisation des infrastructures. Kari, Bombi et Dankari, des infrastructures dont la construction est lancée depuis 2021 ne sont pas effectives. Les causes de ce retard varient d’un interlocuteur à un autre, certes, mais le Comité reste focus sur son objectif.

Afin de renforcer la transparence et la redevabilité, le CDVC a mis en place des dispositifs de suivi citoyen dans chaque village, permettant aux populations de vérifier si les politiques publiques sont mises en œuvre comme prévu.

« Nous sommes entrain de minimiser les mauvaise construction « , Adama Traoré, président du CDVC Houndé

« En ce sens que, actuellement, notre commune bénéficie du fonds minier du développement. Ce fonds minier sert à programmer des projets pour la construction des structures au niveau de la santé, de l’éducation, de l’eau et de l’assainissement. Il va falloir que les populations vraiment veillent à cela pour que ça soit bien exécuté », note Adama Traoré, président du CDVC Houndé.

La structure de veille citoyenne s’est rapidement imposée comme un acteur incontournable de la vie communale. Bien que ce soit la commune qui ait mis en place les contrôles initiaux, le CDVC a joué un rôle crucial en mobilisant les habitants pour qu’ils participent activement au suivi de ces projets. Grâce à sa présence active sur les réseaux sociaux, il favorise un dialogue constructif entre les habitants et les décideurs.

Au départ, Adama Traoré, dénonce la mauvaise qualité des infrastructures construites avec les trois premières tranches du FMDL. Le CDVC, au départ écarté de la prise de décision, est monté au créneau contre l’injustice et la corruption.

L’exemple des trois salles de classe de l’école Kari A, qui a fait grand bruit, illustre parfaitement la situation. « Nous avons appelé 15 médias en caravane de presse pour aller voir ça. On a dû faire un plaidoyer et le contrat a été résilié et ça a été repris au bénéfice de la population. Pace que si la construction continuait, ça allait s’écrouler sur les enfants », a expliqué M. Traoré qui met cette victoire aussi à l’actif des populations qui ont accompagné cette lutte.

Des bénéfices à la commune de Houndé

Si certains projets ont connu des difficultés, il ne faut pas occulter les nombreux acquis de la commune de Houndé grâce au FMDL. Grâce à la vigilance du CDVC et de ses antennes locales, qui suivent de près chaque chantier, comme celui de la gare en construction, ils parviennent à limiter les malfaçons et à améliorer la qualité globale des ouvrages. Le CDVC est vent debout contre la corruption. « En la matière, lors de la construction du mur de l’École A de Houndé, grâce à la veille citoyenne du CDVC, trois personnes ont été écrouées à Boromo », révèle-il.

Le projet de construction de trois salles de classe à Pont -Nonré arrêté et le marché résilié.  le CEG de Bombi, le CEG de Dankari qui avait bien commencé avec un cout prévisionnel de 32 050 000 FCFA, les travaux de normalisation de l’école primaire publique de Wioho à cout prévisionnel de 22 525 000 FCFA, qui peinent à aboutir, sont entre autres, devenues des fantômes de l’ambition initiale, témoignage silencieux d’un échec. Néanmoins, le CDVC parvient à trouver des solutions pour relancer les chantiers.

La gare de Houndé en construction

Les déplacements massifs jouent un déséquilibre sur les infrastructures réalisées. Pour le CDVC, le manque de ressources, couplé à l’instabilité sécuritaire, limite considérablement l’action des Comités de veille, réduisant ainsi leur capacité à garantir une bonne gestion des fonds publics. Autre difficulté majeure, le CDVC Houndé n’a pas jusque-là de siège en son nom.

Initialement tendues, les relations entre le CDVC et les élus locaux se sont considérablement améliorées depuis l’avènement de la Transition. Aujourd’hui, le CDVC est un partenaire privilégié dans la mise en œuvre des projets de développement de la commune de Houndé. D’ailleurs, Adama Traoré apprécie la volonté de la délégation spéciale d’associer tous les acteurs de la société civile, notamment les leaders coutumiers et religieux, à la co-construction des projets financés par le fonds minier.

Souleymane Dianda, PDS de la Commune de Houndé

Les retards dans la réalisation des projets sont souvent imputables à des entreprises défaillantes et à des lenteurs administratives, déplore monsieur. Des dires de Souleymane Dianda, président de la délégation spéciale de la commune de Houndé, des guéguerres politiques de 2021 ont engendré un vide administratif, retardant ainsi la réalisation des projets.

« Ce qui fait que certaines entreprises qui avaient des contrats pour exécuter certains projets étaient un peu méfiants au point que certains même ont abandonné ce qu’ils avaient démarré comme chantier. Il y a d’autres qui ont démarré jusqu’à arriver à un niveau acceptable mais elles étaient inquiètes quant à la possibilité d’être payées donc elles ont abandonné.

Il y a également certains marchés qui ont été lancés au cours de l’année 2021, ces marchés ont été attribués mais il n’y avait pas eu de contrat, quand nous sommes arrivés en 2022 nous les avons relancés.  On a signé les contrats avec les entreprises mais il y en a qui ont des difficultés, on les a relancés sans succès, la solution normale, c’est d’envoyer des mises en demeure à ces entreprises, c’est ce qui a été fait, s’il n’y a pas de pas réaction, on procède à la résiliation », explique l’administrateur civil.

L’ancien marché de Houndé en reconstruction

Mais la municipalité s’engage désormais à trouver les solutions nécessaires pour mener à bien les travaux restants et les achever dans les meilleurs délais. Souleymane Dianda témoigne d’un bon rapport avec la veille citoyenne et apprécie leur travail.

Le CDVC continue d’insister sur la nécessité de construire des infrastructures solides et durables, afin de mettre un terme aux constructions de mauvaise qualité qui ont trop souvent marqué le pays. En exemple, un drame s’est produit à l’école de Dankari lorsqu’une partie du bâtiment s’est effondrée, causant la mort tragique d’un élève. Le 31 août 2021, un drame a secoué l’université Norbert Zongo de Koudougou : l’effondrement d’une dalle en construction a coûté la vie à quatre personnes.

En sommes, grâce au fonds minier, la commune de Houndé a fait d’énormes progrès dans les domaines de l’éducation et de la santé, notamment en résorbant le déficit d’infrastructures scolaires et sanitaires. Ce qui convainc de dire qu’une gestion transparente du fonds minier est essentielle pour renforcer la confiance des citoyens et lutter contre la corruption.

L’installation de la mine a engendré une situation de tension persistante avec les mineurs artisanaux, marquée par des violences récurrentes qui inquiètent !

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Akim KY

Burkina 24

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