Houndé : De l’or à la terre, un choix pour l’avenir
Tandis que l’orpaillage attire de nombreux habitants de Houndé, un mouvement de fond se dessine en faveur d’une agriculture plus durable. Le maraîchage, en plein essor, offre une alternative économique prometteuse, améliorant les conditions de vie des familles et diversifiant les activités de la région. Ce changement de cap s’inscrit dans une démarche de préservation de l’environnement et d’un avenir plus prometteur. Ce reportage nous emmène au cœur de la production maraîchère locale, qui alimente la ville de Houndé en produits frais.
Contrairement aux idées reçues, l’attrait de l’or n’est pas la seule raison d’être à Houndé. Loin de l’effervescence des mines d’or, un autre trésor se révèle à l’aube : la terre fertile du secteur 2. Jeudi 19 décembre 2024. Un voile de brume enveloppe le secteur 2 de Houndé, chef-lieu du Tuy, alors que l’aube se lève sur le barrage. Le froid matinal pique la peau tandis que nous nous aventurons dans ce bastion agricole, où la terre humide promet une riche récolte.
8h20 mn. Des paysans s’affairent dans leurs parcelles, prêts à affronter une nouvelle journée de travail. Les silhouettes se détachent sur fond de ciel clair, créant un tableau vivant riche en couleurs. La terre, meuble et sombre, exhale une douce fragrance. Des rangées parfaitement alignées de jeunes plants d’oignon émergent du sol, tandis que plus loin, des ouvriers s’activent à repiquer des choux. L’eau ruisselle le long des sillons, créant de minuscules arcs-en-ciel au soleil montant.
En face de nous, un autre champ où les plantes sont à un stade de croissance avancé, avec des feuilles longues et droites. Le sol du champ bien meuble et bien drainé offre une condition favorable à la culture maraichère. Le paysage est agréable et propice à la culture.
Au milieu de ses vastes plantations d’oignons, Aboubacar Lamien nous raconte sa passion pour la culture maraichère. Chaque matin, ce maraicher arpente ses quatre hectares de culture avec la rigueur d’un chef d’orchestre. Il veille à ce que chaque geste de ses employés soit en harmonie avec la nature et contribue à l’épanouissement de ses oignons.
De sérieux investissements et de bonnes techniques culturales justifient la bonne physionomie de ses cultures. En effet, après avoir aménagé ses terres, il a enrichi son sol avec du fumier organique, témoignant ainsi de son engagement à produire des légumes de qualité. Aboubacar Lamien a consacré un budget total de 721 000 FCFA à l’achat et au transport de fumier organique vers son champ.
La variété Prema ne convainc pas les producteurs
Sa dépense en engrais s’élève à 800 000 FCFA, correspondant à l’achat de 40 sacs à 20 000 FCFA l’unité. Il estime que l’ensemble de ses frais se chiffre à environ 3 000 000 de FCFA. Cette année, Il a bénéficié d’un programme gouvernemental de distribution d’intrants agricoles. « Moi je travaille avec mon enfant. Nous avons eu 14 sacs d’engrais. Ça nous a beaucoup soulagé », souligne-t-il.
Aboubacar Lamien vise une production de 15 tonnes d’oignons pour cette saison. Après avoir empoché 9 millions l’année dernière, le maraicher vise encore plus haut cette année. Grâce à l’agrandissement de ses cultures, il espère récolter jusqu’à 13 millions. La terre ne ment pas comme on le dit ! Voyez vous même à travers ce tableau.
Option 3 : Tableau avec répartition des revenus et dépenses de M. Lamien
Élément | Montant (FCFA) | Pourcentage des coûts totaux/revenus totaux |
---|---|---|
Dépenses | ||
Fumier organique | 721 000 | 5.54% |
Engrais chimiques | 800 000 | 6.15% |
Autres frais | 1 479 000 | 11.38% |
Total dépenses | 3 000 000 | 23.08% |
Revenus | ||
Ventes | 13 000 000 | 100% |
Bénéfice net | 10 000 000 | 76.92% |
Mais derrière cette ambition, des interrogations persistent. Car l’engouement pour la semence d’oignon ‘Préma’ s’essouffle. Ces producteurs burkinabè, qui avaient initialement adopté cette variété asiatique, expriment désormais leur mécontentement.
« Depuis 2020, la variété Prema qu’on connaissait était très rentable. Cette variété produit sur 1 hectare permet de récolter minimum 400 sacs. Mais depuis qu’ils ont emmené une nouvelle variété de Prema, sur la superficie de 2 hectares et demi, on ne peut même pas récolter 300 sacs. Nous avons repiqué en mi-novembre. Au jour d’aujourd’hui, ça devrait être plus développé que ça. Pour quelqu’un qui ne connait pas bien l’oignon, quand il voit les feuilles, il va dire que c’est bon », dit-il.
La majorité des maraichers achètent leurs semences auprès des revendeurs, sans avis technique. Tout comme Aboubacar Lamien qui a acquis 35 boîtes de Prema, chacune valant 27 500 FCFA avec des particuliers. Les maraichers vivent une situation de grande inquiétude. Confronté à d’éventuelles pertes, Tamoussi Bognana, un autre producteur voisin, a été contraint la saison dernière, de labourer ses champs et de semer d’autres légumes pour limiter les dégâts.
Cette année encore, les doutes persistent. De l’analyse des producteurs, la même semence décriée l’année passée est proposée sous un nouveau format pour tromper la vigilance. Cette affaire soulève de nombreuses questions sur le contrôle de la qualité des semences et sur les pratiques commerciales des fournisseurs.
Cependant, afin d’assurer une production agricole de qualité, les agents techniques se rendent dans les champs pour conseiller les producteurs sur les variétés de semences les plus performantes en fonction des spécificités de chaque parcelle, selon les explications de Emmanuel Kombema, Directeur provincial de l’agriculture du Tuy.
« Bien que l’État fournisse une grande variété de semences, les producteurs ont la liberté de choisir celles qui répondent le mieux à leurs besoins. Cependant, il est important de noter que certaines variétés présentent des limites en termes de résistance à certaines contraintes », clarifie-t-il.
Des producteurs résilients et convaincus
Pour optimiser ses revenus, Tamoussi Bognana a mis au point une stratégie de culture bien précise. Il alterne la plantation de deux variétés d’oignons : le Prema, semé en début de saison des pluies pour profiter de la hausse des prix, et le Violet de Galmi, plus adapté à la saison sèche.
Aboubacar Lamien et Tamoussi Bognana se sont inspirés de la réussite de Madou Neya, ami et voisin des deux, un vétéran de la terre. 2010 marque la montée de l’or à Houndé. Pendant que le métal jaune attirait les bras valides de la cité, Madou Neya lui, s’affaire à planter des oignons dans son potager. Loin de l’agitation des marchés financiers du métal jaune, il trouvait son bonheur dans la terre.
« Il y a des gens qui font 5 ans à creuser sur la colline avant d’acheter une moto. Mais les gens vont l’envier. Pourtant notre travail en trois mois, on achète des motos pour donner aux enfants qui nous aident. Nous ne calculons pas motos. Souvent, ceux qui partent sur la colline, ne pensent pas à évoluer doucement. Mais ils veulent de grosses sommes instantanément », exprime Madou Neya.
Au fil du temps, il a réalisé le potentiel économique de cette activité, ce qui le conforte dans son choix. Sa production actuelle s’étend sur une superficie totale de 5 hectares. Monsieur Neya, est désormais roi de l’arrosage avec plus de 15 millions FCFA qu’il brasse par saison. Il travaille avec une équipe de 5 jeunes pour arroser ses champs et des dizaines de femmes pour désherber. L’impact social de son activité est palpable.
Tout comme, Bognana Tamoussi fait la culture maraichère par conviction. Lors de l’ouverture de la mine, il dit avoir été approché par des recruteurs. Bognana Tamoussi a décliné l’offre, préférant l’indépendance de son activité actuelle. « Ce que je gagne ici et le temps que je vais faire là-bas, si je le fais ici je vais gagner plus », dit-il.
Lui, aussi souligne la nature aléatoire de l’orpaillage, contrairement à l’agriculture qui offre une source de revenus plus stable et prévisible. Aujourd’hui, dans son espace agricole de 8 hectares, l’oignon se taille la part belle. Mais il produit aussi du piment, des choux et autres. Les perspectives sont prometteuses pour cette année. Il projette récolter 100 tonnes d’oignons. « Si Dieu le veut, ça peut atteindre 12 à 15 000 000 en tout cas », souhaite-t-il.
Entre l’or et la culture maraichère, un choix d’avenir
Le témoignage de ces trois acolytes met en évidence un contraste entre deux voies. Celle de l’orpaillage, souvent perçue comme une voie rapide mais risquée, et celle de l’agriculture, plus lente mais plus durable. D’ailleurs, un phénomène encourageant est observé à Houndé. Le retour des jeunes vers l’agriculture. Ce mouvement contribue à revitaliser le secteur agricole et à garantir une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée.
D’ailleurs, nous avons rencontré des jeunes acquis pour cette cause. Felix Bonané et Lamine Ouédraogo, deux jeunes associés, qui exploitent plus de 7 hectares affectés, à la culture de l’oignon, les choux, et autres. En plus, ils ont décidé de flirter avec de nouvelles cultures.
Depuis deux ans maintenant, ils produisent de la banane sur une superficie d’un hectare. C’est une expérience concluante. « C’est promoteur. Nous-mêmes, on compte ajouter un hectare », lance Felix Bonané. En plus, ils ont déjà aménagé un espace pour expérimenter le blé.
De l’orpaillage au jardinage. Le Directeur provincial de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques du Tuy, Emmanuel Kombema y voit un changement de cap pour préserver l’environnement et l’avenir. La ruée vers l’or à Houndé, dit-il a entraîné une pénurie de terres cultivables, contraignant une partie de la population à abandonner l’agriculture. Pour remédier à cette situation, les autorités locales ont mis en place un programme de développement de l’agriculture maraîchère, soutenu par le fonds minier.
Depuis quelque temps, la commune de Houndé se distingue de plus en plus comme un acteur majeur de la production maraîchère dans la région. Selon Emmanuel Kombema, plus de 62% de la production maraîchère de la province du Tuy provient de cette seule commune de Houndé. Pour la campagne sèche 2023-2024, la commune de Houndé a produit « 8973,19 tonnes sur 14509,16 tonnes produites à l’échèle de la province du Tuy ».
Des producteurs engagés, soutenus par l’État. Ce succès est le fruit d’un engagement sans faille des producteurs locaux, qui entendent tirer parti des ressources naturelles de la région. L’État, conscient de l’importance de ce secteur, apporte un soutien en fournissant des intrants agricoles tels que des engrais et des semences. Dans la province du Tuy, ce sont « plus de 334 tonnes de semences et 1370 tonnes d’engrais qui ont été distribuées pour la campagne 2023-2024 » selon les responsables de l’agriculture.
L’organisation des producteurs en coopératives, souvent soutenue par les Conseils villageois de développement (CVD), facilite la distribution d’équipements agricoles, comme cela a été constaté à Houndé. Les trois acolytes sont membres de la coopérative ‘‘Kièboè’’ qui regroupe 22 producteurs qui produisent en majorité de l’oignon autour du barrage de Houndé. D’ailleurs Aboubacar Lamien en est le trésorier.
En plus, dans le cadre de l’offensive agropastorale, l’État burkinabè a mis des tracteurs à la disposition du ministère de l’Agriculture pour accompagner les producteurs pour labourer gratuitement leurs champs. Cette mesure bien appréciée est un appui considérable pour les producteurs de Houndé. Beaucoup témoignent de son effectivité.
Aussi, les autorités locales de Houndé ont d’ailleurs identifié quatre sites pour implémenter la production maraichère à Kari, à Karaba, à Bouahoun et à Touaho au profit des coopératives de femmes grâce aux ressources du fonds minier. L’objectif est de montrer que l’agriculture peut être une bonne alternative à l’orpaillage qui est parfois illégale et dangereuse pour l’environnement.
Mais un contraste existe
Malgré la mise en place d’un programme de subvention des engrais, des producteurs estiment que les quantités distribuées sont largement insuffisantes pour répondre aux besoins des agriculteurs. « Trois sacs pour quatre hectares, cela ne suffit pas pour améliorer significativement nos rendements », déplore Tamoussi Bognana.
Aussi, l’agriculteur exprime un sentiment d’injustice face au manque d’accompagnement technique de la part des encadreurs agricoles. Il souligne que les encadreurs privilégient les petites exploitations, souvent pour des raisons personnelles, et négligent les grandes exploitations comme la sienne, malgré leur importance pour la production locale.
Le contrôle des prix s’impose. Malgré une production agricole de qualité, les producteurs rencontrent de sérieuses difficultés pour commercialiser leurs récoltes. Les ventes sont souvent infructueuses, ce qui génère une grande frustration. Le producteur évoque même des pratiques déloyales qui pourraient saboter ses efforts de commercialisation. Il cherche activement un prix fixe pour le kilogramme d’oignon.
« La culture maraichère est très rentable. Il faut que le gouvernement fixe le prix de kilogramme de l’oignon. Sinon une fois récolté, chacun appelle son commerçant. On souhaite qu’ils remmènent ça sur les kilogrammes en toute transparence », préfère Boubacar Lamien.
Les producteurs expriment le besoin de conseils et de suivi pour optimiser leur travail. Les formations auxquelles participent les agriculteurs sont souvent organisées par des commerciaux d’herbicides plus intéressés par la promotion de leurs produits que par un véritable transfert de connaissances.
« Depuis que nous sommes ici, aucun encadreur ne vient ici. Ce n’est pas normal. Tout le monde est fier du travail que nous faisons ici. Mais on ne voit aucun encadreur pour venir voir notre travail. Il y a deux ans, une femme encadreur venait nous donner des consignes, depuis qu’elle est allée à Bobo, c’est fini », lance Tamoussi Bognana.
L’autre difficulté majeure, c’est l’accès à l’eau. Bien que le barrage soit relativement proche, la configuration de certaines parcelles oblige à pomper l’eau depuis des puits situés à une distance importante. Cette situation entraîne une usure prématurée des équipements de pompage. L’assèchement saisonnier du barrage et des puits constitue une contrainte majeure pour leur activité. Ils plaident pour l’installation d’une source d’eau plus stable afin de la mise en place de systèmes d’irrigation plus efficaces.
Les producteurs déplorent la spéculation dans le marché du légume à Houndé. La commercialisation de l’oignon se fait principalement de deux manières. La vente directe aux revendeuses locales. Les femmes du marché de Houndé viennent acheter les oignons directement chez les producteurs à la fin de la récolte. Une partie de la production est vendue à des grossistes qui viennent de Bobo-Dioulasso pour approvisionner les marchés de la ville.
Malgré les défis, une alternative viable à l’orpaillage
Les producteurs accusent les marchandes de majorer artificiellement les prix des condiments. Selon Tamoussi Bognana, « ce sont les femmes du marché qui s’entendent pour faire ça cher et ça pourrit dans leurs mains ». Il dénonce une spéculation qui pénalise à la fois les consommateurs et les producteurs. Résultat : vie chère à Houndé.
Quoi qu’on dise, les producteurs maraîchers jouent un rôle essentiel dans la création d’emplois, notamment pour les femmes. Les défis de l’agriculture à petite échelle riment avec revenus, sécurité alimentaire, préservation de l’environnement mais aussi se confronte à un problème d’accès à l’eau, commercialisation, variabilité climatique.
Nonobstant, le succès de ces producteurs de Houndé prouve à souhait que le maraîchage peut être une alternative viable à l’orpaillage. En investissant dans l’agriculture familiale, c’est soutenir non seulement une activité économique, mais aussi un mode de vie plus respectueux de l’environnement. Il est temps d’agir !
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Akim KY
Burkina 24
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