Maître Jérôme SIBONE : « Notre seul malheur est d’avoir eu des dirigeants qui n’ont pas su donner à cette jeunesse les moyens de son épanouissement »

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Maître Jérôme SIBONE, l’invité de cette interview, est docteur en droit privé et avocat d’affaires. Il exerce principalement pour le compte d’Ernst & Young Société d’Avocats, membre du groupe Ernst & Young, l’un des Big Four dans le monde dans le domaine de l’Audit et le Conseil financier et juridique. De Tenkodogo au Burkina Faso à Paris en France, il nous parle de son parcours et dévoile son regard sur l’actualité au « Pays des Hommes intègres ». 

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Burkina 24 (B24) : De Ouagadougou à Paris,… parlez-nous de votre parcours académique jusqu’à l’obtention de votre titre de Docteur et d’Avocat d’Affaires.

Jérôme SIBONE (J.S) : Je dirais plutôt de Tenkodogo à Paris… J’ai fait mon école primaire à l’école de la cité du 4 août de Tenkodogo avant de faire le collège au Juvénat Saint Camille garçon de Ouagadougou. Pour des raisons personnelles, j’ai quitté le juvénat après mon BEPC pour continuer au Lycée Rialé de Tenkodogo.

Je ne suis revenu à Ouagadougou qu’après l’obtention du Bac pour mes études universitaires. Je me suis inscrit à la faculté de droit de l’Université Ouaga 2 (Université Thomas Sankara) où j’ai eu, par la grâce de Dieu, un cursus normal. Une année après l’obtention de la maîtrise en droit des affaires, j’ai notamment bénéficié d’un financement du Barreau de Paris pour continuer mes études en France.

En France, j’ai fait un Master en droit privé fondamental et une thèse de doctorat en droit bancaire et financier et en droit des entreprises en difficultés. Après ces années de recherches et d’enseignement en droit des affaires, j’ai décidé d’embrasser le métier d’avocat.

Je suis donc parti à l’école des avocats et deux ans après, j’ai obtenu mon certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Ayant réalisé toutes mes études et recherches en droit des affaires, c’est donc naturellement qu’en tant qu’avocat j’exerce essentiellement dans ce domaine du droit.

B24 : Votre thèse sur le droit de la régulation bancaire et financière a été récompensée par le Prix Cyrille Bialkiewicz. Elle a abordé la question du traitement traditionnel des risques financier et bancaire et vous y avez apporté vos solutions. Parlez-nous en davantage.

J.S : Ma thèse a porté sur le traitement des risques de défaillances bancaires. Pour traiter un tel sujet, il fallait nécessairement avoir des connaissances approfondies en matière de régulation bancaire et financière et en droit des entreprises en difficulté. Pour être précis, la régulation bancaire concerne les règles de création, de fonctionnement et de surveillance des banques.

La régulation financière, quant à elle, porte sur le fonctionnement des marchés financiers, l’activité des entreprises de marché, des dépositaires centraux, des sociétés de gestion de portefeuilles, etc. Enfin le droit des entreprises en difficulté porte sur la prévention des difficultés que peuvent rencontrer les entreprises mais aussi sur le traitement des entreprises malades.

Mon travail a consisté, à partir des règles existantes, à démontrer comment on peut éviter qu’une banque ne soit en difficulté et quand elle est en difficulté comment la traiter afin que ses difficultés ne se propagent pas au reste du système bancaire. L’obtention du Prix Cyrille Bialkiewicz a attesté de la qualité et du sérieux du travail fourni pendant ces années de recherches doctorales.

B24 : C’est l’occasion pour vous de nous parler de votre métier d’Avocat des affaires. Qu’est-ce qu’un avocat des affaires à la différence de l’avocat que nous connaissons ordinairement ? Et comment est-ce que vous êtes arrivé à opter pour ce métier.

J.S : Tout avocat peut en principe exercer dans tous les domaines du droit (civil, pénal, affaires, etc.). Ce type d’avocat est communément appelé avocat généraliste. Au Burkina Faso, par exemple, presque tous les cabinets d’avocats sont des cabinets généralistes.

L’avocat d’affaires est l’avocat qui ne mène ses activités que dans le droit des affaires y compris le droit pénal des affaires. L’avocat d’affaires est toute portion gardée un avocat spécialisé (le droit des affaires lui-même comporte plusieurs branches donnant lieu à des spécialisations). Cette spécialisation est un choix souvent lié aux études universitaires de l’avocat.

Par exemple, du fait de ma spécialisation en droit bancaire et financier, mes clients sont essentiellement des établissements de crédit, des fonds d’investissement, des compagnies d’assurances et des courtiers en assurance ou en opérations bancaires et en services de paiement. Le fait que je sois avocat d’affaires est, par conséquent, lié à mon histoire universitaire.

B24 : Parlons maintenant politique. Le Burkina Faso fait l’expérience d’une autre transition politique dirigée par l’armée après le renversement du Président Roch Marc Christian KABORE à qui il avait été reproché un certain laxisme dans la résolution de la crise militaire avec les incursions meurtrières du terrorisme. Plus de 5 mois après, la sécurité n’est toujours pas au rendez-vous. D’où pourrait venir la pacification totale du territoire burkinabè ? La négociation avec les terroristes serait-elle une option à considérer pour le retour de la Paix ? Une frange de la société civile appelle la Russie au secours comme c’est le cas au Mali voisin. Vos observations, Maître.

J.S :  Il me convient, de prime abord, de vous dire que je ne suis pas un spécialiste des questions sécuritaires. Je n’ai donc pas la panacée pour sortir le Burkina Faso de cette ornière. Le terrorisme a trouvé une assise chez nous du fait de la mise à l’écart de la société de certains groupes ethniques et du très faible développement économique de certaines régions. La pauvreté est un facteur qui pousse beaucoup de jeunes gens à s’enrôler dans ces bandes armées. Il serait donc primordial que le gouvernement réoriente ses actions de développement économique vers ces régions longtemps marginalisées.

Quant aux actions militaires, l’armée doit mener plus d’actions offensives et non se contenter des ripostes sinon on peut créer des détachements dans chaque quartier du Burkina mais ça ne va rien résoudre. L’efficacité de l’action militaire suppose que les services de renseignement fonctionnent très bien car nous sommes dans une guerre asymétrique. C’est, par exemple, par un service de renseignement très efficace que l’Algérie est arrivée à bout du terrorisme. Nos militaires sont vaillants mais au regard de l’étendue du territoire national, ils sont en sous nombre et ne disposent pas toujours de moyens adéquats. J’espère que le régime actuel travaillera rapidement à améliorer leurs conditions de travail.

La négociation avec les terroristes au Burkina est un véritable casse-tête. Il y a plusieurs groupes terroristes dont les idéologies et les projets ne sont pas les mêmes. Avec qui faut-il négocier ? quelles démarches faut-il adopter ? Dans une négociation, on fait des concessions et des compromis. Va-t-on céder une partie du territoire à certains groupes ou remettre en cause certaines libertés consacrées par la Constitution ? Je pense qu’il faut d’abord une véritable montée en puissance des forces armées nationales avant même de vouloir discuter avec les terroristes.

Quant à la question de la coopération avec la Russie, j’ai suivi l’intervention du Chef de l’État à ce propos. Que ce soient les Français, les Russes ou les Chinois, ils ne nous aideront pas pour nos beaux yeux. Les Français sont là parce qu’ils ont des intérêts. Dans les relations internationales, il n’y a pas de véritable amitié car seuls les intérêts comptent, comme le disait le Président De Gaulle. Il est important de diversifier notre coopération internationale et surtout d’aller vers des partenaires crédibles qui peuvent réellement nous aider.

La France est au sahel depuis plusieurs années et tout le monde connait les résultats. Le Burkina Faso a déjà signé un accord avec la Russie, il convient de consolider la relation existante et d’en tirer profit. Nous avons besoin d’armes, d’hélicoptères de combat, de drones, de véhicules blindés, d’avions de combat et de formations. Nous n’avons pas besoin de troupes russes (ou Wagner) au sol. Par l’expérience française, nous savons que la présence de troupes étrangères n’est pas la solution. Il est également nécessaire de renforcer la coopération avec des pays comme la Turquie ou l’Algérie qui peuvent nous aider sur les plans technologique et militaire.

B24 : La société civile s’est énormément illustrée dans l’avancement de la démocratie au Faso. Pensez-vous que sous cette transition militaire, elle joue véritablement sa partition pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel et de la consolation de la démocratie ? 

J.S : Il est vrai que ces dernières années la société civile a beaucoup contribué à la garantie des droits fondamentaux et à l’alternance politique au sommet du pouvoir d’État. Force est toutefois de reconnaître que presque la majeure partie des acteurs de la société civile sont ou sont devenus des chevaux de Troie de certains partis politiques.

Des OSC sont créées à droite et à gauche pour soutenir parfois des causes sans tête ni queue dans le seul but d’enrichir leurs fondateurs. Beaucoup d’OSC ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir même si d’autres comme le MBDHP maintiennent le cap. Cette situation sape la crédibilité de la société civile burkinabè longtemps admirée dans la sous-région. Sous l’actuelle transition, les actions de la société civile en faveur de la consolidation de la démocratie sont très timorées sinon inexistantes. Cela s’explique peut-être par la situation délicate dans laquelle se trouve le pays.

B24 : Quelle pourrait être votre contribution entant que ressource de la diaspora burkinabè au développement du Faso ? Quels sont vos projets touchant au Burkina Faso.

J.S : La diaspora burkinabè notamment en France se préoccupe beaucoup de la situation du Burkina. Il y a plusieurs actions que nous menons dont il ne sied pas de faire nécessairement la publicité. Sur le plan humain, en tant qu’enseignant intervenant dans plusieurs universités au Burkina, j’apporte, par exemple, ma pierre à la formation de notre jeunesse.

En tant qu’avocat, j’accompagne le secteur privé pour la sécurité juridique des affaires. Du reste, je suis pleinement à la disposition de chaque entreprise et de chaque citoyen burkinabè et des autorités nationales. De nombreux projets sont actuellement en cours de réalisation pour lesquels nous rendons grâce à Dieu. Souffrez que je ne les dévoile pas d’autant plus que les projets ont pour particularité de ne pas être connus du public tant qu’ils n’ont pas abouti.

B24 : Comme mot de fin, pourriez-vous partager des recommandations à cette jeunesse au Burkina Faso ? Cette jeunesse à la recherche d’un lendemain meilleur ; cette jeunesse qui veut, contre vents et marrées, croire que demain sera meilleur.

J.S : La jeunesse burkinabè est très dynamique. Notre seul malheur est d’avoir eu des dirigeants qui n’ont pas su donner à cette jeunesse les moyens de son épanouissement. A mon humble avis, il n’y a qu’une seule voie pour avoir un lendemain meilleur c’est de travailler.

Aucun raccourci magique, politique ou social ne peut y aider. Il est important de prioriser la formation professionnelle. En tant que jeunes du Burkina Faso, nous devons chercher à avoir une formation professionnelle quel que soit le sacrifice que nous devons consentir pour y arriver.

Il n’y a pas de sot métier. Notre jeunesse doit être beaucoup plus offensive du point de vue de l’emploi. Quand on a une formation professionnelle, il ne faut pas nécessairement attendre d’être recruté, il faut créer son propre business même s’il faut changer de ville ou de pays. Il faut oser affronter l’inconnu. C’est au gouvernement aussi d’aider cette jeunesse dans la formation professionnelle et la création d’entreprises. Cela implique pour la jeunesse plus de conscience dans ses choix politiques.

Merci à vous pour cet interview. Dieu bénisse le Burkina Faso !

Interview réalisée par Kouamé L.-Ph. Arnaud KOUAKOU-Burkina24

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