Les Bolon à la SNC : La renaissance d’un peuple qui se défait du joug des préjugés 

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Mercredi 1er mai 2024. Sur le site du village des communautés de la 21e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC), 45 communautés exposent dont les Bolon pour une première fois. Entre préjugé, rumeur, marginalisation, etc. sur leur ethnie, la communauté Bolon est venue expliquer aux festivaliers et au monde ce qu’est l’ethnie Bolon. Le Bolon est-il maudit ? Lisez plutôt !

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« Les Bolon ne sont pas bien », « ce sont des personnes dangereuses qui portent malheur », « les Bolon apportent la poisse », « les Bolon sont malchanceux », à la limite « les Bolon sont maudits » ; « Si tu te maries à un Bolon, tu deviens pauvre », « si tu couches avec un Bolon, tu diminues de taille », « si tu te maries avec un Bolon, tu ne peux pas avoir d’enfant », etc.

Beaucoup de choses se disent sur les Bolon, l’une des ethnies parmi la soixantaine de communauté au Burkina Faso.  Mythe ou réalité ? Dieu seul sait ! Conséquences : marginalisation, stigmatisation, frustration, etc. Et la communauté Bolon est restée longtemps dans un repli sur soi, dans le déni d’identité.

Aujourd’hui toujours, beaucoup de Bolon se cachent, se dissimulent aux autres communautés ou même renient leurs identités. C’est un mal profond sous des ciels dominés par les rumeurs et les spéculations, entre mythe et tradition. Mais que sont-ils réellement ces Bolon ? Comme signification générique « Bolon » veut dire « peuples voyageurs ».

Il s’agit d’un peuple appartenant à la grande communauté mandingue de l’Ouest du Burkina Faso. L’ethnie Bolon est représentée dans la région de la Boucle du Mouhoun notamment dans la province des Banwa et de la Kossi ; dans la région des cascades et dans la région des Hauts-Bassins dans la province de Kénédougou, dans la province du Houet.

La langue Bolon se différentie des autres communautés

C’est une communauté d’agriculteurs et de pêcheurs. Le Bolon s’identifie à travers des masques et la langue Bolon. « La langue Bolon se différentie des communautés Nanerga senoufo, les bwaba, bobo, voisins proches. C’est une société à masque. Il y a des masques spécifiquement Bolon, dès que vous les voyez dans un village, il faut savoir que c’est un village Bolon. Sinon les noms de famille ne peuvent pas identifier le Bolon, car les noms de familles dans le grand Ouest sont chez les Bolon », nous explique Michel Thioro, exposant Bolon au village des communautés.

Les noms de famille Thioro, Dagnon, Ouattara, Barro, Konaté, Koné, Koéta, Sanou, Traoré, etc. sont fréquents chez les Bolon. Ils ont pour parents à plaisanterie les Dagara. Tout ce qui est contre la société est interdit chez les Bolon. Au départ les Bolon se mariaient aux autres communautés sauf que certaines traditions qui font des restrictions pour les initiés. La religion traditionnelle domine chez les Bolon, en cohabitation avec l’islam et le catholicisme.

Mais d’où viennent les préjugés largement vulgarisés sur le peuple Bolon. Jusqu’à quand perdura encore ces rumeurs ? Il y a ces Bolon cependant qui en ont marre. Pour une première fois, la communauté Bolon est représentée sur le site du village des communautés institué à chaque édition de la semaine nationale de la culture.

Seydou Dagnon, inspecteur de l’enseignement primaire et de l’éducation non-formelle (à gauche) et Michel Thioro exposent au stand de la communauté bolon

« C’est une histoire que nous sommes nés tomber dedans. Si tu demandes même à ceux qui détraquent les Bolon, ils n’ont pas de réponse. C’est une marginalisation qui est là sans fondement. On dit beaucoup sur les Bolon. Si tu te maries à un Bolon, tu deviens pauvre, si tu te maries à un Bolon, tu démunies de taille, tu te maries à un Bolon, tu ne gagnes pas d’enfant, si tu te maries à un Bolon tout ton travail se gâte, les filles Bolon sont belles mais on ne peut pas les marier. 

Ce sont des histoires sans fondements. À travers ces expositions nous comptons donner notre position et dire au monde ce qui est l’ethnie Bolon », nous explique  Michel Thioro.

« Si les Bolon se confirment, je pense que ça va finir »

Et les conséquences sont lourdes. « Bolon » s’ajoute aux mythes africains et burkinabè qui posent des problèmes sociaux au sein des familles. « Si une fille dit qu’elle est Bolon, même si un garçon est engagé avec elle, la famille du garçon sera un peu réticente. Le mariage c’est entre deux familles, si l’autre famille ne se reconnait pas dedans ça va jouer sur le couple. Par finir, l’accusation va venir sur la femme Bolon », regrette-t-il.

À son avis, il revient au Bolon de s’assumer. « Si les Bolon se confirment, je pense que ça va finir. S’ils ne le font pas ça va continuer et les gens vont continuer à se cacher », fait-il entendre. Le réveil est sonné par Seydou Dayon, inspecteur de l’enseignement primaire et de l’éducation non-formelle. Cet acteur de l’éducation a entrepris des recherches sur l’histoire des Bolon depuis 1998. Il a publié un premier ouvrage intitulé « Enquête de la vérité » en 2020 suivi du tome 2 dudit document en 2023 sous le titre « Que cachent les Bolon ? ».

Ils ne supportent pas de voir les Bolon se prendre pour d’autres ethnies. « Il y a beaucoup de Bolon qui disent qu’ils ne sont pas Bolon. À Bobo ici, moi je me dis que si chaque Bolon devrait se déclarer le minimum c’est 1/3. Il y a des gens qui disent qu’ils ne sont pas Bolon parce qu’ils ne connaissent pas leur histoire. Il y a d’autres qui font exprès pour se cacher », révèle-t-il.

Dans une démarche scientifique, il a opté pour une recherche sous forme d’enquête exploiter des connaissances, des écritures sur la culture Bolon pour comprendre le contraste de ce qui se dit et ce qui en est réellement. « D’où viennent les Bolon, ils appartiennent à quelle communauté, leurs situations géographiques, la signification des patronymes Bolon », dit-il.

Monsieur Dagnon est d’ailleurs membre de l’« Association Fintan », une structure qui regroupe les Bolon du Burkina Faso et de la diaspora. Il a réussi à rallier beaucoup de Bolon à sa cause. Même si le repli sur soi, le déni de l’identité a perduré, rien n’est tard pour ces Bolon engagés pour la cause de leur culture, pour l’affirmation de leur identité.

« La fille Bolon ne suit pas un homme à cause de ses biens »

En face du stand de la communauté Bolon, une autre tente dressée bouillonne de monde. Djénéba Dagnon et sa fille sont venus proposer des mets Bolon. Installé en face de la tente de la communauté Bolon, leur hangar est occupé par les Bolon venus communier avec leur culture.

Elles assument leur identité Bolon et s’enorgueillissent d’ailleurs. La femme Bolon ou la fille Bolon subit le plus les revers des préjugés. Pourtant la femme Bolon est digne et loyale, selon Djénéba Dagnon. « On reconnait la fille Bolon à travers son habillement. La fille Bolon ne suit pas un homme à cause de ses biens, elle ne trahit pas en amour ni en amitié », lance-t-elle.

De ses dires, l’honnêteté fait la fierté et la dignité du Bolon. « Nous, si quelqu’un vient pour marier notre fille, nous disons clairement à la personne qui nous sommes. Celui qui cache son ethnie se reproche quelque chose. Dieu qui t’a créé comme une telle ethnie si tu refuses cela, tu as trahi Dieu, tu as rejeté ta propre personne, ton identité. Chaque humain doit assumer et affirmer son identité. Celui qui est prêt pour toi sera là », exprime-t-elle.

« On doit montrer l’identité culturelle de l’ethnie Bolon »

« Il faut s’assumer pleinement. Ça ne coute rien de s’assumer. Il faut être telle que tu es sur cette terre. Nous sommes tous des êtres humains et chacun a sa culture. On doit montrer l’identité culturelle de l’ethnie Bolon », argue sa fille Bintou Coulibaly, étudiante en master 2 en épidémiologie santé publique.

Bintou Coulibaly, étudiante en master 2 en épidémiologie santé publique

Cette première participation à la semaine nationale de la culture jette les bases d’un départ pour une grande campagne de sensibilisation et de promotion de la culture Bolon. Avec l’association « Fintan » Seydou Dagnon entend initier des festivals Bolon dans les localités où l’on peut retrouver les Bolon.  En instance, les 48 heures des Bolon, sont déjà planifiés pour bientôt à Bobo-Dioulasso.

La machine est lancée et la communauté Bolon renait à travers des actions de l’affirmation de son identité. Les acteurs que nous avons touchés sont unanimes qu’il revient aux Bolon de s’assumer face aux préjugés et affirmer leur identité et la promouvoir.  

Il y a des signes d’espoir. Le mercredi 02 mai 2024 sur le site du village des communautés de la 21e édition de la Semaine nationale de la culture, ce sont des dizaines de Bolon en symbiose avec leur culture. C’est une ambiance rustique et conviviale. Les causeries vont bon train, enrobées d’éclats de rires par moment. C’est une sorte de renaissance du Bolon. Nous sommes à la fête de la culture…

Akim KY

Burkina 24 

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