Déclaration de l’Union pour la République: « Le Burkina Faso vers la croisée des chemins »

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Toussaint Abel COULIBALY, Président de l’U.P.R

Ceci est une déclaration de l’Union pour la République (UPR) sur la situation sociopolitique au Burkina Faso, récemment marquée par une crise sans précédent. Il ressort essentiellement que le pays des Hommes intègres s’achemine vers la croisée des chemins.
Depuis quelques temps, l’un des termes les plus utilisés au Burkina Faso est « Alternance ». Quelle alternance ? Comment ? Avec quels acteurs ? Sous quelle forme ? Nous ne sommes pas sûrs que nous ayons des réponses claires à ces questions à l’heure actuelle, pour combien de temps encore, nous n’en savons pas plus.

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Ce dont nous sommes sûrs cependant, est que l’on doit s’inspirer des échecs et des réussites de certaines alternances pour donner un contenu conforme au cas spécifique du Burkina Faso. Pour ce faire, si l’on n’est pas hypocrite ou que l’on refuse de regarder autour de nous, un exemple pourrait nous aider à faire le bon choix. Celui de la Côte d’Ivoire en tirant toutes les leçons y relatives. La question que nous pouvons nous poser pour y parvenir est la suivante : En quoi, la Côte d’Ivoire du Président Houphouët Boigny des années 90 diffère-t-elle du Burkina Faso du Président Blaise Compaoré des années 90 à nos jours ? Pas si différents que l’on peut penser.

En effet, si nous comparons en toute objectivité les deux hommes, ce que l’un a incarné pour son pays et ce que l’autre incarne pour le sien, il y a certes des spécificités propres à chacune de ces personnalités mais le point de jonction des deux hommes est évident à mettre en exergue.

• Le Président Houphouët Boigny, dans les années 90, était la seule personnalité qui fédérait les clans au sein du PDCI/RDA ultra majoritaire à l’époque dans le pays. Quelles que soient les divergences et les ambitions des uns et des autres, l’on se référait à lui pour arbitrer et remettre tout le monde dans le même sens. Les chemins restaient parfois différents mais la destination : stabilité, paix, cohésion sociale, dialogue, était la même.

• C’est cette même situation qui prévaut au Burkina Faso depuis belle lurette car, l’apparente unité de la majorité que nous observons a pour socle le Président Blaise Compaoré. Mais comme l’avait dit le « vieux » « le vrai bonheur, l’on ne l’apprécie que lorsque l’on l’a perdu ». Effectivement les Ivoiriens ont perdu le Président Houphouët et le bonheur avec, le 7 décembre 1993. On se souviendra de l’annonce de son décès sur les antennes de la RTl (ceux qui ont suivi savent de quoi nous parlons). Il fallait vraiment être naïf ou hypocrite pour penser que la Côte d’Ivoire, après le Président Houphouët, ne venait pas d’abandonner « le dialogue arme des forts » comme lui-même le disait, par ailleurs, pour basculer dans la division.

La suite, nous la connaissons tous. Même ceux qui l’ont combattu ont fini par le citer comme modèle. Nous voulons prendre notre part de responsabilité en tant que républicains en sortant de la grève intellectuelle pour nous risquer à comparer le Burkina Faso avec le Président Blaise Compaoré et le même pays sans le Président Blaise Compaoré au moment où l’hypocrisie semble devenir la règle, où les ambitions avérées ou supposées pour lui succéder sont de plus en plus difficiles à cacher. La question que nous nous posons à haute voix est celle de savoir si les conditions de succéder au Président Blaise Compaoré sont réunies en ce moment ou le seront d’ici l’échéance que se fixent les ambitieux de l’ombre sans requérir l’avis du peuple largement favorable au Président actuel.

Objectivement, nous disons qu’elles restent entièrement à envisager car nous ne voyons aucun signe allant dans ce sens au sein de la majorité. Nous nous garderons de parler de l’opposition dont nous ne faisons pas partie et nous consacrer à ceux qui soutiennent le Président même si, par ailleurs, certains opposants du moment doivent beaucoup sinon tout au système en place. A notre sens, autant dans les années 90, il était périlleux de s’exercer à savoir qui était en mesure de succéder au Président Houphouët en maintenant la cohésion au sein du parti au pouvoir à l’époque et du pays, la même équation se pose aujourd’hui dans notre pays. Refuser de se poser les bonnes questions maintenant et surtout de donner les bonnes réponses serait à notre avis faire la politique de l’autruche.

En Côte d’Ivoire, l’on n’a pas à l’époque, poser les bonnes questions au bon moment ou alors l’on a volontairement donné les mauvaises réponses ou, pire, l’on s’est abstenu des deux choses. Là encore, nous savons la suite. Au Burkina Faso, nous avons longtemps cru que certaines choses n’arrivaient qu’aux autres et avons refusé de dire des vérités déjà connues par la majorité de la population. L’implacable réalité nous a rattrapés. Devons-nous continuer avec cette méthode du tout va bien ou l’on n’en parle surtout pas ? Nous disons que la réponse doit être non si nous sommes soucieux de l’avenir du pays. Pour nous, ce qui préoccupe la majorité des populations burkinabè aujourd’hui et qui pose problème est l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail plus que toute autre considération.

L’on a pu s’en rendre compte quand elles sont sorties massivement pour le faire savoir en se gardant de se mêler des questions non liées à ces aspects de leurs revendications. Nous pensons que la plupart de ceux qui ont manifesté sont les plus lucides en ce sens que leurs objectifs étaient clairs et logiques. Il faut moins d’égoïsme, une répartition plus équitable des richesses du pays, que les jeunes accèdent de plus en plus à l’emploi et que les conditions d’études soient améliorées de même que celles des travailleurs. Après ces messages très clairs, devons-nous consacrer plus de temps à parler d’alternance qu’à chercher les voies et moyens pour satisfaire ces demandes légitimes ? Nous pensons que non car, si les solutions se trouvaient juste dans cette alternance, on l’aurait vérifié ailleurs et nous nous en serions inspirés.

Nous pensons plutôt que s’il doit y avoir alternance au Burkina Faso, il faut bien la préparer. Pour nous, il aurait fallu au lendemain de l’adoption de l’actuelle Constitution commencer à en parler. Chose que nous nous sommes gardés de faire tout en sachant que 10 ans, ce n’est pas un siècle. Il est plus que nécessaire de trouver une forme d’alternance préparée à la burkinabè et cela ne peut pas se faire dans la précipitation si nous voulons préserver les acquis. Il faut aller vers un vrai consensus autour de la question car les risques de fractionnement sont énormes si l’on s’en tient aux positions exprimées çà et là. Ces risques se trouvent plus au niveau de la majorité que de l’opposition dont on a, au moins, l’avantage de savoir ce qu’elle veut exactement. La situation du Burkina Faso étant « une photocopie non conforme » de celle de la Côte d’Ivoire du Président Houphouët, il faut être non- conformiste jusqu’au bout en inversant les rôles des acteurs.

Notre Président n’a pas 70 ans, est toujours en pleine forme et le sera pour longtemps encore, nous le souhaitons, prêt à rassembler les filles et fils du pays autour d’une table à travers l’institution du dialogue républicain. Profitons-en pour trouver la meilleure voie pour engager un processus qui nous mènera à l’alternance apaisée. Evitons de l’envisager sous l’angle de la rupture qui peut être douloureuse et cela n’est dans l’intérêt de personne. Enfin, pas dans l’intérêt des Burkinabè ni de tous ceux qui vivent au Burkina Faso en tout cas. Tous les acteurs politiques du moment sont de la même génération et ont, à une période ou à une autre, collaboré. Nous pensons que l’exemple du RHDP pourrait nous servir mais, pour cela, il faut anticiper un RHDP à la burkinabè.

Ne pas se diviser pour ensuite se regrouper mais rassembler toutes les forces qui voient les choses de la même façon dès à présent. C’est un pari que nous devons gagner et qui nécessitera que des intérêts soient sacrifiés pour la cause de la partie. C’est la réflexion dans laquelle nous nous sommes engagés. Elle vaut ce qu’elle vaut mais de notre modeste avis elle est indispensable. Si nous ne la menons pas sereinement pendant que nous en avons la possibilité, tôt ou tard, elle s’imposera à nous. Nous avons fait l’option de réfléchir avec tous les démocrates, les patriotes et les historiens, bref tous les Burkinabè quel que soit leur bord politique et sommes prêts a en débattre dans un cadre républicain où la contradiction sera vue comme une contribution. Certainement que d’autres avis seront différents du nôtre mais nous refusons la grève intellectuelle et l’hypocrisie.

Est-ce un bon choix ? Peut-être pas mais nous préférons assumer et ne pas donner l’impression d’observer la direction du vent parce que le vent lui-même ne souffle qu’après la conjugaison de certains facteurs. La liberté d’expression étant garantie dans notre pays, pourquoi s’en priver ? L’année 2011 a été celle des « jamais vu » alors, dans la même logique, osons poser les vraies questions et y apporter les vraies réponses. Au moins, elle ne nous aura pas porté que des malheurs. Elle aura servi à nous sortir de la léthargie pour nous mettre dans la réflexion permanente en tant que partis et responsables politiques qui n’attendons pas seulement « les dividendes » mais qui contribuons au « capital » par l’animation du débat national pour l’intérêt supérieur du Burkina Faso.

Ouagadougou, le 22 novembre 2011

Source: Lepays

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