Code électoral: De quel changement anticonstitutionnel parle-t-on ?
Ceci est une analyse d’Idrissa Diarra sur le Code électoral et le verdict de la Cour de justice de la CEDEAO.
Le nouveau code électoral est nature à soulever et entretenir des conflits, difficiles à résoudre par le Conseil Constitutionnel, dans un délai respectueux du calendrier électoral de la Transition. Il est prévisible : si aucune mesure n’est prise à titre préventif, le juge constitutionnel sera saturé face au contentieux, et le régime déchu – dont certains militants sont concernés par la loi d’exclusion pédagogique -, ne va pas se faire prier pour exploiter cette faille.
1- La vigilance face au régime déchu, ne doit pas exonérer le régime de la Transition de contrôle citoyen
Face à l’enjeu de menace pour la situation sociopolitique, la bonne conduite de la Transition démocratique, l’intégrité physique et morale de nos concitoyens, l’on ne saurait se taire. Pourtant, au lendemain de l’adoption de ladite loi par le CNT en avril, beaucoup ont jubilé, notamment à travers la presse.
Une chose est de vouloir atteindre un but, une autre est pouvoir l’exprimer clairement, non seulement dans notre langue officielle, le français, mais de surcroît, en langage juridique. Cette réalité vient rappeler une fois de plus, que le Droit est froid et n’a pas d’émotion! Ce sont plutôt les hommes et femmes qui ont des émotions et l’Etat ne saurait se gérer avec les émotions, au risque de tomber dans l’arbitraire !
L’Insurrection d’Octobre étant terminée maintenant, la fièvre aussi est censée être redescendu. Plus de huit mois après, il importe de revenir à la sérénité, pour élaborer des projets durables aux fins de consacrer/consolider la Révolution en marche.
Aussi, que nul ne pense qu’il suffirait d’indexer chaque fois le CDP devenu quasiment la cible populaire « à abattre », pour tromper notre vigilance citoyenne. Notre regard demeure vigilent, non seulement sur le régime déchu, mais aussi, sur le régime transitoire en cours, qui a le devoir de travailler correctement pour un Burkina nouveau pour tous les citoyens de ce pays, conformément aux aspirations de notre vaillant Peuple, qui a consenti le sacrifice suprême de ses fils courageux.
2 – Nécessité de reddition des comptes par le CNT, par des audits thématiques ou spécifiques
Avec l’arrêt de la cours de la CEDEAO, on a l’impression d’être revenu à la case départ, après avoir dépensé beaucoup d’énergie et d’argent dans le vote de la loi, sa promulgation et le couteux procès. Les supputations vont bon train mais, une question essentielle en démocratie, relative à la reddition des comptes, semble visiblement occultée à savoir: dans quelles mains, cette loi, dans ses avatars, est-elle passée, pour qu’on en arrive là, au statuquo, comme si rien n’avait été fait?
Et beaucoup de nos concitoyens, plutôt que d’exiger toute la lumière auprès des députés pour s’assurer une fois pour toute que le CNT « n’est pas majoritairement CDP », se laissent embarquer dans la diversion. Il faut le rappeler, la démocratie, ce n’est pas seulement le vote!
C’est aussi la reddition des comptes dans la transparence ; c’est l’association de toutes les compétences du pays qu’il faut, à la place qu’il faut, sans main-mainmise, ni verrou légalement explicable. Par reddition de compte, il faut entendre entre autres, la pertinence soulevée aujourd’hui par cette actualité sur le code électoral, de réaliser des AUDITS THEMATIQUES au niveau du CNT, sinon également au niveau des autres organes de Transition, avant l’avènement des nouveaux pouvoirs démocratiquement élus.
Je viens à la seconde question suivante: comment comprendre un organe législatif comprenant des insurgés, parmi lesquels certains ont frôlé des balles, a pu faire des formulations aussi molles, évasives et floues, pour traduire une réalité qui n’a rien d’abstraction mathématique ou métaphysique, pour sanctionner des acteurs bien connus, en voulant se voilant benoîtement, derrière des subtilités stériles du juridisme?
Dans l’Histoire, nous ne sommes pas les premiers à nous illustrer dans la marche pour la Révolution ; qu’est-ce qui nous empêche donc d’imiter positivement les Français, en opérant dans la concision, à l’image du texte historique et clair, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (vieille de plus de deux siècles déjà, cependant brillant)?
Dans le cas présent, du moment où l’on s’est soucié de la non-rétroactivité de la loi et du respect de son caractère général et non stigmatisant, il fallait se résoudre à comprendre que la meilleures des options à prendre, n’était pas nécessairement une loi, mais certainement, un texte réglementaire-sanction, émanant de l’Exécutif, que le code électoral aurait pour rôle d’intégrer ou de rappeler.
Avec cette option, un décret issu du Conseil des ministres s’avérait parfaite! Un tel décret révolutionnaire n’a pas à mâcher les mots. Les termes « exclusion » peuvent bien y figurer sans qu’il ne soit une contradiction du principe d’inclusion dicté par la Charte. L’important est juste de qualifier négativement avec des mots justes, la tentative et le forcing déployé dans l’élan de modification de l’article 37 de la Constitution.
3- Reformuler l’article 135 du code : la démarche dangereuse du régime déchu dans la modification de l’article 37 de la Constitution doit être clairement qualifiée
Il est donc, fort regrettable que cet effort de qualification de la démarche de modification de l’article 37 par le régime déchu, ne figure pas dans le code électoral dans sa présente version, que certaines opinions veulent pourtant dans un rôle authentique de musée électoral.
Le Burkina se veut pays souverain, disent certains. Et pourtant, dans la formulation de l’article 135 du code électoral, les paraphrases peu adroites du texte de l’Union africaine, semblent montrer que nous ne voulons même pas assumer notre indépendance dans le français, où nous disposons d’un droit totalement libre.
En lieu et place du terme « changement » dans l’expression « toute personne ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte au principe de l’alternance démocratique », nous aurions fait preuve de création salvatrice en faisant recours au terme « mandat », en écrivant : « toute personne ayant soutenu le mandat anticonstitutionnel » de Blaise Compaoré au delà de 2015 jusqu’au drame survenu à l’Insurrection d’Octobre 2014. Sans hypocrisie, c’est de cela qu’il s’agit, et l’on ne ferait que rendre d’avantage hommage aux Martyrs, en étant précis dans le contexte historique.
4- Plutôt d’un changement socialement dangereux de l’article 37, et d’un mandat anticonstitutionnel de Blaise Compaoré
En effet, peu de techniciens se prononcent sur un point me paraissant essentiel, au point de soulever une certaine curiosité; peut-être par crainte d’attirer sur eux, le courroux du brave Peuple insurgé, ou par crainte de tendre une perche au CDP et ses alliés, en ouvrant une brèche à leur profit. Mais, mieux vaut dire les choses à temps, que d’attendre dangereusement tard, dans l’espoir qu’elles passent inaperçues! En politique, il ne faut rien négliger ! Une faiblesse négligée, peut s’avérer être la dernière carte de succès du concurrent.
En effet, sous réserve de contrôles approfondis, la Constitution de la 4ème République dispose dans son dernier article, 173, d’une clause d’anti-constitutionnalité. Aussi, il est stipulé dans l’article 164, les conditions de révision (changement ou modification) de ladite Constitution par l’Assemblée Nationale. Au regard de ces dispositions, l’acte de modification de l’article 37 ce jour fatidique du 30 Octobre 2014, n’était pas anticonstitutionnel en soi, mais plutôt, c’était la candidature ou le soutien de la candidature de Blaise Compaoré qui étaient anticonstitutionnels.
Mais le brave Peuple, instruit par une longue expérience et la science de l’observation, savait qu’il ne devait pas compter sur le Conseil Constitutionnel pour dissuader et arrêter Blaise Compaoré dans cette folie meurtrière. Négliger cet aspect, c’est négliger tout un pan important du noble combat que menaient un segment de notre Peuple dans certaines institutions illustres, notamment le juge défunt Salifou Nebié au Conseil Constitutionnel, – de braves Héros auxquels, nous devons mémoire et reconnaissance.
5- Eviter de banaliser les relations internationales, et y faire recours à la fois face à la crainte
Beaucoup de nos concitoyens, face au verdict de la CEDEAO, ont tendance à s’en moquer, en brandissant la souveraineté du Burkina Faso, mais une souveraineté n’est jamais absolue et la parfaite illustration d’une telle souveraineté revendiquée, serait de ne même pas participer au procès.
Du moment où le Burkina y a participer, refuser d’appliquer l’arrêt qui en résulte, serait une attitude d’imposture, non honorable ! Pour la simple raison, qu’on ne part pas à un procès pour le gagner toujours. Par conséquent, il faut s’accommoder, en cas de défaite. Dans le présent cas, le Burkina s’en sort avec des orientations qui n’excluent pas l’exclusion bien ciblée !
Une porte reste donc toujours ouverte aux autorités de la Transition, pour sanctionner les responsables de la crise d’alternance macabre au sommet de l’Etat, soulevée par la volonté opiniâtre du régime déchu, de modifier l’article 37 de la Constitution.
Bien avant le verdict de la CEDEAO, dans l’un de mes récents articles, je préconise la solution nominative (ou précisant les noms d’institutions sous le régime déchu, ayant une lourde part de responsabilité) par différents décrets issus du Conseil des ministres, idée que le Porte-parole du Gouvernement semble approuver, à travers une récente intervention.
6- L’exclusion vise à réparer moralement et politiquement, des séquelles chez victimes et bourreaux (1)
L’inclusion ne doit pas être perçue de façon restrictive, en limitant ses applications aux seules élections de 2015 et 2016. Ceux qui sont visés par l’exclusion aux élections prochaines, sont d’ailleurs attendus sur le terrain du développement, pour aider notre pays à se construire.
A titre d’exemple, en réorientant leurs actions publiques en investissant honnêtement leurs fortunes dans les ONG œuvrant aux côtés des couches défavorisées, il n’est pas sûr que le Peuple ou les autorités de la Transition leur en veuille. L’exercice de la politique, consistant demeurer dirigeant, ne saurait être une fatalité. Autrement, que serons devenus, nous autres, citoyens non-partisans. Ou bien, certains pensent-ils avoir plus de mérites que nous, pour diriger ce pays ?
En réalité, une telle mesure d’exclusion ou d’aide à l’introspection sur le sens de la politique pour l’humanité, vise à aider les exclus à se rapprocher du Peuple. Elle leur évite d’être marginalisés et stigmatisés, sinon socialement persécutés à jamais (pour toujours), pour faute réparée en partie.
Il s’agit d’une pratique de sanction et de réparation morale, dans nos coutumes, pour réconcilier victimes et ceux qui sont indexés comme bourreaux. Et cet effort de pardon local d’inspiration coutumière africaine, de cicatrisation endogène profitable aux victimes et aux bourreaux, ne peut pas être récusé, ni par la CEDEAO, ni par la Côte d’Ivoire, ni par l’Union Africaine, ni par les Etats-Unis, ni par la France, ni par personne…
Non à l’impunité !
Oui aux sanctions expiatoires !
Vive la démocratie !
Vive la Révolution burkinabè !
Ouagadougou, le 20 juillet 2015.
(1) Lire : Comment comprendre l’inclusion dans la Charte de la Transition dans
Crise RSP/Zida : la solution de « la solution finale » par des élections anticipées
Idrissa Diarra
Géographe, politologue.
Secrétaire exécutif du MGC/Faso.
Institut d’Etudes politiques Martin Luther King
(IEP-ML King)
Mobile : (+226) 66 95 04 90
La non-violence et l’intelligence au service de l’humanité.
NDLR : Le titre est de l’auteur
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