Burkina Faso : « les ingrédients du coup », selon la BBC

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 Lamine Konkobo, rédacteur à BBC Afrique, a décrit ce qui est selon lui  »les ingrédients du coup ». Lisons ensemble. 

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Au Burkina Faso, la transition est dans une mauvaise passe. Mais comment en est-on arrivé là ? Selon cette analyse de Lamine Nouriddine Konkobo qui suit l’évolution de la situation dans le pays depuis le soulèvement d’octobre 2015, le putsch résulte de la combinaison de deux facteurs essentiels.

Il y a quelques mois, au détour d’une conversation sur la transition au Burkina Faso, un confrère exprimait ses craintes sur la transition enclenchée après la chute de Blaise Compaoré.

Le confrère en question, évoquant le « syndrome égyptien », soutenait que rien ne mettait le processus démocratique burkinabé à l’abri d’un putsch comme cela avait été le cas sur les rives du Nil.

Depuis jeudi matin, son analyse s’est révélée juste. Mais l’interrogation aujourd’hui est la suivante : Comment est-ce que le pays des Hommes Intègres a opéré ce que certains qualifient de retour à la case-départ ?

Ayant suivi de près l’évolution de la situation dans le pays, il me semble que la réponse tient en deux points essentiels.

D’abord, la cristallisation des passions autour de la place du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dans le Burkina Faso de l’après-transition. Que devait-il devenir sans son fondateur contraint à l’exil ?

Le fait que l’avenir de ce dernier soit entouré par une certaine incertitude exaspérait le RSP, en partie parce que ses éléments étaient dans une incompréhension presque totale de ce qu’on pourrait appeler un révisionnisme populaire dans lequel beaucoup semblaient cantonner le rôle de cette unité d’elite lors du soulèvement.

Le RSP revendique avoir adhéré à la révolte. Ce qui est vrai dans une certaine mesure car face aux remous, il avait usé de la violence avec une extrême prudence, ce que la masse révoltée avait perçu comme un signe de ralliement.

Son attitude alors était sans doute celle d’un réalisme dicté par le fait que 27 ans de Compaoré semblait être un héritage lourd à gérer. En se ralliant timidement donc aux masses populaires, l’unité d’élite avait cru se ménager une survie pour l’avenir. Elle espérait tout au moins subsister dans son rôle de garde prétorienne. Mais, comme on l’a vu, elle a vite fait de déchanter.

En effet, dans la période qui a suivi la chute de Compaoré, le débat a glissé ouvertement vers une certaine minimisation du rôle joué par le RSP dans l’aboutissement du soulèvement. Pour une grande partie de l’opinion révolutionnaire, le régiment n’avait d’autre choix que de respecter la colère de la rue.

Le discours politique et populaire avait ainsi viré à l’exigence d’une purge totale du ‘’Compaorisme’’, ce qui passerait par la dissolution du corps qui en avait longtemps été le pilier.

Malgré tout, le RSP était parvenu à garder la main sur l’appareil d’etat. Il avait réussi, avec les autres composantes de l’armée, à faire passer son candidat (Michel Kafando) pour la présidence de transition.

Egalement, son ex-Numéro Deux, (Yacouba Isaac Zida qui a d’abord été brièvement chef de junte) deviendra chef de gouvernement.

Ainsi, avec l’un des leurs aux affaires, le RSP croyait que ses intérêts étaient en sécurité. Contre toute attente, Zida embrassera la rhétorique populiste des révolutionnaires qui ne voulaient plus du RSP.

La rupture sera alors vite consommée entre le chef du gouvernement et son ancienne unité, donnant lieu à une crise épisodique faite d’intrusions musclées d’hommes en treillis dans la salle du Conseil des Ministres.

La toute dernière de ces intrusions, celle de mercredi, marquera logiquement ce que le RSP a longuement hésité à concrétiser, c’est-à-dire un coup de force suivi d’une dislocation des institutions de la transition.

Le deuxième facteur qui a alimenté la démarche du RSP est politique. Il a pour soubassement la façon dont la transition a été conduite.

Bien que le désormais ex-président de transition, Michel Kafando, ait joué à fond la carte du consensus, il était clair que le consensus était impossible, en ce qui concerne notamment la place de certains responsables de la majorité présidentielle déchue.

Mais ce manque de consensus en tant tel n’était pas porteur de crise, dans le sens où la divergence (dans une certaine mesure) est souvent nécessaire pour un débat politique animé.

En revanche, l’exclusion (quoique partielle) des anciens proches de Compaoré semblait en soi ouvrir la boîte de Pandore.

Cet acte d’exclusion entériné par le Conseil de transition a donné le sentiment à un certain nombre de Burkinabé qu’ils avaient moins de droits que d’autres.

En tout cas, l’insistance sur leur tort qu’il leur fallait faire payer vaille que vaille a conduit à un discours dur et passionné dans le camp des acteurs aux avant-postes de la transition, ceux que j’appelle les transiterati.

Ces transiterati regrettent-ils aujourd’hui de n’avoir pas laissé le soin de l’exclusion au peuple qui aurait eu l’occasion de se déterminer par la voie des urnes ?

Communauté d’intérêts

 

Quoiqu’il en soit, le sentiment de préjudice civique qu’éprouvaient les anciens proches de Blaise Compaoré s’est mué en élément fédérateur entre le RSP, soucieux de préserver ses privilèges menacés, et les « compaoristes » qui avaient de la peine à admettre d’être isolés dans un pays qu’ils ont contrôlé pendant 27 ans.

Il en a résulté une communauté d’intérêt, par laquelle, le RSP, récupérant les frustrations de l’ex-Majorité au pouvoir, s’est donné des raisons et des motivations à première vue politiques, pour procéder au putsch consommé jeudi.

Ainsi donc, dans le communiqué de la nouvelle junte lu à la télévision, les putschistes s’appuient sur le constat d’un processus « déviant » et promettent d’offrir au pays par les soins de leur Conseil National pour la Démocratie, un système démocratique plus inclusif.

Avec l’éloignement de l’échéance électorale, le RSP pourrait pousser un ouf de soulagement. Et avec le général Gilbert Diendéré comme chef de junte, le président déchu Blaise Compaoré pourrait même rentrer au pays à sa guise.

Puisque Diendéré, l’homme présenté tantôt comme la « boite noire » de l’ancien régime, tant comme « l’avatar » même de Compaoré, est le militaire le plus fidèle au président déchu et leur fidélité remonte bien loin à l’époque où un certain Thomas Sankara était encore au pouvoir.

Mutisme

En dernier ressort, la question que beaucoup se posent est la suivante: le RSP avait-il l’intention dès mercredi de faire un putsch ?

Quand bien même la réponse pourrait être affirmative, il est fort probable que le Régiment ait été encouragé dans son option putschiste par le mutisme de la classe politique.

Celle-ci avait la tête plutôt perdue dans des calculs partisans en rapport avec la présidentielle d’octobre qui n’aura plus lieu, et a manqué l’initiative d’opposer un message clair aux putschistes qui ont eu tout le temps pour décider de la tournure que devrait prendre leur mouvement d’humeur.

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