Burkina : Des barrages et des lacs menacés
Le Secrétariat permanent pour la Gestion intégrée des ressources en eau (SP/GIRE) a sillonné les Régions de l’Est, du Plateau Central, du Centre-Nord et du Sahel, du 27 juin au 2 juillet 2016, dans le cadre d’une caravane de presse. Objectif : échanger avec des responsables locaux et découvrir sur le terrain les problématiques majeures mais aussi les actions menées en faveur de la protection des ressources en eau.
De Fada à Dori en passant par Ziniaré et Kaya, le moins que l’on puisse retenir, c’est que la trentaine de journalistes ayant pris part à cette sortie a constaté qu’en plus des causes naturelles, l’Homme reste également à l’origine de la pollution, de l’ensablement et donc de la baisse de niveau des ressources en eau.
Pourtant, l’eau se raréfie au Burkina et il s’avère toujours urgent de trouver des voies et moyens supplémentaires de conserver de façon durable le peu disponible et l’utiliser de façon rationnelle.
Placée sous le thème « Protection des ressources en eau », cette énième caravane de presse initiée par le SP/GIRE a permis aux Hommes de médias de toucher du doigt l’immense travail effectué par certains acteurs notamment les Agences de l’eau et les Comités locaux de l’eau (CLE) mis en place pour protéger ces « sources de vie ».
Il faut vite sauver le barrage de Sampiéri…
A Fada, au cours d’un échange avec les responsables de l’Agence de l’eau du Gourma (AEG) dont Flora Dubary/Bationo, Directrice générale, sous la supervision du secrétaire permanent pour la GIRE, Moustapha Congo, il est ressorti que l’agence créée en 2011, ne dispose actuellement que de 3 CLE dont 2 CLE-barrages. A noter par ailleurs que l’AEG s’étend sur 5 Régions administratives du Burkina.
Après cette première escale à Fada, direction le Barrage de Sampiéri (450.000 m3) situé à environ 150 km de la Capitale de l’Est, près de la frontière avec le Niger. « Vous voyez ici, il y a des champs juste au bord de l’eau. Dès qu’il y aura une pluie par exemple, tous ces sables, cultures et autres seront entraînés dans le barrage », anticipe d’entrée de jeu, la DG de l’AEG.
Certains orpailleurs, éleveurs, agriculteurs, producteurs d’eau et professionnels des BTP sont accusés d’être les premiers responsables de la pollution, de la dégradation, de l’ensablement et de l’utilisation anarchique (avec des motopompes) de ces ressources en eau. Il faudrait donc poursuivre urgemment le processus de sensibilisations.
Selon le témoignage du président du groupement des pêcheurs, Mano Ouoba, avant, au fond du barrage de Sampiéri, l’eau pouvait atteindre son cou, mais qu’aujourd’hui, avec l’ensablement malgré l’installation de quelques cordons pierreux pour servir de délimitation, le niveau du barrage ne dépasse plus ses genoux. L’humain n’est cependant pas le seul responsable de ces problématiques notamment au niveau de Sampiéri.
Des plantes « inutiles, envahissantes et résistantes » ont fait leur apparition dans l’eau et préoccupent les populations malgré que des « luttes mécaniques » (arrachages) soient fréquemment menées. Toutefois, tout en appelant les autorités à installer d’autres cordons pierreux, M. Ouoba invite les populations à adhérer davantage au principe de protection durable des ressources en eau « pour le bien-être de tous surtout les générations futures ».
Ziniaré : Le Bassin du Nakanbé, une importante source de vie à préserver…
Les journalistes accompagnés de Pierre Zoungrana, en service au niveau du Département Appui Conseil au SP/GIRE, ont pu échanger avec des responsables de l’Agence de l’eau du Nakanbé (AEN) à Ziniaré. Cette agence, créée le 27 mars 2007, possède 24 CLE, couvre 5 Régions dont le Centre et constitue en fait la 1re agence de l’eau du Burkina.
Selon son DG, Saïdou Kanazoé, l’AEN, avec ses 511 barrages, la baisse générale de la pluviométrie, la pression démographique, la dégradation des bassins et de la qualité de l’eau, le contexte géologique (prédominance des roches cristallines), les conflits d’usage constituent les principaux problèmes de gestion des ressources en eau.
A ce niveau également, foi de M. Kanazoé, plusieurs actions sont en cours notamment la sensibilisation, la délimitation des périmètres, l’élaboration d’un plan de développement stratégique.
Le lac Dem situé à 50 km de Kaya ne bat que d’une aile…
Avec visiblement une baisse de niveau, le lac Dem situé dans le village de Zorkoum est alimenté principalement par 6 cours d’eau et en gros 7 villages rentrent dans la protection de ce lac. Il a une capacité de 15.000.000 m3 et a pour principale vocation les activités agricoles et la satisfaction de l’usage domestique et piscicole. Bien que les membres du CLE de Dem et Sian disent être sur leur garde, vu également l’importance du lac, à en croire des témoignages, cette retenue d’eau menace de disparaître.
Selon le fils du Chef de Canton de Pikou, Mohamed Ouédraogo, le lac Dem a perdu son lustre d’antan, malgré entre autres la plantation de vergers de mangues (initiée par le Chef de Canton, Président du CLE du lac Dem et Sian depuis 1990), la mise en place de digues filtrantes empêchant l’ensablement, de cordons pierreux, de couloirs d’accès à l’eau, etc… Par conséquent, il faudrait y redoubler d’efforts.
Après la visite de la pépinière avec ses plants d’épineux dans cette localité, les caravaniers ont pu inspecter également le barrage de Yacouta considéré comme « particulier », situé à quelque douzaine de km de Dori. Selon le DG de l’Agence de l’eau du Liptako, Pierre Daniel Bakiono, ce barrage, avec ses 26 millions de m3 et construit en 2005 à plus de 26 milliards de FCFA est entouré de dunes de sable.
Escaladant ces immenses collines de sable, les caravaniers ont reconnu fondamentale l’initiative de « bétonner le long de ces dunes » qui contribuent par ailleurs à l’ensablement du barrage. Même si, confie Nouhoun Maïga Amadou, membre du CLE, « des milliers d’épineux y ont été plantés, 127 cordons pierreux, 35 km d’aires vives, mis en place et plus de 250 personnes sensibilisées ».
Cette dernière étape de la caravane a permis de constater que, abritant des plus importantes mines du pays qui ne manifesteraient cependant pas la volonté de se déclarer conformément aux nouveaux textes, tout le Sahel nécessite, en somme, la création d’un cadre de concertation entre les différents intervenants dans le domaine généralisé de l’eau.
Pour rappel, le SP/GIRE avait organisé une sortie du genre du 10 au 13 juin 2015 dans les Bassins du Mouhoun et des Cascades. Ces caravanes de presse font suite à un atelier de sensibilisation des Hommes de médias organisé auparavant par la même institution en juillet 2014 à Kongoussi sur les mêmes problématiques concernant les ressources en eau.
Noufou KINDO
Burkina 24
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