Le regard de Monica – « Des coups… mais pas de foudre »
Le Regard de Monica est une chronique de Burkina24 qui est animée chaque jeudi par Monica Rinaldi, une Italienne vivant au Burkina. Cette chronique traite de sujets liés aux femmes, à la consommation locale et aux faits de société.
Quand nous rencontrons Djeneba[1], jeune femme de 36 ans, ses plaies ne sont pas encore guéries. Mariée, mère de deux enfants, elle a eu le courage de quitter son foyer, après que son mari a failli la tuer il y a quelques jours. La raison ? « La dernière fois c’était parce qu’il est rentré tard et je lui ai dit que je n’aime pas cela. Mais à chaque fois, il en donne une nouvelle. Il suffit d’un rien pour l’énerver et là, il se transforme en autre chose ».
Djeneba a subi les coups de son mari, en essayant de se débattre pour continuer à respirer quand il lui a appuyé un oreiller sur le visage. Tant bien que mal, elle a passé la nuit, attendant qu’il s’en aille le matin. Puis, elle a ramassé ses effets pour partir se réfugier chez une cousine. C’est là que nous l’avons rencontrée, ce vendredi matin, grâce à une connaissance commune.
« Il faut supporter, ma fille, et demander pardon »
Treize pour cent. Voici le pourcentage de femmes burkinabè qui subissent des violences au sein de leur couple. Treize pour cent de 4.974.469[2] de femmes de plus de 18 ans, c’est-à-dire plus de 646.000 femmes qui reçoivent des coups – et pas des coups de foudre – de la part de l’homme avec qui elles ont choisi de passer leur vie.
L’homme qui devrait les chérir et les protéger, et qui par contre leur fait vivre l’enfer sur terre. Par ailleurs, il y a de bonne chance que cette estimation soit par défaut, puisque la question des violences au sein du foyer reste taboue.
Quand une femme reçoit des coups de son homme – soit-il son mari, son concubin ou son copain – son premier instinct est de cacher les signes : elle se maquille, porte des tenues couvrantes, voire ne sort pas de chez elle pendant un ou deux jours. Avec raison : dans la plupart des cas, c’est le conseil qu’elle reçoit des femmes à qui elle parle de ses soucis dans le foyer.
« ‘Il t’a frappée ou il t’a seulement brusquée ?’ Voilà ce que ma maman me demandait les premières fois que je lui parlais des colères de mon mari », nous explique Djeneba. « Elle me dit à chaque fois que c’est mon mari, que quand il se met en colère je ne dois surtout pas réagir. Je dois supporter et demander pardon. Et surtout, ne rien dire à personne, ne rien laisser comprendre à mes enfants ! » Le même conseil, Djeneba l’a reçu de ses copines.
« Elles me disaient que ce sont des choses qui peuvent arriver, qu’il fallait que je travaille à ne pas énerver mon mari. Elles me déconseillaient de le laisser si ses colères se limitaient à me brusquer car il est difficile de trouver un foyer de nos jours et que si je divorçais, il n’était pas sûr que je puisse trouver un autre mari». Ce qu’elles ne savent pas, est qu’un homme violent ne change pas, il ne peut que devenir pire !
En effet, l’attitude générale des femmes elles-mêmes envers la violence conjugale est de sorte à se poser des questions. Est-il vraiment nécessaire de tolérer des comportements incorrects, voire carrément criminels, juste au nom enfants ? Les enfants, ne souffrent-ils pas de voir leur mère malheureuse ? Jusqu’où doit aller le besoin de rester dans un foyer pour éviter la solitude et les regards de la société ? Quand les violences auront dépassé la limite et que la femme en sera décédée, en ce moment il sera trop tard pour les regrets.
Une attitude généralisée à changer
La violence conjugale est un crime. Une femme battue par son mari a le droit d’aller porter plainte contre lui devant les autorités. Mais cela semble être plus difficile que l’on puisse penser. Au-delà des (mauvaises) conseillères qui suggèrent aux femmes de ne pas aller à la gendarmerie, car ce sera certainement la fin de la relation, l’attitude même de certains agents est telle à décourager la femme.
En effet, une femme battue est une personne fragilisée, blessée dans sa fierté. La décision d’aller porter plainte contre son homme est difficile à prendre, et parler de ses humiliations à des inconnus l’est encore plus.
Alors, il est nécessaire que les agents (gendarmes, policiers) qui reçoivent ce genre de plaintes soient formés à offrir aux femmes au moins une attitude compréhensive et encourageante. Ce qui n’est pas toujours le cas.
La froideur du langage officiel, la nécessité d’avoir des détails, la lourdeur administrative, le manque d’encouragement à poursuivre sa plainte, mais aussi des attitudes inappropriées (« Madame, pensez-y bien… c’est votre mari, le père de vos enfants… ») pèsent sur la femme qui, en l’absence d’un soutien psychologique autour d’elle ou par les services publics (santé, sécurité), peut être démotivée au point de retirer sa plainte.
L’humanisme qui manque
L’idéal serait qu’il existe au sein de la police et/ou de la gendarmerie une unité spéciale pour les victimes de violences conjugales (viol, coups et blessures…). Le cas échéant, il serait préférable qu’il y ait au moins une personne (de préférence une femme) formée à recevoir ce genre de plainte et à offrir un soutien psychologique, une attitude humaniste et encourageante aux victimes.
Mais plus en général, il faut que l’attitude de la société envers les violences au sein du couple change. Il n’y a rien d’honorable ni de « normal » à battre sa femme, ni à la brusquer, ni à lui porter un quelconque acte violent.
Ce n’est pas une manière de résoudre les problèmes et encore moins de corriger sa conjointe : la femme n’est pas un chien qu’il faut dresser pour qu’elle devienne comme son maître le souhaite !!! Au contraire, un homme qui réagit violemment aux remarques de sa moitié se rabaisse, car il montre que si ce n’est pas par sa force brute, il n’a pas d’autre moyen d’avoir raison d’une femme – pas suffisamment d’intelligence, pas suffisamment de capacité dialectique, pas suffisamment de cœur non plus…
Il est nécessaire que la société – et les femmes en particulier – comprennent qu’il n’y a aucune raison de tolérer l’intolérable seulement avec le prétexte fallacieux que « c’est un homme, ils sont tous pareils, il faut supporter. Les violences, les infidélités, les injures, les attitudes irrespectueuses. Les subir fait mal tant aux hommes qu’aux femmes, car Dieu nous a donné un même cœur.
Aucun être humain n’a le droit de faire volontairement du mal à un autre être humain, et encore moins au sein d’un couple, où le but est plutôt de créer le bonheur de sa moitié. Car les seuls coups que l’on a le droit de subir dans un couple, ce sont les coups de foudre !!
Monica Rinaldi
Chroniqueuse pour Burkina24
[1] Le nom et l’âge ont été modifiés pour protéger la confidentialité de la victime.
[2] Estimation de l’INSD sur la population féminine majeure en 2017
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