Le travail des enfants dans les sites d’orpaillage de la province du Sanmatenga

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Ceci est un article de Dr Zongo Tongnoma sur le travail des enfants.

Résumé

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Phénomène multidimensionnel exacerbé par la mondialisation néolibérale, le travail des enfants requiert une approche et des réponses circonstanciées. D’une part, le travail des enfants dans l’orpaillage est généralement composé d’un réseau complexe, générateur inhérent de risques, et d’autre part, elle peut être atteinte dans son organisation sociale, spatiale, économique par l’occurrence d’un danger, interne ou externe, naturel ou technologique.

L’objectif global de cet article est d’identifier les causes, les mécanismes, l’ampleur de l’utilisation des enfants dans l’exploitation minière artisanale au Burkina Faso, ainsi que les mécanismes de lutte mises en place par les autorités Burkinabé. La méthodologie utilisée pour aboutir à cet objectif est basée sur la collecte, le traitement et l’analyse des données secondaires obtenues à partir d’une revue de littérature approfondie portant sur le thème de recherche.

Il ressort de l’étude que les enfants sont victimes d’exploitation économique par leurs employeurs qui tirent de gros bénéfices de leur force de travail, et par leurs familles pour qui ils sont de véritables sources de revenu. De nos jours, les politiques se développent en matière de lutte contre le travail des enfants dans le secteur minier artisanal mais, il y a lieu de s’interroger sur l’efficacité de ces politiques et l’application effective des textes ratifiés par les pays africains dont le Burkina Faso.

Introduction

Le travail des enfants exclue leur scolarisation ou agit négativement sur leur rendement scolaire (Pilon, 2002, Kobiané, 2006). Face à cette situation l’éradication du phénomène du travail des enfants ou l’élimination des pires formes du travail des enfants sont l’objet de nombreuses initiatives à travers le monde.

Le travail des enfants est un phénomène multidimensionnel qui est fondé sur les valeurs et les pesanteurs socioculturelles relatives à l’éducation des enfants d’une part, mais aussi par le contexte de conjoncture économique mondialisée marquée par la paupérisation des familles tant en milieu rural que urbain. La non scolarisation, l’échec ou l’abandon scolaire constituent des facteurs favorables à la pérennité du problème (Dr Dorte Thorsen avril 2012).

Cette importante implication des enfants dans les activités économiques exerce une forte pression sur la scolarisation déjà faible. Généralement c’est dans  ce contexte que le 20 novembre 1989 est adoptée la convention internationale des droits de l’enfant. En 54 articles, ce texte adopté à l’unanimité par l’assemblée général des nations unies, énonce les droits civils économiques sociaux et culturels de l’enfant. A ce jour, la convention internationale des droits de l’enfant a été ratifiée par 190 Etats sur 192, malgré quelques réserves sur certaines parties du texte. Les Etats Unies et la Somalie sont les seuls pays au monde à l’avoir signée mais pas ratifiée.

L’Afrique est le continent le plus touché par le travail des enfants sur toutes les formes possibles. Le travail des enfants dans l’orpaillage au Burkina Faso est une pratique relativement nouvelle évoluant tout de même très rapidement. Cette étude se propose de comprendre les déterminants du travail des enfants dans les sites d’orpaillage du Burkina Faso et ses conséquences qui en découlent.

Méthodologie de l’étude

 Dans le cadre de cette étude  la principale source de données utilisée est la revue de littérature et les données de terrain. Les méthodes utilisées pour la collecte des données sont des entretiens semi-structurés et le focus group. Des entretiens ont été réalisés auprès d’un échantillon constitués par des personnes œuvrant dans le secteur éducatif et le secteur de l’orpaillage. Au niveau du secteur éducatif, nous avons eu des entretiens avec les directions des enseignements de la province du Sanmatenga, les élèves, l’association des parents d’élèves de la commune de Korsimoro. Dans les sites d’orpaillage nos entretiens étaient avec les chefs de trous, les femmes, le propriétaire des sites et les enfants.  Ces entretiens ont consisté à recueillir leur avis sur l’impact de l’orpaillage sur la vie de l’enfant et la connaissance des politiques mises par les autorités pour lutter contre ce fléau. L’observation participative a été un facteur indispensable dans le cadre de nos collectes de données. Le guide d’observation a porté sur les conditions de vie des enfants dans les sites d’orpaillage.

Discussion et analyse des résultats

Les déterminants socioculturels du travail des enfants

Dans l’enfant et son milieu en Afrique traditionnelle,  Erny (1972) montre comment la participation de l’enfant aux activités productives participe à son éducation et de son entrée progressive dans le monde des adultes : l’enfant apprend aux côtés des adultes et les activités dans lesquelles il est impliqué sont fonction de son âge et de son Sexe. Dans cette société traditionnelle, travail et éducation constituent un même et unique système (Salazard, 1998). Il s’agit là l’un des premiers fondements culturels du travail des enfants c’est-à-dire sa fonction socialisante et éducative : « …de tous temps, la socialisation de l’enfant passe par sa mise à l’ouvrage progressive, par sa participation croissante, proportionnelle à son âge, aux travaux collectifs de la communauté, et même l’école gratuite, laïque et obligatoire. Une révolution encore récente n’a pas de sitôt mis fin à cette contribution des enfants aux tâches productives » (Schlemmer, 1996 : 22-23). La plupart des parents interrogés dans le cadre de cette étude  avancent que c’est normal pour un enfant en milieu rural de soutenir ses parents dans n’importe quel type d’activités menées par ses parents d’où la présence des enfants dans les sites d’orpaillage.

Dans la plupart des communautés africaines et spécifiquement Burkinabé, le travail des enfants est considéré comme un processus de scolarisation. En effet, avec la prédominance de valeurs donnant aux adultes le droit de « propriété » sur les enfants, ceux-ci doivent commencer par des travaux domestiques. DIALLO (2008) note que l’essentiel des travaux domestiques et sociaux revient aux jeunes tandis que les plus âgés s’occupent de la théologie, de la morale, du droit et de la politique…. Dans ce processus, les enfants doivent travailler sur les terres des aînés ou des parents, pour le compte de ceux-ci.

C’est aussi dans le même sens que  OUEDRAOGO et al (2008) mentionne que l’enfant apprenant à exécuter des tâches participe tout simplement à la vie sociale. Par anticipation sur les futures responsabilités de l’enfant, les parents se font un cas de conscience d’apprendre très tôt à leurs progénitures à « s’en sortir » à être une femme, à être un homme.

Les fondements économiques du travail des enfants

Les besoins de main-d’œuvre dans les sociétés agricoles, la crise de l’emploi salarié et stable dans les sociétés modernes et d’une manière générale la pauvreté sont autant de facteurs économique à la mise au travail des enfants. Dans le mode de production familial, encore appelé société paysanne ou domestique, basé sur une économie de subsistance, et dans lequel le travail constitue le principal facteur de production, comme dans de nombreux pays en développement, la contribution importante des enfants (Kamuzora, 1984).

Ce rôle des enfants dans la production familiale dans les sociétés agricoles et rurales des pays du sud ressemble à bien des égards à la situation de l’occident au XIX siècle, notamment lorsqu’on se réfère aux travaux portant sur les périodes préindustrielle et industrielle (Slicher van Bath, 1963, cité par Minge-Kalman, 1978, Stella 1996, Marcoux, 1999 et 2002). Le travail des enfants serait donc, dans une certaine mesure, lié au niveau de développement économique des sociétés. Parmi les fondements économiques du travail des enfants, la pauvreté est de loin le facteur le plus récurent qui intervient dans la littérature.

« Elle est sans contexte la première de toutes les causes du travail des enfants » (Brisset, 2000 : 43), car c’est surtout dans les familles les plus pauvres que la contribution des enfants aux revenus du ménage est importante. Cette analyse est très bien illustrée dans les sites d’orpaillage que nous avons visité. Plus de 80% des enfants interrogés sur les causes de leur présence dans les sites d’orpaillage l’attribuent à la pauvreté économique. C’est cette importance contribution des enfants à la survie des ménages et des familles qui révèle aussi la complexité des campagnes et programmes pour l’élimination du travail des enfants. « Bien que le travail des enfants soit inacceptable, la plupart des PMA ne peuvent pas se permettre d’y mettre immédiatement fin, car les familles dépendent en partie de l’argent que gagnent les enfants.

 Les défaillances du système éducatif et le travail des enfants

Si le travail des enfants peut influencer sur la scolarisation des enfants, l’école est parfois, elle-même un facteur contribuant à orienter les enfants vers le travail. Cet effet du système éducatif sur le risque de mise au travail des enfants se situe à plusieurs niveaux : au niveau de son coût, de sa qualité, et de son fonctionnement. Comme le souligne l’Unicef (1997 : 53, 56), « on sait que le travail peut empêcher les enfants de fréquenter l’école, mais c’est souvent aussi la mauvaise qualité de l’enseignement qui les amène à commencer très jeune à travailler. Toute amélioration en matière d’éducation, qu’elle vienne du changement des écoles existantes, de l’adoption de méthodes pédagogiques souples et créatives, ou d’un ciblage spécifique des jeunes travailleurs aura un impact positif sur leur emploi ».

Dans un contexte général de paupérisation, les coûts élevés d’écolage (frais de scolarité, uniformes et matériel didactique) pèsent énormément sur le budget des familles et des ménages et certains se voient alors contraints à mettre les enfants à l’apprentissage d’un métier. L’inaccessibilité financière de l’institution scolaire est donc en partie un facteur qui peut accroître la propension des familles et des ménages à mettre les enfants au travail.

Le dysfonctionnement de nombreuses écoles, par le manque de personnel enseignant, est aussi un facteur qui peut occasionner le retrait des enfants de l’école et les conduire plus facilement sur le chemin de travail. Ensuite, « investir dans le capital humain » (Bhukuth, 2004) a un coût immédiat et direct que de nombreux ménages pauvres ne peuvent supporter, en raison de leur lutte quotidienne pour la survie. Le bien-être du ménage passe avant celui de l’enfant.

Enfin, à plus long terme, le système éducatif, du fait de sa qualité médiocre, est perçu auprès des familles, comme ayant un faible « retour sur investissement ». Suivre un cursus scolaire n’offre pas la garantie de décrocher un emploi correctement rémunéré dans le secteur formel. L’environnement social immédiat, notamment la persistance du chômage parmi les jeunes diplômés, a un rôle démobilisateur auprès des enfants et des parents. Un dernier facteur, mis en évidence par plusieurs études, joue également un rôle déterminant dans l’arbitrage entre travail et éducation : le degré d’instruction des parents, et de la mère en particulier. Dans les pays en développement, quelque 75 % des enfants ayant abandonné l’école primaire sont issus d’un foyer où la mère n’a jamais fréquenté l’école (www.unicef.fr).

Les conséquences du travail des enfants dans les sites d’orpaillage

Le travail des enfants est une solution transitoire à la résolution de leurs besoins ou de ceux de leurs parents. Il donne l’illusion de solutionner les problèmes, mais en réalité il ne les résout pas. En effet les analyses de lachaud (2007) et de Zerbo (2008) aboutissent aux constats que le travail des enfants ne peut pas contribuer au développement de l’économie du Burkina Faso, en ce sens que ce n’est ni une main d’œuvre qualifiée, ni une voie d’essor. Lachaud montre que le travail des enfants et la pauvreté sont deux faits intimement liés. Plus on s’engage précocement au travail pour sortir de la pauvreté, plus on n’y restera. Selon cet auteur les ménages pauvres dont les enfants travaillent participent d’une certaine manière au renforcement ou au maintient de leur état de pauvreté qui peut devenir durable et non plus transitoire.

Zerbo (2008) s’inscrit dans la même analyse que Lachaud (2007) en soulignant que le travail des enfants se manifeste dans un cercle vicieux de maintenance de la pauvreté. En effet, selon lui, les enfants qui travaillent sont généralement issus de ménages pauvres. En Afrique les modes d’exploitation des mines et le manque de réglementation de leur gestion sont parmi les principales causes des problèmes des mines au niveau social. L’autre conséquence du travail des enfants est son effet négatif sur la construction d’un capital humain. Même dans ses formes socialisantes, le travail des enfants conduit à un déficit en capital humain, lorsque l’éducation formelle n’est pas associée ( Zerbo, 2006).

Conclusion

Au terme de cette étude portant sur le thème « le travail des enfants dans le secteur minier artisanal en Afrique », nous pouvons tirer les leçons suivantes. Le travail des enfants est un problème qui dépasse les seuls enfants. C’est un phénomène multidimensionnel qu’il est difficile de séparer de ses composantes sociales, culturelles, économiques comme un pays comme le Burkina Faso.

Dr Zongo Tongnoma

Email: [email protected]


Bibliographie

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