Trouver de quoi manger à Nouna après 22h : Un Parcours du combattant !

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La situation sécuritaire du Burkina Faso a conduit le gouvernement à prendre un certain nombre de mesures parmi lesquelles le couvre-feu dans plusieurs localités du pays. Notamment dans les régions du Sahel, du Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun. A Nouna, ville située dans la Boucle du Mouhoun, non loin de la frontière avec le Mali, le couvre-feu est de 00h à 4h du matin. Mais aux environs de 22 heures, presque tous les commerces, stations d’essence et restaurants referment leurs portes. Exceptés quelques pharmacies et services de santé. Expérience ! 

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Vendredi 22 octobre 2021. Il est 22h00, lorsque nous franchissons l’entrée de Nouna, dans la province de la Kossi, Région de la Boucle du Mouhoun, à bord d’un car d’une compagnie de transport en commun. Nous trouvons rapidement un lieu d’hébergement, non loin de la gare.

La dure épreuve sera de trouver de quoi renforcer nos capacités, comme on le dit de coutume au « Pays des Hommes intègres ». Il est 22h passées de 30 minutes. Il nous faut quelque chose à mettre sous la dent après ce voyage long d’environ 6 heures marqué par plusieurs escales liées au contrôle de pièces d’identité. En plus, le car a dû prendre, en cours de chemin, d’autres passagers.

Nous arrivons dans un maquis non loin de là où nous sommes logés. C’est le début du week-end. La musique est jouée à fond. Une dizaine de personnes sirotent leurs verres. Nous nous informons s’il y a de quoi à manger. L’on nous fait savoir que la restauratrice a fermé. Elle est rentrée chez elle !

Nous ne savons plus où aller. C’est notre tout premier jour dans cette ville. Alain, le gérant de l’auberge où nous allons passer la nuit se propose volontiers avec sa moto de nous accompagner à chercher un lieu pour se restaurer. La ruelle que nous empruntons est remplie de flaques d’eau. En effet, une grosse pluie s’est battue sur la ville la veille, nous relate notre compagnon.

Nous prenons la direction pour le deuxième restaurant après celui du maquis. Ce restaurant est également fermé. Le six-mètres est quasiment désert. On ne voit personne par ici. Nous apercevons néanmoins un jeune garçon d’à peine 15 à 16 ans. Il nous indique un prochain resto dont les responsables viennent de faire le point de leur recette du jour et s’apprêtent à rentrer. Ils n’ont d’ailleurs plus rien à vendre…

Il faut prévoir son repas, si vous devez arriver à Nouna après 22h

Nous faisons presque le tour d’au moins cinq restaurants. Tous sont fermés. Il se peut que les gens craignent que l’heure du couvre-feu ne les trouve hors de leurs domiciles. Notre compagnon d’infortune entreprend finalement de nous conduire au restaurant de l’hôtel de ville de Nouna.

Là aussi, que dalle ! C’est fermé. Il est 22 heures 45. Nous empruntons la grand-route de Nouna. Elle est presque vide et déserte. Les échoppes et stations d’essence qui la longent sont toutes fermées. Un peu plus devant, nous trouvons un lieu où sont assis quelques jeunes autour de leurs tasses de thé au citron.

Hôtel de ville de Nouna, il est 22h passées…

C’est un coin de fortune ressemblant à un kiosque à café. Là, une jeune fille âgée de la vingtaine, Sadia Konaté (nom d’emprunt), y vend du sandwich. Ouf de soulagement ! À l’impossible, nul n’est tenu !

Après avoir visité plus de cinq restaurants sans trouver de quoi manger, on n’a plus le choix que de bondir sur ce sandwich, notre dernière opportunité pour ne pas dormir l’estomac vide. Nous décidons d’échanger avec cette jeune écolière (Sadia) en grignotant. Elle confie que c’est grâce à ce petit commerce qu’elle paie sa scolarité.

Le couvre-feu impacte les petits commerces

Mais l’instauration du couvre-feu a un impact sur son commerce. Le marché ne donne plus comme avant, marmonne-t-elle. « Il n’y a pas trop de clients. Le marché est lent depuis qu’il y a l’insécurité dans la zone. Du coup, nous ne préparons plus beaucoup parce qu’à chaque fois, ça restait. On fait du chawarma, du pain anglais, du sandwich et des hamburgers que l’on fait sur commande », dit-elle.

Pour elle, le couvre-feu ne l’arrange pas. Surtout pour son commerce où certains clients avaient l’habitude de se ressourcer un peu tard dans la nuit. « C’est vers minuit que certains de nos clients venaient se ressourcer. Mais comme il y a l’insécurité, surtout avec le couvre-feu, ça nous amène à rentrer si tôt que prévu », poursuit-elle. Aussi, souhaite-elle que le détachement de la gendarmerie qui intervient dans leur zone soit renforcé en moyens humain et matériel.

« En tout cas, nous désirons qu’il y ait un renfort au niveau de la sécurité« , lance-t-elle. Sadia prépare son Baccalauréat. Elle est élève en classe de première A4. Ce n’est que le soir qu’elle vient vendre. Elle est prise par son école, mais se débrouille tant bien que mal. « Ce n’est pas vraiment difficile pour moi. Je suis là dans la soirée. Dans la journée, je suis à école. J’arrive à me débrouiller en tout cas. C’est à base de ça aussi que je paie mes études. Donc je n’ai pas le choix », confie-t-elle sans donner de détails sur sa vie familiale.

L’heure du couvre-feu arrive…

Toujours ici, chez Sadia, nous optons d’aborder un groupe de jeunes qui s’empressent de rentrer chez eux. Car l’heure du couvre-feu arrive. Il est presque 23h. Mais ils ne logent pas loin d’ici. Sadia, elle aussi, commence à ranger ses effets. Il faut partir à temps !

Un jeune commerçant, de teint noir avec des cheveux en locks, accepte de répondre à quelques questions. Pour Narcisse Ouattara (nom d’emprunt), la vie devient de plus en plus difficile à Nouna. « Dès que la nuit tombe, vous ne pouvez plus trouver quelque chose à manger. En plus, nous sommes des commerçants. Ça (ndlr, le couvre-feu) bloque beaucoup de choses. Sincèrement dit, ça nous fatigue », rétorque-t-il, avec un regard incertain.

Narcisse affirme avoir déjà été fouetté une fois par les Forces de défense et de sécurité (FDS), alors qu’il tentait de regagner son domicile après minuit. « C’est à partir de 23h 30′ qu’on va bouger d’ici pour la maison. D’ici 23h45 sinon, si on bouge après cette heure-là, nous tomberons dans les mains des FDS », soutient-il.

Les stations d’essence, les restaurants et les petits commerces tous fermés

Bien que les pharmacies de garde et les formations sanitaires restent ouvertes, la situation n’est toujours pas facile, relève Alassane Cissé (Nom fictif), un jeune habitant. Selon lui, le couvre-feu est bon, mais là où il empiète sur la vie sociale, c’est quand vous avez un malade interné à l’hôpital.

« Si vous avez un malade, il y a des fois où les médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles ici à Nouna, il faut que vous partiez à la police pour chercher l’autorisation pour aller à Dédougou. Et ce n’est pas aussi facile », avance-t-il.

Car, dit-il, entre Nouna et Dédougou, le couvre-feu est en vigueur. « Vraiment ce n’est pas facile, vous-mêmes, vous voyez ici à Nouna, à partir de 22h00, vous ne pouvez plus gagner à manger. Les restaurants et tous les services ferment. Si vous avez une femme à la maison, c’est mieux. Mais nous autres, qui n’avons pas de femme, ce n’est pas du tout simple », ajoute-t-il.

Le panneau d’une pharmacie de garde est dressé non loin de là où nous sommes assis. Alain nous embarque sur sa grosse moto. Direction : la pharmacie.

Après un moment d’échange, l’une des femmes (Rabiatou, nom d’emprunt) qui travaille dans cette pharmacie, avoue qu’elle avait la peur au ventre lorsqu’elle nous a vus franchir la porte de la pharmacie. Elle confie que son cœur s’est calmé quand elle a remarqué la présence d’Alain, notre compagnon très connu dans la ville.

« Il y a des gens quand on les voit, on sait que lui-là il n’est pas bon »

« Quand je vous ai vus rentrer, j’ai eu tellement peur. Je me suis dit que ce sont quels étrangers encore qui viennent là. Car on ne sait pas qui est qui ici. Mais la présence du tonton (ndlr, Alain) m’a rassurée. Tant que le matin n’est pas encore arrivé, on n’est pas tranquille ici », confie-t-elle en ajoutant qu’il y a des gens lorsqu’ils arrivent, ils tempêtent contre eux et ils ne peuvent rien dire surtout quand ils ne les connaissent pas.

« Il y a des gens quand ils arrivent, ils nous crient dessus. Vous ne pouvez pas répondre, vous ne savez pas peut-être en rentrant à la maison, la personne peut vous suivre. On vit comme ça. Sous la peur. Tout le monde vient dans la pharmacie et vous ne pouvez pas refuser aux gens d’y accéder. C’est un malade, un cambrioleur, un quoi (…) ? En tout cas, il y a des gens, quand on les voit, on sait que lui-là, il n’est pas bon », souligne-t-elle.

La peur ! C’est ce que vivent ces auxiliaires de pharmacie ici à Nouna. Surtout quand ils sont de garde, comme l’affirme, un collègue de Rabiatou. « Ce n’est pas facile. Tout peut arriver à tout moment. On vit sous la peur. Nous sommes de garde jusqu’à 7h du matin », renseigne-t-il l’air hagard. Nous prenons congé d’eux. Minuit moins doit nous trouver au lit…

Alain, notre compagnon de la soirée, est gérant de l’auberge qui nous accueille. Il révèle que l’auberge a été construite pour accueillir les touristes, car Nouna recevait beaucoup de touristes en partance pour le Mali notamment.

Il explique que de passage à Nouna, ces touristes dormaient à la belle étoile. C’est de là qu’est venue l’idée de construire une auberge. A l’époque, dit-il, l’auberge recevait pas mal de touristes, mais depuis 2018, les choses ont changé.

« On pouvait avoir un groupe de 15, 20, souvent 30 (touristes). Quand ils arrivaient ici pour dormir, c’était un problème. C’est là, en collaboration avec la mairie, nous avons aménagé les lieux pour construire l’auberge afin que les gens ne dorment pas au dehors.

Les choses marchaient bien jusqu’à ce que cette situation d’insécurité arrive. Du coup, Nouna a pris un coup. On arrivait à vendre les choses de gauche à droite, mais depuis, plus rien ne va », marmonne-t-il, avec un regard traduisant la détresse.

Avant, raconte-t-il, les Occidentaux étaient nombreux dans la ville. « Mais tout ça, c’est fini, il y a longtemps. Depuis 2018, il n’y a plus de touristes. Tous les Blancs sont rentrés. Il ne reste qu’une seule personne. Lui, aussi ces derniers temps, je ne le vois plus : Le Frère Joseph Mickael (Nom d’emprunt). En tout cas, c’est le seul Blanc qui était resté », affirme-t-il.

Il révèle qu’avant la dégradation de la situation sécuritaire, plusieurs personnes à Nouna ont gagné leur vie auprès de ces touristes à travers la vente des objets d’art, etc.

Il est 23h passées de 30 minutes lorsque nous rejoignons notre chambre. La musique se jouait toujours à fond ici dans le maquis d’à côté. Mais d’ici qu’il ne soit 23h45, tout est débranché. C’est un silence de plomb.

Un calme total règne. Nouna se couche. Chacun est chez lui. On n’entend plus que les chiens qui aboient partout dans la Cité du Numadu…

Article mis à jour

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Et également 👉🏿 Burkina : La prison de Nouna a été attaquée par environ 150 terroristes (Lionel Bilgo)

Willy SAGBE 

Burkina24 

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