Ici Au Faso | Entrepreneuriat des jeunes : Ils forgent le fer comme de la pâte à modeler

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Habile, ingénieux et talentueux. S’il y avait des qualificatifs plus que ces mots, on les aurait utilisés pour Salomon Soussoukpo, ce jeune togolais vivant au pays des Hommes intègres. Évoluant dans la soudure et la ferronnerie d’art, Salomon ausculte tous les contours du fer qu’il manie avec aisance et une dextérité hors pair. Il fabrique presque n’importe quel objet à base du fer.  Si des ferronniers pour la plupart se limitent à des créations classiques (portails, portes, portiques, portions, fenêtres, etc.), Salomon fait l’exception par ses objets d’art qui retiennent l’attention. Déterminé à bosser pour son propre compte et à se frayer un chemin dans ce domaine, il vient de mettre en place son propre atelier qu’il a nommé « Atelier de Ferronnerie et d’Aménagement Général » (AFAMG-DECOR). Découvrons ce jeune et ses collaborateurs aux talents immenses dans les lignes suivantes…  

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Assis près d’un poste récepteur, Salomon Soussoukpo, Benjamin Kotiebou et Nestor Laté n’ont visiblement pas grand-chose à faire en cette matinée du 29 mars 2023. Entre-temps, un sujet s’invite dans leur discussion : le football, notamment le match de la 4e journée des éliminatoires de la CAN 2023 ayant opposé des Étalons du Burkina aux Éperviers du Togo. Le boss du coin Salomon Soussoukpo étant d’origine togolaise, quoi de plus normal.

Dès notre arrivée, ils changent vite de registre. Ils se remettent au travail. Ce sont de vrais bosseurs, à les voir à l’œuvre. Ils ont tous la vingtaine bien sonnée. Mais ils font des merveilles qui retiennent l’attention des passants. Certains habitants du quartier sont souvent étonnés des réalisations de ces jeunes. Leur slogan : « Il n’y a pas d’âge pour être meilleur dans son domaine, le talant est inné ».

Très talentueux en effet, le fer n’a plus de secret pour eux. Ils conçoivent presque tout avec le fer. Salomon Soussoukpo et ses collègues fabriquent des escaliers roulants, oui ! Mais aussi des charpentes, des balcons, des garde-corps et des grilles antivols. Ils font également des meubles personnalisés tels que des chaises, des lits, des décorations intérieures et extérieures, des tables de télés et  bien d’autres  objets d’art.

Une des créations de Salomon/photo @DR
Une des créations de Salomon/photo @DR

Soucieux de prendre leur indépendance financière et surtout se faire une renommée dans ce domaine, ils volent désormais de leurs propres ailes. Ils produisent des choses incroyables qui étonnent plus d’un.

Leur atelier est situé à Garghin, dans la commune rurale de Komsilga, à quelques encablures de Ouagadougou dans sa sortie Sud. Ces jeunes prouvent qu’avec un peu de volonté et de détermination, de grandes choses peuvent être réalisées malgré des moyens modestes.

Tradition togolaise 

Trapu et timide, Salomon Soussoukpo sexprime mieux à travers ses réalisations. Il a neuf ans d’exercice dans le domaine du fer. C’est en 2014 qu’il a fait ses premiers pas dans la ferronnerie aux côtés de ses compatriotes togolais installés à Ouagadougou.

Trouvant difficilement les mots, Salomon relate que dans la tradition togolaise, quand vous voulez apprendre un métier, il y a des choses que votre mentor vous demande, hormis les frais de formation. Cette étape semble obligatoire, soutient-il. Après avoir honoré ces conditions, conte-il, le mentor prononce des bénédictions sur le jeune apprenti qui rejoint ensuite le métier.

Salomon Soussoukpo/Photo ©Burkina24
Salomon Soussoukpo/Photo ©Burkina24

Et pour son cas, nous dit-il, son mentor lui a demandé de lui acheter deux bières plus la somme de 120 000 FCFA en guise de frais de formation. Il note qu’à la fin de la formation, pour prendre son attestation, l’apprenti débourse un montant de 80 000 FCFA, ce qui fait en tout, 200 000 FCFA pour les cinq années de formation.

« C’est obligatoire pour un Togolais qui veut apprendre un métier de se soumettre à tout ce que son patron va lui demander. Il y a des patrons qui demandent la liqueur, d’autres la bière comme mon cas. C’est symbolique. Après cela, on prie pour vous avant que vous ne commenciez la formation », éclaire-t-il.

Salomon confie qu’à l’issue de la formation, l’apprenti doit travailler pendant trois ou 6 mois pour son mentor en guise de remerciement. Il avance qu’une fois cette étape franchie, l’apprenti est libre de partir où il veut. Il explique que quand il était en formation, la première année, son patron lui donnait 500 F CFA à chaque fin de semaine.

À sa deuxième année jusqu’à finir, on lui donnait 1000 FCFA. Comme Salomon était décidé à ouvrir son propre atelier, il mettait quelque chose de côté chaque semaine, nous apprend-il. « C’est de l’argent que je recevais de mon patron que j’ai économisé pour m’acheter progressivement les outils qui m’ont permis d’ouvrir mon propre atelier dès la fin de mon cursus », précise-t-il. Ces petites économies lui ont permis aujourd’hui d’avoir son propre atelier.

Salomon sur une de ses œuvres/photo @DR
Salomon sur une de ses œuvres/photo ©DR

Le jeune togolais explique que quand ses parents et connaissances lui donnaient quelques sous, il prenait cela pour acheter du matériel dans l’optique de lancer son atelier.

« Tout ce qu’on a comme matériels, ça a été acheté quand j’étais en apprentissage. Je me privais des fois, parce que les 1000 francs qu’on me donnait c’était pour la restauration. Mais moi, je mangeais à la maison. Et même lorsque quelqu’un de la famille me donnait de l’argent, je déposais et j’achetais mes matériels petit à petit. Je tenais vraiment à ouvrir un atelier après ma formation », soutient-il.

Salomon se dit fier aujourd’hui d’avoir atteint son objectif. Mais le seul défi pour lui en ce moment, nous fait-il savoir, c’est de bosser dur pour prouver à sa clientèle que malgré son jeune âge, il maîtrise son travail afin de gagner davantage leur confiance.

Un modèle des portails que ces jeunes fabriquent
Un modèle des portails que ces jeunes fabriquent

« Les gens pensent que comme je suis jeune, je ne connais pas le travail. Et pourtant ce n’est pas le cas ! Nous sommes jeunes, certes, mais Dieu nous a donné des compétences et nous réalisons des œuvres que certains de nos devanciers dans le métier ne sont pas capables de faire.

Plusieurs fois, on m’a appelé pour des travaux et après que j’ai fait le devis, on confie le travail à d’autres soudeurs. Mais après les mêmes personnes me reviennent pour me dire que le soudeur a mal fait le travail si je peux venir apporter des corrections pour le perfectionner », confie-t-il.

Un prototype des lits conçus par Salomon
Un prototype des lits conçus par Salomon

Selon Salomon, la différence entre lui et d’autres soudeurs, c’est qu’ils ne se limitent pas à souder et à meuler uniquement. Quand ils finissent de souder et meuler, avance-t-il, ils font le masticage. « C’est vraiment un travail complet que nous faisons avant d’aller livrer nos œuvres.

Ce qui fait que nos œuvres se rouillent difficilement parce que nous prenons toutes les précautions. Mais dommage, les gens aiment ce qui est moins cher et c’est après quand leur travail n’est pas de qualité, qu’ils nous font recours », déclare-t-il.

Salomon Soussoukpo/Photo ©Burkina24
Salomon Soussoukpo/Photo ©Burkina24

Salomon rapporte qu’il a pour crédo dans son atelier, le travail bien fait pour la satisfaction de ses clients. Pour lui, bien qu’il travaille pour l’argent, ce crédo vient en premier lieu. Il vise d’abord la satisfaction de ses clients, soutient-il.

« Le client peut vous donner beaucoup d’argent après un travail, mais il n’y a pas plus grande joie pour nous que quand un client est satisfait de notre travail. Nous mettons plus de sérieux dans nos réalisations, car elles contribuent à nous procurer d’autres marchés. La plupart de nos clients disent avoir vu l’une de nos réalisations chez un parent ou un ami. C’est comme cela que nous gagnons plusieurs de nos marchés », argue-t-il.

Faisant à peine 1,55 m, la vingtaine bien sonnée, Benjamin Kotiébou fait ses premiers pas dans la ferronnerie auprès de Salomon. Il avoue avoir été séduit par les créations de ce dernier. C’est ce qui l’a donc poussé à le rejoindre dans l’atelier.

Benjamin Kotiebpu/ Photo © Burkina24
Benjamin Kotiebpu/ Photo © Burkina24

Benjamin est un Burkinabè, ancien étudiant de l’Université Norbert Zongo de Koudougou où il a étudié en sciences économiques et de gestion jusqu’en 2e année de licence. Après avoir arrêté ses études pour des raisons qu’il n’a pas voulu aborder avec nous, Benjamin évolue désormais dans la soudure.

« Salomon est l’ami que tout le monde aimerait avoir. Il est sans façon et très cool. Quand il m’a dit qu’il voulait ouvrir son propre atelier, je me suis vite aligné derrière lui. J’ai l’opportunité d’apprendre un métier. C’est quelqu’un qui connait son travail. Et dans la vie, il faut tout apprendre et ne rien négliger », appuie-t-il.

Une autre création de Salomon/photo ©DR
Une autre création de Salomon/photo ©DR

Benjamin Kotiébou signale qu’il est aussi passé par la coiffure même s’il reconnait qu’il ne s’était pas vraiment appliqué dans ce métier. « Salomon, sa passion c’est la créativité. C’est ce qui nous démarque des autres ateliers. 

Il aime faire des dessins. Il peut vous prendre le fer et vous faire des dessins qui vont vous étonner, vous ne pouvez pas croire que c’est du fer qu’il a utilisé. J’ai vraiment été marqué par son ingéniosité, raison pour laquelle, j’ai choisi de travailler avec lui pour qu’un jour je reproduise les mêmes créations qu’il fait », admet-il.

 Frustré mais déterminé 

Garghin est un quartier en construction. Presque partout, on y rencontre des chantiers. Des maisons poussent çà et là.  En face de l’atelier de Salomon, il y a au moins deux chantiers.

Mais ce que Benjamin Kotiébou ne digère pas, c’est le fait que dans un pays où on demande aux jeunes d’entreprendre mais quand ces derniers se lancent, on trouve qu’ils n’ont pas assez d’expérience. D’après lui, les choses ont évolué aujourd’hui, il y a une jeunesse consciente qui sait ce qu’elle fait quel que soit le domaine dans lequel elle est engagée.

Salomon crée n'importe quel objet à base du fer /Photo ©DR
Salomon crée n’importe quel objet à base du fer /Photo ©DR

« Les gens croient que comme nous sommes jeunes, il n’y a pas trop de sérieux. Certains viennent même nous demander si les créations que nous exposons devant notre atelier sont nos propres œuvres… Cela montre à tel point on ne croit pas aux aptitudes et aux compétences de la jeunesse. 

 Pourtant l’habileté n’est pas une question d’âge ou de taille. Que les gens arrêtent de nous juger de loin  mais qu’ils viennent nous confier leurs travaux, et nous leur prouverons de quoi sommes-nous capables », soutient-il.

D’un air pondéré, Nestor Laté fait partie de ce trio composé de deux Togolais et d’un Burkinabè (Benjamin Kotiébou). Il a fait sa formation avec Salomon Soussoukpo. Ils n’étaient pas de la même promotion. Il est arrivé, une année après Salomon. C’est lors de leur formation que les deux frères togolais ont appris à mieux se connaître.

Plus qu’une famille 

Nestor révèle que Salomon lui avait parlé de son projet de mise en place d’un atelier alors qu’ils étaient encore en apprentissage. Environ quatre ans après, se rappelle-t-il, Salomon l’appelle et lui dit qu’il vient enfin de mettre sur pied son atelier. Travaillant déjà avec quelqu’un d’autre, il tourne le dos à ce dernier et rejoint son ami Salomon.

Nestor Laté, l'autre collaborateur de Salamon/Photo ©Burkina24
Nestor Laté, l’autre collaborateur de Salamon/Photo ©Burkina24

« Il était le meilleur de sa promotion et tout le monde aimait travailler avec lui. C’est pour cela après la formation, les patrons ont fait appel à lui où il a travaillé pendant deux ans avec eux. Un jour alors que je travaillais déjà dans un autre atelier, j’ai reçu son appel. Il me disait qu’il a ouvert son atelier, et qu’il souhaite que nous travaillions ensemble. Sans réfléchir, j’ai répondu favorablement parce que c’est quelqu’un que je connais et qui m’avait parlé de son projet depuis longtemps », complète-il.

Nestor admet que la collaboration est bonne entre eux. Il estime que c’est ça qui fait leur force. Il affirme qu’ils sont plus qu’une famille. « Nous sommes presque de la même génération et on se comprend mieux. Nous formons une bonne fratrie », dit-il.

Salomon et ses gars en plein travail
Salomon et ses gars en plein travail

À noter que ces jeunes n’ont pas une grille tarifaire bien définie, car les prix dépendent de la demande du client. Toutefois, ils disent que le plus bas prix pour une fenêtre ordinaire c’est 25 000 FCFA et 60 000 FCFA pour une simple porte…

Willy SAGBE 

Burkina24 

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Un commentaire

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