L’apport des cantines scolaires à l’amélioration des apprentissages dans les écoles primaires de la commune de Boudry, selon trois chercheurs

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Ceci est une étude de Amado KABORÉ, Chargé de recherche, Institut des Sciences des Sociétés (INSS), de Felix OUÉDRAOGO, Chargé de recherche, Institut des Sciences des Sociétés (INSS) et de Ezaï NANA, Ingénieur de recherche, Institut des Sciences des Sociétés (INSS), intitulé  « L’apport des cantines scolaires à l’amélioration des apprentissages dans les écoles primaires de la commune de Boudry (Région du Plateau central) ». 

Au Burkina Faso, au-delà de proposer une réponse à la question « comment (mieux) nourrir les élèves », les cantines scolaires sont au cœur d’un processus de développement qui touche autant le droit à l’alimentation et le développement agricole (approvisionnement, composition et fréquence des repas) que l’accès à l’éducation de qualité, à l’eau et à l’assainissement, à l’hygiène et la santé mais aussi à l’environnement (gestion des déchets, combustibles pour la cuisson).

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Malgré cette place combien importante, les cantines scolaires sont très souvent conçues comme des œuvres complémentaires dans la mise en place d’une école. Mais aujourd’hui encore, leurs modalités de fonctionnement et de gestion interrogent plus d’un, ce qui limite leurs effets sur les apprenants.

  1. Problématique

Au Burkina Faso, La majeure partie de la population Burkinabè vit sous le seuil de la pauvreté. Cela se répercute dans l’équilibre psychosocial des enfants en âge de scolarisation.  Conscient de cette réalité le Gouvernement burkinabè, sous l’impulsion du président du Faso Roch Marc Christian KABORE a lancé une initiative présidentielle à savoir « Assurer à chaque enfant en âge scolaire au moins un repas équilibré par jour ». En effet, certains élèves, pour diverses raisons n’ont pas la possibilité de recevoir une bonne ration alimentaire (pauvreté des parents, orphelins et enfants vulnérables) trouvent que le repas offert à l’école constitue un soutien qui leur permet de bien suivre les cours. Cette donne montre toute l’importance de comprendre les différentes dimensions de l’apport des cantines scolaire dans le processus de scolarisation et le maintien des enfants à l’école. C’est dans cette optique que cette recherche est menée. Elle vise à mettre en lumière les déterminants de la mise en œuvre des cantines.

La question de la cantine scolaire a toujours été l’apanage de l’État central. Elle est pilotée depuis lors jusqu’à nos jours par la Direction de l’Allocation de Moyens Spécifiques aux Structures Éducatives (DAMSSE) dont la mission est entre autres d’approvisionner les écoles primaires en denrées alimentaires.

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Depuis le retrait partiel en 1997, de l’un des partenaires historiques qu’est Catholique Relief Service (CRS) qui accompagnait la cantine scolaire, l’État Burkinabè a engagé une série de réformes allant dans le sens du transfert de la gestion des cantines aux collectivités locales. Des mesures qui viennent en application du décret n°2009-106 /PRES/PM/MATD/MEBA/MASSN/MEF/MFPRE portant transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux communes dans les domaines du préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’alphabétisation dans le cadre du processus de décentralisation du territoire engagé depuis 1995.

Par ailleurs, selon les résultats de l’enquête menée par l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD) sur les conditions de vie des ménages Sur cette base, l’incidence de l’extrême pauvreté est de 32% au Burkina Faso en 2018, soit une personne pauvre sur trois. L’incidence de la pauvreté modérée est de 63%, soit le double de celle de l’extrême pauvreté (INSD, 2018). Au regard de ce niveau de l’extrême pauvreté, le Burkina Faso devra déployer des efforts considérables pour atteindre l’objectif 1 des ODD d’ici à 2030.

Cette pauvreté des parents engendre un problème sérieux d’alimentation de bon nombre de ménages. Au-delà de l’aspect nutritionnel et attractif qu’exerce la cantine scolaire sur les enfants, elle joue un rôle capital dans l’éducation. Alors, celle-ci n’est plus considérée comme un service d’appoint facultatif, mais une institution obligatoire. La cantine scolaire selon Cheryl Vince-Whitman et al. (2001) est un déterminant important de la bonne fréquentation des classes.  De nombreuses études ont montré l’impact positif de la cantine sur l’augmentation des inscriptions à l’école et la fréquentation assidue des cours surtout en milieu rural. Pour les enfants issus des familles pauvres, l’assurance d’un repas à l’école reste une motivation justifiant leurs présences en classe. Dans cette situation scolaire, ceux-ci voient un double gain : fréquenter l’école et voir son repas de midi assuré. Généralement, dans ces familles, il n’y a que le repas du soir qui est assuré, surtout en saison sèche. Les parents tirent également une satisfaction du fait que le repas de la mi-journée est un acquis pour leurs enfants.  Ainsi, il est inutile de concevoir l’école en zone rurale comme un lieu de vie si les élèves ne s’alimentent pas à midi. L’objectif « une école, une cantine scolaire » déclinée par l’Etat burkinabè est donc toujours d’actualité.

L’impact et le rôle de la cantine scolaire c’est d’influencer positivement la bonne fréquentation des classes, de contribuer à l’amélioration des résultats scolaires et d’accroître le taux de scolarisation. Au-delà de la réflexion sur l’impact réel de la cantine scolaire dans les apprentissages scolaires, il nous parait opportun de nous pencher sur les difficultés rencontrées et les acquis engrangés dans la mise en œuvre des cantines scolaires au Burkina Faso.

2. Cadre méthodologique

Dans l’optique de recueillir des informations suffisantes et pertinentes qui puissent nous permettre de vérifier nos hypothèses, nous avons mené notre recherche sur la base de la méthode mixte d’enquête dans une démarche participative alliant l’approche qualitative et quantitative. Nous avons aussi fait des lectures documentaires ; ce qui nous a permis de compléter nos informations sur le sujet de recherche

Pour notre présente recherche, nous avons retenu la commune de Boudry, dans la province du Ganzourgou. Cette commune est située dans la région du Plateau central et à 100 km à l’Est de la ville de Ouagadougou. Les enquêtes se sont intéressées à l’ensemble du personnel des écoles et des élèves de CEB de la commune de Boudry. 

Nous avons retenu pour cette étude, un échantillon aléatoire de soixante (60) instituteurs adjoints, vingt (20) directeurs d’école et soixante (60) élèves pour administrer nos instruments de recherche. Également nous avons mené notre étude à travers des entretiens avec le chef de la circonscription d’éducation de Base de Boudry, le contrôleur provincial de la cantine, le coordinateur du projet CRS et le PDS de la commune de Boudry. Nous avons pris en compte la dimension genre dans le choix des personnes à questionner.

      Récapitulatif de l’échantillonnage

Enquêtés Population cible Échantillon Instrument utilisé
Élèves 19164 60 Questionnaire
Directeurs d’école et adjoints 566 80 Questionnaire
Présidents COGES 102 20 Questionnaire
Contrôleur provincial de la cantine 01 01 Guide d’entretien
Coordinateur du projet CRS 01 01 Guide d’entretien
CCEB 01 01 Guide d’entretien
Président de la délégation spéciale 01 01 Guide d’entretien
TOTAL 19 836 164  
  1. Quelques résultats

    • Les fonctions et le fonctionnement des cantines scolaires au Burkina Faso

Selon CANDY (2006), les cantines scolaires ont un impact éducatif certain sur les systèmes éducatifs en Afrique subsaharienne. Il souligne que les programmes d’alimentation scolaire améliorent l’accès et les capacités d’apprentissage des élèves à l’école, et décline les objectifs poursuivis par la mise en place de ces programmes à savoir accroître le taux d’accès à l’école et améliorer les capacités d’apprentissage des élèves tout en promouvant la scolarisation et l’assiduité de ceux-ci. Les objectifs intermédiaires sont de pallier les troubles causés par la faim comme la fatigue, le manque d’attention et de concentration, de compenser les coûts liés à la scolarisation de l’enfant et d’améliorer l’état nutritionnel de l’enfant.

Au-delà de remplir la fonction principale de distribution de repas dans un cadre scolaire, les cantines peuvent répondre à différentes problématiques telles que :

  • Le faible taux de scolarisation : manque d’intérêt des familles pour scolariser leurs enfants, plus particulièrement les filles, manque de motivation ou impossibilité pour les enfants d’aller à l’école (distance de l’école au domicile familial, contraintes horaires ou familiales, etc.).
  • L’insécurité alimentaire, malnutrition, pauvreté avec des répercussions sur les conditions d’apprentissage : faible assiduité, manque de concentration, abandon scolaire, baisse de niveau, etc.

La gestion des cantines scolaires se fait selon le guide de gestion des cantines scolaires à l’usage des communes. Ce guide est un document conçu par le ministère en charge de l’éducation au Burkina Faso dans le but de servir comme repère dans la gestion des cantines scolaires. Cet outil s’inscrit dans le principe de travailler en synergie avec tous les acteurs des collectivités territoriales. Le document revient sur l’historique de la cantine scolaire avant de présenter le rôle des acteurs clés dans la gestion de cette cantine. En outre le livret guide présente le mécanisme d’acquisition des vivres, les ressources locales disponibles en matière d’alimentation et le ratio alimentaire. La partie mobilisation des vivres par les communautés (cantine endogène) a été abordée avec des points saillants comme la planification, la mobilisation, les dons des vivres et la gestion des vivres. Au plan national, c’est le document de référence pour la gestion des cantines scolaires.

Par ailleurs les difficultés de mise en œuvre des cantines scolaires et de l’évaluation de son impact réel dans les zones à faibles revenus car pour lui, dans ces milieux, d’autres facteurs liés à l’environnement pédagogique interviennent. CANDY rejoint notre thème en proposant une stratégie de pilotage pour la pérennisation de la cantine scolaire, mais sa formule reste classique car elle ne détaille pas les différents intervenants au niveau local.

  • Politique de mise en œuvre de la cantine scolaire

Dans son mémoire de fin de cycle, section intendance scolaire et universitaire de l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), Monsieur OUEDRAOGO Moustapha (1990) s’est penché sur la philosophie de la cantine scolaire à travers le thème : ‘‘ La politique de la cantine scolaire au niveau du Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation de Masse au Burkina Faso’’. La question est de savoir comment la cantine scolaire peut apporter une aide efficace à la politique éducative. L’auteur a relevé dans sa recherche les avantages de la cantine scolaire que sont l’accroissement du taux de scolarisation, la bonne fréquentation et les bons rendements scolaires. Pour lui, la cantine est au centre du processus d’apprentissage. OUEDRAOGO inscrit son étude dans la recherche de l’amélioration des conditions de prise en charge de la cantine scolaire par le Ministère chargé de l’éducation, en mettant en exergue les conséquences de la suppression des cantines qui se traduisent par la baisse des effectifs des élèves, la faiblesse de l’assiduité et les difficultés d’acquisition et d’assimilation des savoirs enseignés.

Celui-ci, après avoir diagnostiqué certains problèmes relatifs à la question du fonctionnement des cantines scolaires, a formulé des propositions de solutions allant dans le sens de son amélioration. À cet effet, il suggère que la cantine scolaire tienne compte des particularités des régions dans la dotation des écoles en vivres, qu’au sein de l’école se mènent des activités de production pour contribuer à l’amélioration des repas servis à l’école. L’auteur a en outre lancé une invite aux acteurs et partenaires de l’éducation à travailler de sorte à se passer un jour de l’aide apportée par les ONG au financement de la cantine scolaire.

Bibliographie

AN (2007). La loi n°013-2007/AN du 30 Juillet 2007, portant Loi d’Orientation de l’Éducation,

CANDY, L. (2006). Les programmes d’alimentation scolaire : définition, impact et mise en œuvre

DABONE G., (2019). La fonctionnalité de la cantine scolaire en contexte du transfert de sa gestion aux collectivités territoriales dans la commune de Tenkodogo : état des lieux et perspectives, mémoire de fin de formation aux fonctions d’Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré, ENS/K.

Cheryl V.-W. et al. (2001). Santé et nutrition en milieu scolaire, Forum mondial sur l’éducation, Dakar.

KABRE, T. H. (2007). La cantine scolaire : sa contribution sur les conditions d’apprentissage en milieu scolaire ; cas de Kayao et de Tanghin-Dassouri ; mémoire de fin de formation à l’emploi des Inspecteurs de l’Enseignement du Premier Degré, ENS/K.

MENA, (2012). Programme de Développement Stratégique de l’Education de Base (PDSEB) période 2012-2021, version finale.

MENA, (2017). Guide de gestion des cantines scolaires à l’usage des communes du Burkina Faso;

MENA, (2017). Module de formation des contrôleurs sur la gestion des cantines scolaires.

OUDRAOGO M. (1990). La politique de la cantine scolaire au niveau du Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation du Burkina Faso ; mémoire de fin de formation à l’ENAM.

 PAM, (2003). Rapport mondial sur l’alimentation scolaire ; Rome : PAM,

Primature (2014). Décret n°2014-931/PRES/PM/MATD/MENA/MJFPE/MESS/MEF/MFPTSS du 10 Octobre 2014, portant modalité de transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux communes dans le domaine de l’Éducation, de la Formation professionnelle et de l’Alphabétisation.

SERGE, H. (1974). Les parents et l’école, comment collaborer ? ; Edition Centurion, Vienne.

YAMEOGO S. M. (2004). De la cantine assistée à la cantine endogène : vers l’auto prise en charge impliquant les acteurs internes de l’école, (cas de la Circonscription d’Éducation de Base de Tanghin-Dassouri) ; mémoire de fin de formation aux fonctions d’Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré, ENS/K.

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