« Il est essentiel de ne pas diaboliser l’école actuelle ni de rejeter en bloc ses produits, malgré ses imperfections » (Inoussa Malgoubri)

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Ceci est un écrit de Inoussa Malgoubri, professeur d’Anglais et doctorant en éducation à l’Université du Nebraska -Lincoln, aux Etats-Unis d’Amérique intitulé « Éducation au Burkina Faso : Défis et Perspectives ».

Dans le contexte actuel du Burkina Faso, les chercheurs en sciences sociales et en éducation sont confrontés à un ensemble complexe de défis. Pierre Bourdieu décrit cela comme un « objet d’étude vivant et dynamique » (Bourdieu, Chamboredon, & Passeron, 1968), soulignant la nécessité d’une approche nuancée pour comprendre et transformer l’éducation. Ngũgĩ wa Thiong’o parle de « décolonisation de l’esprit » (1986), un concept clé dans notre quête d’une éducation réformée et adaptée aux réalités culturelles burkinabè.

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Il est essentiel de ne pas diaboliser l’école actuelle ni de rejeter en bloc ses produits, malgré ses imperfections. Les problèmes ne se limitent pas au système éducatif ; ils incluent également des valeurs sociétales problématiques, comme la priorisation de l’argent sur l’honnêteté. Une réforme responsable de l’éducation doit donc combiner science et valeurs communautaires, visant un équilibre entre éducation et société.

L’école, tout en instruisant, ne peut à elle seule enseigner l’éthique dans une société où l’immoralité est parfois glorifiée. Il est de plus en plus évident que l’école ne peut pas à elle seule convaincre un adolescent que l’éducation, l’honnêteté, et les diplômes sont précieux, surtout dans un contexte où la société applaudit parfois des individus malhonnêtes en raison de leur position sociale, et déroule le tapis rouge à des criminels riches ou à des individus à la moralité douteuse.

Les idées de Paulo Freire sur la « pédagogie de l’opprimé » (1970) et celles de Frantz Fanon sur la construction d’une « identité nationale forte » (Fanon, 1961) offrent des perspectives cruciales pour notre réforme. Amartya Sen, dans « Development as Freedom » (1999), souligne l’importance de l’éducation pour l’émancipation individuelle et la participation citoyenne active. Elle doit également détecter et aiguiser les talents, éduquer au-delà de la simple transmission de savoirs.

Elle ne doit pas seulement former pour le présent mais donner des outils permettant à l’individu de s’acclimater dans toutes les situations et non un pleurnichards à la demande de faveurs non méritées. J’en avait déjà fait cas dans une tribune précédente sur l’éducation bancaire où les élèves sont considérés comme des « récipients » passifs à remplir de connaissances, réduisant les apprenant à de simples récepteurs de l’information, négligeant le développement de leur pensée critique et de leur capacité à interagir de manière significative avec le contenu enseigné.

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Les chercheurs et intellectuels doivent jouer un rôle actif, non seulement en critiquant le système actuel mais aussi en participant à l’innovation éducative. Comme l’écrit Joseph Ki-Zerbo dans « Eduquer ou Périr » (1990), l’éducation est le « logiciel central de l’ordinateur qui programme l’avenir des sociétés ». Les chercheurs doivent donc aider à définir les lignes directrices de ce logiciel, enraciné dans la culture nationale et tourné vers l’avenir. Pour ce faire je pense à ceci:

  1. La promotion d’une éducation bilingue dès le plus jeune âge, combinant le français avec la langue nationale locale dominant dans la localité. Dans les contextes où l’anglais l’introduction est déjà une réalité, une éducation trilingue devrait être envisagée. De plus, il est essentiel de raviver et d’inclure le bantaaré dans l’éducation formelle, car maîtriser l’écriture dans au moins une langue nationale est un atout culturel important et une honte quand on n’en sait rien.
  2. Un accent sur le développement de l’enseignement des sciences et des technologies, avec des curriculums adaptés au contexte national. Il est crucial de former davantage d’enseignants dans ces disciplines dès le niveau primaire, en les dotant des compétences nécessaires pour enseigner l’utilisation pratique des outils technologiques.
  3. L’utilisation des technologies numériques. L’adoption de méthodes d’enseignement actives et interactives, rendues plus abordables et accessibles, notamment avec l’avènement de l’intelligence artificielle, est une voie prometteuse pour l’éducation future.
  4. La valorisation des savoirs endogènes. Les savoir-faire locaux doivent être valorisés en les intégrant dans les programmes scolaires. Il est important d’avoir des activités scolaires qui impliquent et engagent les communautés autour des écoles, conformément à la vision de Ki-Zerbo selon laquelle l’école doit être l’affaire de la communauté et la communauté l’affaire de l’école.
  5. Enfin, il est essentiel de créer des ponts entre l’école, la recherche et le monde professionnel. Chaque école, CEB, ou direction provinciale devrait établir des partenariats avec des acteurs du monde technologique et professionnel. Ces collaborations permettraient d’intégrer des expériences pratiques et pertinentes dans les curriculums, orientant ainsi la formation vers les besoins réels de développement du pays.

En conclusion, même si l’école ne rend pas nécessairement plus intelligent, elle ne rend pas plus bête non plus. Elle joue un rôle crucial dans le développement des capacités individuelles et dans la compréhension du monde. Il est vital que l’éducation au Burkina Faso dépasse la simple acquisition de connaissances pour reconnaître et valoriser la diversité des intelligences et des aptitudes. En adoptant ces approches, l’éducation au Burkina Faso peut devenir un moteur d’émancipation et de progrès, libérant le potentiel de chaque citoyen dans la construction d’un avenir meilleur.

Inoussa Malgoubri,

Professeur des lycées et collèges

Doctorant en éducation

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