Etude : Les nombres en koromfe d’Arbinda

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Ceci est une étude réalisée par GUIRE Inoussa, INSS/CNRST Ouagadougou, intitulée « Les nombres en koromfe d’Arbinda ».

Résumé

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Cet article traite du système numéral en koromfe variante d’Arbinda. Il présente les résultats d’une production scientifique GUIRE (2023) publiée en anglais. L’analyse a pris en compte le niveau lexical, morphologique et syntaxique. Les résultats montrent que dans la variante koromfe d’Arbinda, les nombres 8 et 9 sont exprimés selon le principe mathématique de soustraction basée sur le nombre 10, contrairement à la variante koromfe de Mengao où ces nombres sont désignés par des noms spécifiques simples. Comparativement aux langues environnantes pour les mêmes nombres, le fulfulde, langue de type atlantique, adopte un principe d’addition sur la base de 5 tandis que le moore, langue de type gur, adopte des noms spécifiques. Au niveau syntaxique, les nombres ordinaux en koromfe d’Arbinda ont la particularité de varier en genre (humain/non humain) et en nombre avec les substantifs qu’ils déterminent. Ce phénomène qui doit être désormais pris en compte non seulement dans la considération typologique des langues Niger-Congo selon des systèmes nombres, mais aussi dans la didactique de l’enseignement des mathématiques en contexte bilingue en zone koromfephone.

Introduction

La numération peut être considérée comme étant l’ensemble des mots, expressions, règles et gestes permettant d’énoncer les éléments quantitatifs liés à l’organisation du commerce, des récoltes, à la datation et tout ce qui touche à la vie pratique et économique d’une communauté linguistique donnée. Décrire les systèmes de numération des langues africaines revient à traiter des différentes manières de concevoir, de nommer et de manipuler les nombres. L’étude des langues africaines permet de découvrir les logiques de raisonnement, les techniques et systèmes relatifs à la numération et au calcul et de montrer que, contrairement à ce que certains pensent, « les langues africaines sont capables d’abstraction et par conséquent d’exprimer les concepts mathématiques les plus élaborés » (Kane,2017, p.22).

Même si le sujet ne concerne pas uniquement le linguiste, c’est par la langue que sont exprimés les nombres et la vision du monde qui les accompagne. Le koromfe, une des 1436 langues du phylum Niger-Congo (Heine & Nurse , 2000), objet de notre étude, fait partie des langues partiellement décrites. Cette langue de type gur, dont la variante de l’Ouest a connu une description complète par Rennison (1997), semble présenter un système de numération légèrement différente de sa variante d’Arbinda lorsque l’on écoute ses locuteurs s’exprimer. Cette étude a pour objectif de décrire le système numéral du koromfe, variante d’Arbinda, en comparaison avec d’autres variantes ou langues environnantes.  Nous nous appuyons théoriquement sur Creissels (1991) qui traite de la description des langues négro-africaines. Pour lui, « dans la description d’une langue, les nombres sont envisagés d’un double point de vue : -du point de vue de la façon dont ils s’associent aux substantifs ; – du point de vue de la structure du système de numération qu’ils constituent » (Creissels, 1991, p. 153).

Pour le premier cas, il s’agit de se rappeler que les nombres peuvent se comporter comme terme déterminé d’un syntagme génitival ou comme déterminant d’un syntagme épithète. La particularité à ce peut résider au niveau du numéral « un » qui se manifeste aussi le sens adjectival de « unique » ou de « seul » tandis que « cent » et « mille » restent de véritables substantifs. Et pour le second cas, notamment la structure du système de numération, il s’agit de décrire la manière dont les nombres élémentaires permettent de former d’autres plus grands soit par addition, soit par multiplication. C’est donc un cadre d’analyse qui ouvre des pistes non seulement d’analyse, mais aussi de comparaisons avec d’autres systèmes de numération.

D’un point de vue comparatif, Pozdiniakov (2018) fait un état des lieux de la recherche sur les systèmes nombres des langues de la famille Niger-Congo. Il y montre comment les nombres sont construits de façon générale dans ce phylum, il traite du groupe gur (pages 304-305) en évoquant comme langues le bariba, le kulango, le lobi-dyan, le viemo, le senufo, le teen, le tiefo, le tusian et le wara-natioro-paleni. En dehors du viemo et du wara-natioro-paleni, toutes les autres langues utilisent la formule cinq plus trois pour exprimer le nombre 8. Le koromfe n’y est pas cité parce que la description existante, celle de la variante koromfe de Mengao montre que le nombre 8 a un nom non composé. Dans le même ordre d’idées, Kane (2017) traite des systèmes de numérations parlée en Afrique de l’Ouest et s’intéresse au mode de dénombrement et à l’imaginaire social. Pour lui, ces études descriptives peuvent permettre de découvrir certaines logiques qui guident les techniques et systèmes relatifs au calcul et à la numération. Ce qui pourrait être une « Contribution des scientifiques africains à l’explication des productions africaines, en matière de techniques du calcul et du raisonnement » (Kane, 2017, p. 22).

La démarche méthodologique que nous avons adoptée est décrite dans Guiré (2023).

Les nombres cardinaux et ordinaux se présentent en koromfe comme il suit dans les deux variantes :

Tableau 1: les nombre dans les deux variantes du koromfe

Nombre (nombres cardinaux) Nom du nombre en koromfe Correspondants ordinaux
Variante de Mengao Variante d’Arbinda Variante de Mengao Variante d’Arbinda
1 Ndoom, ga dɔ̃m Ndoom, ga dʋ̃m Pote, porʌ Pote, porʌ
2 ɩ hĩĩ ɩ hĩ ɩ hĩĩndəgʋ ɩ hĩĩndugu
3 I tãã I tã ɩ tããndəgʋ ɩ tããndʋgʋ
4 ɩ naa ɩ naa ɩ naandəgʋ ɩ naandʋgʋ
5 ɩ nɔm ɩ nʋ̃m ɩnɔməndəgʋ ɩnʋmaandʋgʋ
6 ɩ hʋrʋ ɩ hʋrʋ ɩ hʋrʋndəgʋ ɩ hʋraandʋgʋ
7 ɩ pɛ̃ɛ ɩ hɩppɛ ɩ pɛ̃ɛ̃ndəgʋ ɩ hɩppɛɛndʋgʋ
8 ɩ tɔɔ ɩ hĩigofi ɩ tɔɔndəgʋ ɩ hĩĩgofiindugu
9 ɩ fa Ga dʋm go fi ɩ faandəgʋ Gadʋm-go-fiindugu
10 Fi fi ɩ fiindəgʋ fiindugu
11 Fi la ga dɔm Fi la ga dʋm Filagadɔməndəgʋ Filagadʋməndʋgʋ
12 Fi la ɩ hĩĩ Fi la ɩ hĩ Filaɩhĩĩndəgʋ Filaɩhĩĩndugu
13 Fi la ɩ tãa Fi la ɩ tã Filaɩtããndəgʋ Filaɩtããndʋgʋ
14 Fi la ɩ naa Fi la ɩ na Filaɩnaandəgʋ Filaɩnaandʋgʋ
15 Fi la ɩ nɔm Fi la ɩ nʋm Filaɩnɔməndəgʋ Filaɩnʋmaandʋgʋ
16 Fi la ɩ hʋrʋ Fi la ɩ hʋrʋ Filaɩhʋrʋndəgʋ Filaɩhʋraandʋgʋ
17 Fi la ɩ pɛ̃ɛ Fi la ɩ hɩppɛ Filaɩpɛ̃ɛ̃ndəgʋ Filaɩhɩppɛɛndʋgʋ
18 Fi la ɩ tɔɔ Hĩgosofe Filaɩtɔɔndəgʋ ɩ hĩĩgosofeendugu
19 Fi la ɩ fa Ga dʋm go sofe Filaɩfaandəgʋ Gadʋmgosofeendugu
20 Sofe Sofe sofeendəgʋ sofeendugu
30 Fintãa Fintãa fĩntããndəgʋ fĩntããndʋgʋ
40 Finnaa Finnaa fĩnaandəgʋ fĩnaandʋgʋ
50 Fĩnnɔm Fĩnnʋm Fĩnɔməndəgʋ Fĩnʋməndʋgʋ
70 Fĩmpɛ̃ɛ Fĩnhɩppɛ Fĩmpɛ̃ɛndəgʋ Fĩnhɩpɛɛndʋgʋ
80 Fĩntɔɔ Sofe go zangʋfɔ Fĩntɔɔndəgʋ Sofegozangʋfɔɔndʋgʋ
90 Fĩfa Fi go zangʋfɔ Fĩfandəgʋ figozangʋfɔɔndʋgʋ
100 Kobga zangʋfɔ/bɛrʋ kobgaandəgʋ zangʋfɔɔndʋgʋ
101 Kobga la ga dɔm zangʋfɔ la ga dʋ̃m Kobga la gadɔ̃məndəgʋ zangʋfɔ la gadʋ̃məndʋgʋ
108 Kobga la ɩ tɔɔ zangʋfɔ la ɩ tɔɔ Kobga la ɩ tɔɔndəgʋ zangʋfɔ la ɩhĩĩgofiindugu
110 Kobga la fi zangʋfɔ la fi Kobga la fiindəgʋ zangʋfɔ la fiindugu
200 Kosma hĩi zangʋfɔw hĩi Kosmahĩĩndəgʋ zangʋfɔwhĩĩndugu
800 Kosma tɔɔ zangʋfɔw hĩi gofi Kosmatɔɔndəgʋ zangʋfɔw hĩigofiindugu
1000 Tusri Mʋsʋ Tusriindəgʋ Mʋsʋʋndʋgʋ
9000 Tusa fa Mʋsʋw dʋmgofi Tusa faandəgʋ Mʋsʋw dʋmgofiindugu
100 000 Tusa kobga Mʋsʋw zangʋfɔ Tusa kobgaandəgʋ Mʋsʋw zangʋfɔɔndʋgʋ

On distingue les nombres cardinaux simples et les nombres cardinaux complexes.

Les nombres cardinaux simples

En koromfe d’Arbinda, les nombres cardinaux exprimés en un seul terme non décomposable concernent les nombres de 1 à 7. On y trouve des monosyllabes et des dissyllabes. Les monosyllabes sont ceux de 1 à 5 et les nombres 6 et 7 sont exprimés en deux syllabes.

Tous les nombres cardinaux de 1 à 10, lorsqu’ils apparaissent dans un système de comptage, sont précédés d’une particule qui joue le rôle de déterminant. Cette particule n’est autre que le pronom personnel. Le numéral cardinal 1 est précédé soit de la nasale syllabique [n-] qui correspond, dans son existence autonome dans la langue, au pronom de la deuxième personne du singulier, soit de [ga] qui est le pronom de la 3e personne (délocutif) du singulier non humain et qui exprime le diminutif.

Exemple :

Ndoom            « 1 »

Ga dʋm           « 1 »

Les nombres de 2 à 7 sont précédés du pronom de la 3e personne du pluriel non humain [ɩ]. En rappel, dans la langue koromfe, il y a des pronoms personnels utilisés pour remplacer tout nom se rapportant à l’humain et des pronoms utilisés pour ce qui n’est pas humain. Les grammairiens parlent d’antécédent. Tous ces pronoms personnels ou ces déterminants sont de structure CV (ga) ou V.  On pourrait dire que cet emploi de pronoms comme déterminants est à l’image des substantifs qui sont toujours précédés de l’article [a] en koromfe. Il faut noter qu’on peut indifféremment dire ga dʋm ou bien ndoom, mais ndoom est plus utilisé. Fi « dix » n’est cependant pas précédé de déterminant.

Les nombres cardinaux complexes sont formés de plus d’un terme. Il s’agit initialement des nombres cardinaux huit (8) et neuf (9). Ils sont exprimés sur la base de dix (10) sous forme de soustraction dans cette variante du koromfe.

Exemple :

Nombre Nom du nombre Compréhension mathématique
8     ɩ     hĩĩ     go      fi

//det/ deux/ manque/ dix//

10-2
9     ga  dʋ̃m  go       fi

//det/ deux/ manque/ dix//

10-1

En plus de ces nombres, la dénomination complexe concerne les autres nombres intermédiaires. Leurs noms sont composés par coordination ou par juxtaposition à partir des précédents selon « un principe additif ou multiplicatif » (Mazaudon, 2002, p. 2). La coordination est réalisée par le principe d’additif. Ainsi de 11 à 17, la dizaine et l’unité sont reliés par un coordinatif :

La valeur mathématique du nombre s’obtient par l’addition de la valeur mathématique des nombres qui composent l’expression. Pour le principe multiplicatif, la valeur mathématique des nombres cardinaux juxtaposés s’obtient par leur multiplication.

Exemple :

   Fin  tãã                    « trente »

//dix/  trois     //

   Fin  hɩppɛ                 « soixante-dix »

//dix/  sept     //

   Zangʋfɔw    hʋrʋ                 « six cent »

//cent + pl.      /  sept     //

Il arrive que les deux principes, multiplicatif et additif, soient conjugués. Dans ce cas, le produit des termes juxtaposés est additionné au numéral simple.

   Fi    n hɩppɛ la  ɩ hʋrʋ  =   (dix x sept) + six                       « soixante-seize ( 76 )»

//dix  /    sept    / et /     six   //

Les nombres ordinaux.

Les nombres ordinaux du koromfe d’Arbinda s’obtiennent en ajoutant au numéral cardinal le suffixe -ndʋgʋ pour les animaux et les choses, et -ndɩyɔ pour les humains et -ndəga pour le diminutif. Dans le tableau n°1, seul le suffixe -ndʋgʋ a été utilisé.

Exemple :

  A    nɛfɛ           hĩĩndugu                  « la deuxième vache »

// det/ vache+sg. /  deuxième+sg.//

  A    bɔrɔ             hĩĩndəyo                « le deuxième homme »

// det./ homme+sg. / deuxième+sg.//

Ces suffixes -ndʋgʋ, et -ndəyɔ qui transforment les nombres cardinaux en nombres ordinaux peuvent varier en fonction du nombre du nom. Mais il n’existe pas de pluriel spécifique pour le suffixe -ndəga.

Les termes du lexique

Le koromfe d’Arbinda dispose finalement de onze lexèmes pour exprimer les nombres :

ndoom (1), ɩ hĩĩ (2), ɩ tãã (3),  ɩ naa (4), ɩ nʋm (5), ɩ hʋrʋ (6), ɩ hɩppɛ (7), fi (10), sofe (20), zangʋfɔ (100), mʋsʋ (1000), mɩllɩɔ̃ŋ (1 000 000). Mais les nombres zangʋfɔ « cent », mʋsʋ « mille » et mɩllɩɔ̃ŋ « million » sont des emprunts. Les deux premiers sont issus du songhay zarma tandis que le dernier provient du français.

Le terme [fin] « dizaine » est employé pour construire les nombres 30, 40, 50, 60 et 70. Pour la centaine, on utilise la lexie zangʋfɔ auquel ajoute le suffixe de classe nominal le pluriel [-w], ce qui donne zangʋfɔw « centaines ». Par le même procédé, on obtient mʋsʋw « milliers ». Ainsi donc pour le nombre 4 563 sera décomposé en (1 000 x 4) + (100 x 5) + (10 x 6) + 3 et désigné comme il suite en koromfe d’Arbinda :

mʋsʋw   naa   la  zangʋfɔw nʋm la  fin hʋrʋ      la ɩtãã

//milliers/ quatre/et / centaines /cinq   /et/ dizaines six/et/ trois//

C’est dire que les nombres zangʋfɔ « cent » et mʋsʋ « mille », millɩɔ̃ŋ « million » varient en nombre. Pour le lexème fi « dix » qui devient fin devant ses multiples, nous ne connaissons pas dans cette variante un suffixe nominal du pluriel qui est -n.  Quant-au numéral cardinal sofe « vingt », il est invariable, cependant, le nom qu’il détermine prend la marque du pluriel.

Nous dirons donc que sur le plan morphologique, les nombres cardinaux peuvent être formés soit : – par addition pour les nombres intermédiaires, avec des termes reliés par le relateur la, – par juxtaposition lorsqu’il s’agit de mentionner à la fois dans un nombre d’unités, des dizaines, des centaines, des milliers et/ou des millions composés eux-mêmes par les principes multiplicatif et additif. Aussi, certains nombres cardinaux admettent la variation en nombre et se comportent comme de véritables substantifs.

Différences et ressemblances avec la description de la variante de l’Ouest

Au niveau des nombres cardinaux, la première différence entre le koromfe d’Arbinda et la variante de Mengao décrite par John Rennison (1997) est morphophonologique. Ce qui est identique, c’est que dans un mot, les voyelles sont toutes soit lâches, soit tendues. Il arrive que certains mots composés, surtout s’ils sont des emprunts, ne respectent pas totalement cette règle. Pour la différence, dès le premier nombre (tableau 1), on passe de dɔ̃m à dʋ̃m. On note également que le schwa connait une fortification tout en respectant le timbre de l’ensemble des voyelles du mot dans les nombres ordinaux. C’est le cas par exemple de ɩ hĩĩndəgʋ  « deuxième » de la variante de Mengao qui devient ɩ hĩĩndʋgʋ « deuxième »  dans la variante d’Arbinda. Au niveau lexical, le nombre 7 est nommé ɩ pɛ̃ɛ̃ alors qu’à Arbinda il est nommé ɩ hɩppɛ.

La différence fondamentale réside dans l’expression des nombres 8 et 9 dans leur emploi aussi bien comme nombres cardinaux que comme nombres ordinaux. Là où le koromfe de Mengao dispose de noms simples, le koromfe d’Arbinda utilise la base dix (10) et procède pas soustraction pour avoir 8 et 9. Ceci est valable pour tous les nombres multiples de 8 et de 9.

Une autre différence non négligeable est la variation en humain/non humain et en diminutif de nombres ordinaux dans la variante d’Arbinda alors que cela ne semble pas admis dans la variante de Mengao. A propos, Rennison (1997) note ce qui suit :

 « La forme phonétique des chiffres ordinaux est normalement immuable, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être fléchis pour les catégories de nombre, d’humanité ou de diminutif. Ce fait est d’autant plus surprenant que la partie gʋ du suffixe -ndəgʋ provient si évidemment du singulier non humain gʋ trouvé comme pronom et comme suffixe de base de la classe des noms non humains. Il est également surprenant que ce suffixe viole l’harmonie ATR (par exemple sofeendəgʋ « vingtième », et non *sofeendəgu). Cela semble indiquer que -ndəgʋ pourrait être un mot indépendant ; cependant, sa structure syllabique rend cette analyse très improbable.» (Rennison, 1997, p. 304). Il est donc évident que ce phénomène semblait être exclu de la langue koromfe dans son ensemble.3.3.1. Comparaison avec quelques langues de la famille Niger-Congo. Avec les langues de la famille Niger-Congo, en plus de la proximité de la classification nominale, on peut noter une certaine ressemblance morphologique des systèmes de numération. Par exemple, on note une ressemblance entre le koromfe dans son ensemble et les autres dans la nomination des nombres 2 à 4. Le tableau dont quatre langues (efik, defaka, benue-congo et proto-kru) sont issues de (Pozdiniakov, 2018, p. 32), montre cette ressemblance du koromfe et des autres langues.

Langue koromfe Langue moore La langue efik Defaka (ijo) La langue Benue-Congo Langue proto-kru Fulfulde
2 ɩ-hĩĩ

3 í-tãã

4 í-naa

2 yiibu

3 tããbo

4 naase

2 í-bá

3 í-tá

4 í-náŋ

2 mààmà

3 táátó

4  nɛ́ì

 

 

4 i-ní

2 so(n)

3 taa(n)

4 na

2 ɗiɗi

3 tati

4 nay(i)

Ce tableau présente le koromfe, quelques langues de type gur et une langue de type Ouest-atlantique. Parmi ces langues, le moore (gur) et le fulfulde (Ouest-altantique) sont des langues géographiquement voisines du koromfe. Il y a une ressemblance entre le koromfe, la langue efik et la langue Benue-Congo dans l’utilisation d’une voyelle antéposée au numéral. Dans l’ensemble, il y a une homogénéité de la consonne initiale nombres cardinaux 3 et 4 pour l’apico-alveolaire sourd [t-] et la nasale [n-] que l’on retrouve souvent dans 5 non mentionné dans ce tableau.

 Pour les nombres de 6 à 9, les langues de la famille Niger-congo adoptent généralement le principe mathématique d’addition à partir de la base 5 ou de soustraction à base de 10 ou de nomination simple spécifique.

Langue Nombre de 6 à 9
6 7 8 9
Koromfe de Mengao (Ouest) spécifique  spécifique spécifique spécifique
Koromfe d’Arbinda (Est) spécifique spécifique 10-2 10-1
Moore spécifique spécifique spécifique spécifique
Fulfulde type (Ouest-atlantique) 5+1 5+2 5+3 5+4
tiefo 5+2 5+3 5+4
Lobi dyan 5+1 5+2 5+3 10-1
viemo 5+1 4*2 5+3 10-1

Dans les langues de type gur, on en trouve qui expriment le numéral « un » avec une consonne initiale [d-] comme en koromfe, en tiefo, en viemo et en lobi-dyan. Mais il est rare de voir une langue dont la racine des nombres « six » et « sept » commence par [h-] comme nous venons de le voir en koromfe d’Arbinda. Ceci parce que même les récentes recherches (Pozdiniakov, 2018) n’ont pris en compte que la variante koromfe de l’Ouest qui classe le koromfe parmi celles dont l’initiale du numéral « sept » est [p-] (Pozdiniakov, 2018, p. 207). Et comme la description des langues minoritaires continue, il est important qu’une mise à jour soit faite aussi bien pour ces consonnes initiales que pour l’expression mathématique des nombre 8 et 9.

Conclusion Le système numéral du koromfe d’Arbinda a été décrit aussi du point de vue de sa composition structurelle et morphologique que de la façon dont ces nombres s’associent au plan syntaxique. Il ressort qu’à l’intérieur de la langue, l’expression de la numération varie pour certains nombres inférieurs à 10. Les nombres 8 et 9 sont exprimés selon le principe de soustraction basé sur le nombre 10. Ce qui affecte l’expression aussi bien des cardinaux que des ordinaux dans leur ensemble lorsque ces nombres concernés sont impliqués dans la composition des nombres. Aussi, l’expression du nombre 7 n’est pas soumis à aucun principe mathématique, mais porte un nom spécifique dont la structuration syllabaire pourrait faire avec le nombre 6, remanier le classement de la langue koromfe à l’intérieur du type gur en termes de base lexématique de nombres. Au niveau syntaxique, l’ordre des syntagmes reste le même dans la langue koromfe, mais la variante d’Arbinda (Est) connait un accord en genre humain/non humain et en nombre pour les nombres ordinaux, ce qui n’est pas le cas pour celle de l’Ouest. Ce fait n’était jusque-là pas pris en compte comme éléments de description de cette langue.

Bibliographie

CREISSELS, D. (1991). Description des langues négro-africaines et théorie syntaxique. (ELLUG, Éd.) Grenoble.

GUEGAN, D. (1983). Enseignement et mathématiques en langues africaines ; expériences connues et problématique de l’enseignement du calcul. (A. d. Technique, Éd.) Paris.

GUIRE, I. (2023), The Numeral System in Koromfe language of Arbinda, Akofena, n° 1, volume 10, E-ISSN : 2708-0633, pp. 423-434, https://doaj.org/article/52994675a51b438caf9b069f26cbfa4e

HEINE, B., & NURSE, D. (2000). Les langues africaines. (E. Karthala, Éd.) Paris.

KANE, E. A. (2017). Les systèmes de numération parlée en Afrique de l’Ouest ; mode de dénombrement et imaginaire social. (L’Harmattan, Éd.) Dakar : Presses Universitaires de Dakar.

MAZAUDON, M. (2002). Les principes de construction du nombre. La Pluralité, Mémoires de la Société de Linguistique de Paris (Nouvelle Série, tome 12), pp. 91-119.

POZDINIAKOV, C. (2018). The numeral system of proto-Niger-Congo ; a step by step reconstruction (Niger-Congo comparative studies 2). (L. S. Press, Éd.) Berlin. Récupéré sur http://langsci-press.org/catalog/book/191

RENNISON, R. J. (1997). Koromfe descriptiv grammar ; (Routledge Ed.), London.

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