Etude : Analyse des facteurs favorables à l’augmentation des taux de maintien et de réussite scolaires des filles

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Ceci est une étude de OUEDRAOGO Félix, Sociologue de développement, Burkina Faso, intitulée « Analyse des facteurs favorables à l’augmentation des taux de maintien et de réussite scolaires des filles ».

Analyse des facteurs favorables à l’augmentation des taux de maintien et de réussite scolaires des filles à l’école : cas de l’expérimentation de l’approche TUSEME au Burkina Faso dans le cadre de la mise en œuvre du projet                          « Améliorer les connaissances sur les normes de genre et mieux comprendre les résistances au changement en vue de promouvoir l’égalité des sexes dans et par l’éducation » au Burkina Faso, en RDC, à Sao Tome et Principe et au Tchad. OUEDRAOGO Félix, Sociologue de développement, Burkina Faso

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RÉSUMÉ

En Afrique subsaharienne, la problématique de l’éducation des filles demeure une préoccupante importante dans le sens de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) notamment l’ODD 4. Cette question convoque plusieurs aspects tels que le maintien et la réussite scolaires. Pour le cas Burkina Faso, le maintien et la réussite des filles à l’école est l’une des préoccupations majeures des autorités éducatives. Malgré les efforts du gouvernement, les inégalités entre les sexes persistent  encore. Si la parité est atteinte au primaire, les inégalités demeurent encore dans l’enseignement secondaire en dépit de toutes les actions menées. Ainsi, la parité des taux brut de scolarisation (Filles/garçons) est de 1,02 au primaire contre 0,90 au secondaire en 2021-2022. Le taux d’achèvement est de 17,1 % chez les filles contre 21,1 % chez les garçons en 2021-2022. Egalement, les femmes sont aussi sous représentées dans le corps enseignant particulièrement au secondaire : la proportion des femmes enseignantes est de 49,0 % au primaire et 22 % au secondaire en 2021-2022 (DGESS/MENAPLN, 2022). La crise sécuritaire que connait le pays depuis 2014 a fortement ébranlé le système éducatif national. Les plus touchées sont les filles.

Cette préoccupation est également portée par le Forum des Educatrices Africaines (FAWE) et le Laboratoire de Recherche sur les Transformations Économiques et Sociales (LARTES-IFAN),  qui, depuis 2021, avec le soutien technique et financier du Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) et le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), ont initié et mettent en œuvre un programme au profit de quatre (04) pays à savoir le Burkina Faso, la République Démocratique du Congo, le Sao Tomé et Principe et le Tchad. L’une des principales approches utilisées dans la mise en œuvre du projet est le TUSEME qui est un modèle du FAWE visant l’autonomisation des jeunes et notamment les filles. L’un des objectifs stratégiques de la mise en œuvre de l’approche TUSEME est de créer un leadership transformationnel chez les filles et de renforcer leur confiance et leur estime de soi afin de leur permettre de se maintenir dans le système éducatif et d’achever leur cursus scolaire avec succès.

Une méthode mixte : qualitative et quantitative a permis de mobiliser les données empiriques pour la construction de cette réflexion. L’article analyse les questions de la problématique et les facteurs favorables à l’augmentation des taux de maintien et de réussite scolaires des filles à l’école : cas du projet TUSEME au Burkina Faso.

INTRODUCTION

Selon la Stratégie Nationale Genre (SNG) du Burkina Faso, « Le genre doit être analysé sous l’angle des inégalités et des disparités entre homme et femme en examinant les différentes catégories sociales dans le but d’une plus grande justice sociale et d’un développement équitable » (SNG, 2021). Le genre est donc un acquis, appris social. Il est relatif, changeant et dynamique. Il évolue dans le temps et dans l’espace. Il est social. Les relations sociales sont déterminées par des rapports de rôles qui sont des responsabilités, de tâches et des activités.
Au Burkina Faso, 53% des victimes de violences en milieu étaient des filles en 2022 (MENAPLN, 2023).
Les normes sociales sont des règles ou usages reconnues comme légitimes dans un groupe ou une société qui les mettent … et les entretiennent. Elles jouent un rôle déterminant dans la définition de l’accès des femmes et des hommes aux ressources et aux libertés, ce qui affecte leur voix, leur pouvoir et les sentiments d’appartenance à leur société, leur communauté, etc. Elle s’inscrit dans la mise en œuvre de l’approche TUSUME, « exprimons-nous sans gêne » en langue Swahili, un processus d’autonomisation des filles et des garçons, pour leur permettre de comprendre et de surmonter les problèmes qui freinent leur développement académique et social.

La démarche utilisée a consisté en une recherche documentaire et à la réalisation d’une enquête qualitative auprès des acteurs/trices clés de la promotion de l’éducation des filles, particulièrement de la mise en œuvre de l’approche TUSEME (clubs, chef-fe-s d’établissements scolaires, enseignant-e-s, parents d’élèves, ONG/associations, délégation spéciale, direction en charge de l’éducation des filles, etc.).

En termes de contribution à la promotion du maintien et de la réussite des filles, l’approche TUSEME a engrangé des résultats notables au Burkina Faso en général et dans les huit établissements scolaires bénéficiaires en particulier. Ainsi,  quatre ateliers de formation (de trois jours chacun) sur le TUSEME ont été tenus au profit de 119 acteurs scolaires des établissements scolaires bénéficiaires (dont 67 élèves, soit 49 filles et 18 garçons), huit clubs TUSEME ont été mis en place dans huit établissements scolaires de la région du Centre (Ouagadougou) et du Centre Sud (Manga et Guiba). Il s’agit du lycée Nelson Mandela, du Lycée Professionnel Régional du Centre (LPRC), du lycée Mixte de Gounghin, du lycée Marien N’Gouabi, du lycée Technique National El Hadj Aboubacar Sangoulé LAMIZANA (Ex-LTO), du lycée municipal Paspanga, du lycée provincial Naaba Baongo et du lycée départemental de GuibaChaque club TUSEME est encadré par une marraine (choisie parmi les enseignantes) et dispose d’un bureau et  d’un plan d’action pour la réalisation des activités identifiées par les élèves lors des sessions de formation sur des réalités de leurs contextes scolaires.  Ainsi, les clubs TUSEME, avec l’appui, matériel et financier du projet, ont réalisé plusieurs activités au sein des établissements bénéficiaires. Il s’agit, entre autres, de la conduite des audiences de plaidoyer auprès des autorités éducatives, des conférences publiques de sensibilisation, des sessions de formation sur la confection des serviettes GHM et des théâtres forum. L’implication effective de la communauté scolaire dans la mise en œuvre de l’approche TUSEME,  la bonne appropriation de celle-ci par les membres des clubs et la mise en place d’un mécanisme de suivi et d’évaluation des activités des club permettant une meilleure réorientation des actions sur le terrain  ont été décisifs dans la conduite des activités des clubs TUSEME.

  1. LA QUESTION DU MAINTIEN DES FILLES À L’ÉCOLE AU BURKINA FASO

Les normes sociales de genre désignent un ensemble de conventions et pratiques qui placent souvent les filles dans un second rang et leur attribuent un rôle qu’elles sont censées jouer dans la société. Fortement ancrées dans certaines communautés burkinabè, particulièrement en milieu rural, ces pratiques font que certains parents sont toujours réticents quant à la scolariser leurs filles ce, malgré les multiples efforts de sensibilisations en cours. En effet dans certaines localités, il existe des poches de résistances qui dénient le droit à la scolarisation des filles. Ces communautés ne trouvent aucun intérêt pour la scolarisation des filles. Pour elles, l’école n’est pas une priorité pour les filles qui sont plus destinées aux travaux domestiques qui leur serviront dans leur vie d’épouses. Dans la plupart de ces communautés la division du travail se fait selon le genre. Les travaux affectés à l’un ou l’autre sexe sont clairement délimités. Les filles se retrouvent généralement dans des tâches « invisibles » telles que la reproduction et la main-d’œuvre. Ainsi, ces communautés réservent une attitude passive, voire attentiste aux actions éducatives avec pour corollaire, la faible appropriation des retombés des projets et programmes exécutés par les partenaires au développement. Très souvent les communautés s’engagent peu dans les projets qui leur sont destinés ; ce qui entraîne des fois une faible capitalisation des acquis et affecte l’efficacité et la durabilité des programmes et innovations à la faveur de la scolarisation et au maintien des filles à l’école. Le poids des traditions (mariages précoces, mariages forcés) fait que dans certaines localités les filles sont données en mariage dès leur naissance ou bien abandonnent l’école pour se marier.

2.EXPOSÉ DE LA MÉTHODOLOGIE ADOPTÉE

L’étude se base sur la recherche documentaire et une enquête qualitative.

La recherche documentaire a consisté à l’exploitation des documents en lien avec la mise en place des clubs TUSUME et la scolarisation des filles. Elle s’appuie sur les analyses documentaires des informations relatives à l’étude sur les pratiques novatrices qui favorisent la persévérance scolaire et la transition des filles vers les établissements d’enseignement secondaire et supérieur en Afrique subsaharienne.

L’enquête qualitative a été réalisée auprès des acteurs clés de la promotion de l’éducation des filles et des clubs TUSUME. Des entretiens individuels ont été donc réalisés auprès des acteurs scolaires, des acteurs institutionnels, les communautés locales et les ONG/associations. Des discussions de groupe ont été conduites également avec les élèves (garçons et filles) membres des clubs TUSEME. En outre, la biographie (via des récits de vie) des marraines/parrains ou enseignant-e-s, des enfants scolarisés et déscolarisés a été retracé. Il faut noter que la collecte des données s’est déroulée du 1er novembre au 15 décembre 2023. Elle a été réalisée en fonction de la disponibilité des acteurs. Le tableau 1 ci-dessous donne les détails des cibles concernés par l’enquête qualitative.

Les entretiens ont été enregistrés et transcrits. La synthèse de ces transcriptions a été élaborée et leur contenu a fait l’objet d’analyse.

Tableau 1 : Acteurs interviewés selon les modes de collecte au Burkina Faso

Catégories de cibles Groupes de cibles Nombre Modes de collecte
Clubs TUSUME Elèves filles 4 FG
Elèves garçons 4 FG
Marraines/parrains (enseignants/enseignantes) si enseignants (4 femmes et 4 hommes) 8 Récit de vie
Filles scolarisées (1 fille à identifier lors du FG ou GD) 8 Récit de vie
Filles déscolarisées (expériences d’échec) Filles déscolarisées 8 Récit de vie
Acteurs scolaires Chefs.f.es d’établissements secondaires 8 EI
Acteurs institutionnels DPIEFG 1 EI
Direction provinciale de l’enseignement secondaire du Zoundweogo 1 EI
Acteurs locaux Association des parents d’élèves au secondaire 8 EI
Délégation spéciale (mairies) 2 EI
Chefs coutumiers Manga 1 EI
ONG/Associations FAWE 1 EI
Azly 1 EI

Notes : EI=Entretien individuel ; FG=Focus group

  1. PRÉCISIONS THÉORIQUES

En langue Swahili, le TUSEME signifie « exprimons-nous sans gêne ». Il a été initié par le Département des Beaux-Arts de l’Université de Dar Es Salam en Tanzanie. Il est un processus d’autonomisation des filles et des garçons, pour leur permettre de comprendre et de surmonter les problèmes qui freinent leur développement académique et social. C’est un cadre crée pour donner aux filles et aux garçons un cadre d’échanges sur les questions qui affectent leurs études ou leur développement social. Son objectif est d’autonomiser les jeunes (filles et garçons) afin qu’ils soient capables de (d’) : (i) identifier et analyser les problèmes qui freinent leur développement académique et social ; (ii) prendre la parole et s’exprimer sur ces problèmes ; et trouver les solutions et prendre les actions nécessaires pour résoudre ces problèmes (FAWE, 2023).

S’agissant du Club TUSEME, il est un lieu de conscientisation et de discussion entre filles et garçons autour de questions de genre en vue d’améliorer l’estime de soi et les compétences sociales. Pour rendre cela possible, il faut développer le théâtre, les chansons, les spectacles etc. où on apprend à négocier. Le rôle du club est de favoriser la participation communautaire, l’amélioration des apprentissages et la liberté d’expression des apprenants/tes. Sa mise en place requiert une consultation avec le chef de l’établissement qui sera le portevoix auprès des enseignants, du personnel non-enseignant, de l’APE, de tous les élèves, de la communauté, pour l’introduction de TUSEME dans son établissement. Le club TUSEME comprend : (i) président-e ; (ii) vice-président-e ; (iii) secrétaire ; (iv) Trésorier-ère ; (v) rapporteur-trice et (vi) marraine/parraine.

  1. ANALYSE DES PRINCIPAUX RÉSULTATS

4.1. Les principales activités des Clubs TUSEME

Au Burkina Faso, huit (08) clubs TUSEME ont été mis dans huit (08) établissements scolaires dans les régions du Centre et du Centre Sud. Dans la région du Centre, les établissements scolaires concernés sont : le Lycée Nelson Mandela, le Lycée National Technique Aboubacar Sangoulé Lamizana, le Lycée Professionnel Régional du Centre, le Lycée Mixte de Gounghin et le Lycée Marien N’Gouabi. Dans la région du Centre Sud, les établissements ayant bénéficié des clubs TUSEME sont le Lycée Provincial Naaba Baongo et le Lycée Départemental de Guiba. Les principales activités réalisées par les clubs TUSEME sont la tenue des audiences de plaidoyer auprès des autorités éducatives et des partenaires techniques et financiers, les conférences publiques de sensibilisation et les théâtres forum.  Les thématiques abordées sont ; entre autres, la lutte contre l’insécurité et la délinquance en milieu scolaire, la lutte contre les grossesses non désirées et les VBG en milieu scolaire, l’accès des filles aux kits GHM, la mise en place des toilettes adaptées GHM dans les établissements scolaires, la lutte contre le mariage d’enfants, etc.

4.2. De la promotion du leadership féminin dans les établissements scolaires bénéficiaires

Le rapport pays de l’étude du projet « Améliorer les connaissances sur les normes de genre et mieux comprendre les résistances au changement en vue de promouvoir l’égalité des sexes dans et par l’éducation », janvier 2024 souligne que le manque de confiance des filles en elles constituent un des obstacles à leur réussite scolaire et leur participation dans les filières scientifiques. Cela met en évidence la nécessité de renforcer le leadership et les performances scolaires des filles dans les matières scientifiques. Le TUSEME est un modèle d’habilitation qui permet aux filles et aux garçons de comprendre les problèmes qu’ils rencontrent, d’en parler et d’agir pour trouver des solutions.

 A travers les sessions de formation et les clubs TUSEME, les filles ont pu échanger sur les difficultés qui affectent leurs études ou leur développement social, identifier et mener elles-mêmes des actions en vue de les surmonter. Ainsi, elles ont organisé et animer des audiences de plaidoyer, des conférences publiques de sensibilisation, des théâtres forum et des sessions de formation au sein de leurs établissements.

4.3. De la promotion de la masculinité positive dans les établissements bénéficiaires

La masculinité positive est une approche orientée vers les hommes pour obtenir d’eux un engagement à lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles. Au plan international, c’est donc une perspective par laquelle l’engagement des hommes et des garçons a été utilisé pour soutenir le mouvement le plus large pour l’égalité entre les hommes et les femmes et l’autonomisation des femmes[1].

Cet engagement des hommes peut entrainer des « coûts de la masculinité » pour Jobert (2020 : 5) citant la sociologue Caroline New qui selon « laquelle la domination des hommes sur les femmes, porteuse de bénéfices et de privilèges pour les hommes, induit également des contraintes pour les hommes, ressenties ou réelles, du fait de leur conformation à un comportement identifié comme masculin ». Selon Jacquemart toujours (2020 : 3), « les hommes ne tirent aucun bénéfice à s’engager dans une mobilisation féministe, et ont même à perdre puisqu’il s’agit de remettre en question leur position privilégiée au sein du système patriarcal ».

Toutefois, le besoin de déconstruire et d’éradiquer des aspects négatifs de la masculinité en intégrant les hommes et les garçons dans des programmes de lutte contre les violences faites aux femmes est une réalité dans plusieurs programmes de nos jours (Jobert, 2020).

Au Burkina Faso, le ministère en charge de l’Éducation Nationale a élaboré et adopté un guide pour la promotion de la masculinité positive en milieu scolaire avec l’appui technique de l’UNFPA. Le guide définit les orientations nationales pour un engagement des garçons et des hommes pour des actions de prévention et de gestion de la sexualité précoce, des cas de grossesses en milieu scolaire, de l’Interruption Volontaire de Grossesses (IVG), des IST-VIH/Sida, de l’hygiène menstruelle, du mariage d’enfants, de la violence de genre en milieu scolaire et de la promotion de l’éducation des filles.

A travers l’expérimentation du TUSEME, des signes de changement ont été enregistrés dans les établissements scolaires bénéficiaires. Il notamment s’agit :

– De l’implication effective des garçons dans l’organisation et l’animation des activités de sensibilisation des clubs TUSEME sur des thématiques telles que l’éducation des filles, la lutte contre les grossesses non désirées et les Violences Basées sur le Genre (VBG) en milieu scolaire ;

– La participation des garçons aux sessions de formation sur la confection des kits pour la Gestion de l’Hygiène Menstruelle (GHM) organisées par les clubs TUSEME en collaboration avec la Direction de la Promotion de l’Education Inclusive, de l’Education des Filles et du Genre (DPEIEFG).

4.4. De la prise en compte des facteurs liés à l’environnement familial

Les activités des Clubs TUSEME n’ont pas épargné les questions liées à l’environnement familial. En effet, au Burkina Faso, la pauvreté des parents et la cherté des dépenses liées à la scolarité des enfants expliquent dans une certaine mesure la non-scolarisation et/ou la déscolarisation des filles. Car, « les filles constituent des aides familiales précieuses et que la pauvreté des parents (surtout en milieu rural) les amène à inscrire de préférence les garçons qui perpétuent la famille » (Kaboré, 2015). En outre, la pauvreté pousse les jeunes filles à aller dans les centres urbains pour travailler dans des ménages comme domestiques ; ce qui contribue à compromettre leur chance de scolarisation (Baux & Pilon, 2002 ; Boly, 2017 ; Kaboré et al., 2003 ; Wayack et Pilon, 2011). Le manque de moyens est cité par les parents (30,2% des hommes et 16,2% des femmes) parmi les principales barrières à l’accès et au maintien des filles à l’école (rapport pays de l’étude du projet « Améliorer les connaissances sur les normes de genre et mieux comprendre les résistances au changement en vue de promouvoir l’égalité des sexes dans et par l’éducation », janvier 2024).

Ainsi, la pauvreté reste un obstacle majeur à l’accès des enfants à l’éducation, en particulier les filles. Bien que l’éducation de base soit gratuite, un grand nombre d’enfants ne sont pas scolarisés en raison de l’incapacité des parents à acheter des uniformes scolaires, du matériel d’apprentissage et des frais de scolarité exigés indirectement par les écoles (Kazianga, 2012). La crise sécuritaire avec son lot important de déplacement interne de populations a mis en évidence la contribution des enfants, particulièrement des filles à la survie des ménages déplacés, totalement démunis. Les jeunes filles, contraintes à réaliser des activités économiques pour subvenir aux besoins de leur famille très vulnérable (Boly, 2023), sont ainsi déscolarisées pour contribuer à prendre en charge leur ménage et soutenir leurs parents. Dans certains cas, la situation de vulnérabilité et d’extrême pauvreté conduit certaines filles à la prostitution[2].

Les pesanteurs socioculturelles sont toujours vivaces, notamment en milieu rural. Certaines traditions suggèrent que les filles doivent être au foyer. En conséquence, elles doivent être très tôt initiées à leur rôle de ménagère. Au Burkina, la persistance de telles considérations explique encore la priorité donnée aux garçons qui sont héritiers au détriment des filles amenées à quitter la cour familiale. Il faut aussi mentionner que dans les familles traditionnelles, les filles constituent une source de maintiens des alliances. Elles sont promises en mariage dès leur tendre enfance voire dès la naissance. Ces alliances sont le corollaire de mariages précoces ou forcés. Dans ces cas de figure aussi scolariser la fille reviendrait à compromettre la position familiale. Une étude réalisée par Save The Children (2020) souligne que l’insécurité contribue à aggraver ce mariage d’enfants. En effet, dans les zones sous contrôle des groupes armés terroristes, les parents préfèrent donner leur fille en mariage très tôt pour leur permettre d’échapper aux enlèvements de terroristes.

A travers les activités de formation et de sensibilisation au profit des acteurs concernés, il ressort des données collectées de la recherche action du TUSEME qu’il y a des signes de changement notamment chez les bénéficiaires de cette approche. Les parents d’élèves et les enseignants notent avec satisfaction qu’il est important d’œuvrer auprès des autres parents d’élèves et de la population pour le maintien et la réussite des filles à l’école.

Ainsi, à la question de savoir si vous pensez que les activités ont été utiles pour, le graphique si après donne une idée des effets de l’intervention. En effet, toutes les personnes interrogées ont affirmé que les activités entrant dans le cadre de la mise en œuvre des activités de TUSEME ont apporté des éléments facteurs de changement.

4.4 Amélioration des facteurs liés au système scolaire

L’environnement scolaire burkinabè est marqué par de nombreux stéréotypes sexistes, constituant également des entraves à la scolarisation des filles (Kaboré, 2015). De manière consciente ou inconsciente, les enseignants véhiculent et/ou reproduisent des préjugés sur le genre. Dans leurs relations avec les élèves, ils n’adoptent pas la même attitude vis-à-vis des garçons et des filles. Cette façon de procéder décourage les filles ou réduit leurs performances dans les écoles burkinabè. A cela, s’ajoute les contenus de certains manuels pédagogiques (confère le livre de lecture classe de CP1 : Gogo va au marigot ; Ramata prépare du riz ; Nani est nue…) qui donnent des images qui ne valorisent pas toujours les positions occupées par les femmes et les filles, ou qui prônent une supériorité de l’homme. D’ailleurs comme le rappelle Kaboré (2015) et à juste titre, généralement dans les contes issus des livres de lecture ou d’histoire, les héros sont des hommes.

Suite à l’intervention des activités de TUSEME, les acteurs notent des signes de changement importants notamment au niveau des acteurs scolaires. Il s’agit d’une amélioration des pratiques d’enseignement (pédagogie) qui sont débarrassées de plus en plus de stéréotypes sexistes et qui promeuvent beaucoup plus le genre.

Le graphique ci-après donne une vue des perceptions des enquêtés sur la question de l’amélioration des pratiques d’enseignement des enseignants.es ayant bénéficié des activités de TUSEME.

La lecture de ce graphique indique que 80% des personnes enquêtées affirment un changement positif au niveau des enseignants.es vis-à-vis de la promotion des filles contribuant ainsi à leur maintien et réussite scolaire. De l’avis d’une élève de Lycée de Guiba : « Les enseignants font beaucoup plus d’attention à nous et expliquent mieux les cours de sorte à ce que  tout le monde comprenne. Les filles sont impliquées dans les activités pédagogiques plus qu’avant ».

CONCLUSION

Les normes sociales de genre désignent un ensemble de conventions et pratiques qui placent souvent les filles dans un second rang et leur attribuent un rôle qu’elles sont censées jouer dans la société. Fortement ancrées dans certaines communautés burkinabè, particulièrement en milieu rural, ces pratiques font que certains parents sont toujours réticents quant à la scolariser leurs filles ce, malgré les multiples efforts de sensibilisations. En effet dans certaines localités, il existe des poches de résistances qui dénient le droit à la scolarisation des filles. Ces communautés ne trouvent aucun intérêt pour la scolarisation des filles. Pour elles, l’école n’est pas une priorité pour les filles qui sont plus destinées aux travaux domestiques qui leur serviront dans leur vie d’épouses. Dans la plupart de ces communautés la division du travail se fait selon le genre. Les travaux affectés à l’un ou l’autre sexe sont clairement délimités. Les filles se retrouvent généralement dans des tâches « invisibles » telles que la reproduction et la main-d’œuvre. Ainsi, ces communautés réservent une attitude passive, voire attentiste aux actions éducatives avec pour corollaire, la faible appropriation des retombés des projets et programmes exécutés par les partenaires au développement. Très souvent les communautés s’engagent peu dans les projets qui leur sont destinés ; ce qui entraîne des fois une faible capitalisation des acquis et affecte l’efficacité et la durabilité des programmes et innovations à la faveur de la scolarisation et au maintien des filles à l’école. Le poids des traditions (mariages précoces, mariages forcés) fait que dans certaines localités les filles sont données en mariage dès leur naissance ou bien abandonnent l’école pour se marier.

Toutefois, à l’image du modèle TUSEME, des approches innovantes et adaptées de pourront permettre à termes une déconstruction de ces normes de genres pour un changement des mentalités en faveur de l’égalité des sexes. Le milieu scolaire constitue  l’un des principaux

Bibliographie

Rapport pays du projet « Améliorer les connaissances sur les normes de genre et mieux comprendre les résistances au changement en vue de promouvoir l’égalité des sexes dans et par l’éducation », janvier 2024.

Bambara A. and Wayack-Pambè M. (2019). “Pauvreté, scolarisation des enfants et sexe du chef de ménage au Burkina Faso : une analyse à partir de deux indicateurs de niveau de vie ”, Genre Éducation Formation [Online], 3 | 2019.

Baux, S., & Pilon, M. (2002). Confiage et scolarisation : Une relation ambivalente.

Boly D. (2023). Rapport national de l’étude sur les « obstacles à l’accès et à la continuité de l’éducation pour les enfants en situation de déplacement forcé dans la région du sahel central »- Burkina Faso, 54p.

Boly, Dramane (2017). Inégalités scolaires au primaire à Ouagadougou dans les années 2000, thèse de doctorat en démographie. Université Sorbonne Paris Cité.

Boly, Dramane, Bintou Rassouloulah AW, Pathé Diakhate, Meme Diarra Bousso Ndiaye, Binta Diedhiou, Koly Fall, Rokhaya Cissé et Abdou Salam Fall (2023). Améliorer les connaissances sur les normes de genre et mieux comprendre les résistances au changement en vue de promouvoir l’égalité des sexes dans et par l’éducation, rapport provisoire de recherche, 80 pages.

Educo (2017). Analyse Situationnelle des Droits de l´Enfant à la Protection dans la province du Yatenga au Burkina Faso, rapport d’étude, 87 p.

Gnoumou-Thiombiano B. et  Kaboré I. (2017). Inégalités dans l’éducation au post-primaire au Burkina Faso, Autrepart 2017/3 (N° 83), pages 25 à 49.

IBCR (2023). Etat des lieux le système de protection de l’enfant du Burkina Faso et les violences sexuelles et sexistes commises à l’égard des enfants : une analyse systémique basée sur les droits de l’enfant, Rapport d’étude, 71 p.

Jobert, Zélie (2020). Engager les hommes dans la lutte contre les violences basées sur le genre : Stratégies discursives des ONG de l’espace social du genre au Rwanda. 12p.

Kaboré I., Lairez T. et Pilon M. (2003). « Genre et scolarisation au Burkina Faso : enseignements d’une approche statistique », Éducation, famille et dynamiques démographiques, sous la direction de M. Cosio, R. Marcoux, M. Pilon et A. Quesnel, Paris, CICRED, pp.221-246.

Kaboré S. L. (2015). Les obstacles à la scolarisation des filles au Burkina Faso. Travaux de valorisation de la recherche

Kazianga H. (2012). Income Risk and Household Schooling Decisions in Burkina Faso. World Development, 2012, vol. 40, issue 8, 1647-1662.

Kobiané J-F. (2006), Ménages et scolarisation au Burkina Faso. À la recherche des déterminants de la demande scolaire, Louvain la Neuve, Academia Bruylant, 316 p.

Moumouni, A., (1998), L’éducation en Afrique, Paris, Présence Africaine, 327 p.

Ouattara, M. de B. (2015). Les obstacles de la scolarisation des filles. 11p.

Pilon M.  et Wayack Pambè M. (2003). La démocratisation de l’enseignement au Burkina Faso : que peut-on en dire aujourd’hui ? In Cahiers d’études africaines 2003/1-2 (n° 169-170), pages 63 à 86.

Save the Children (2020). Faire de l’éducation en situation d’urgence une priorité au Burkina Faso. 10p.

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UNICEF (2015). Evaluation externe de l’approche Ecole de Qualité Amie des Enfants (EQAmE) dans les provinces du Ganzourgou et du Namentenga, rapport d’évaluation, 158 pages.

Wakam J. (2003). « Structure démographique des ménages et scolarisation des enfants au Cameroun », in COSIO M., MARCOUX R., PILON M., Q UESNEL A (dir.), Éducation, famille, et dynamiques démographiques, Paris, CICRED, p. 183-217.

Wayack Pambè M. and Pilon M. (2011). Sexe du chef de ménage et inégalités scolaires à Ouagadougou (Burkina Faso), Presses de Sciences Po, « Autrepart », 2011/3 N° 59, 125 à 144

Kabore Amado (2023)., Stratégies endogènes adaptées en réponse aux normes sociales pour booster l’éducation des filles au Burkina Faso  https://globinfos.net/strategies-endogenes-adaptees-en-reponse-aux-normes-sociales-pour-booster-leducation-des-filles-au-burkina-faso-kabore-amado-et-linstitut-des-sciences-des-societes-inss-cnrs-t-en-parlent/

[1] https://au.int/fr/newsevents/20221110/2eme-conference-des-hommes-sur-la-masculinite-positive

[2] Cette information a été fournie lors d’un reportage de la radio voix de l’Amérique dans un camp de déplacés internes dans le Centre Nord. E titre du reportage est intitulé « sexe contre la nourriture ».

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