15 Mai : Quand des érudits révèlent la face cachée de l’histoire des Mossé

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15 mai 2024. Une journée décrétée pour les coutumes et les traditions. Première du genre au Burkina Faso. Sans doute une journée mémorable. Nous le passons à Panghin. Panghin ou là où il y a la force, le pouvoir, tout simplement le Palais du Mogho Naaba, Roi de Ouagadougou. Rituel du Yisgou, panel sur l’histoire des Mossé (ou Mosse ou encore Mossi) et de leurs croyances. Que de savoirs sur l’histoire, les pratiques et la vraie religion des Mossé reçus en si peu de temps…   

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Prenez notes comme nous ! Au commencement, n’étaient pas les Mossé. Pour paraphraser un langage biblique qui dit qu’au “commencement était la parole et la parole était Dieu”. Ceux qui sont appelés aujourd’hui des Mossé ne l’ont pas été avant.  

Les Mossé sont, en fait, un mélange de plusieurs ethnies dont les coutumes, les croyances et les pratiques se sont entremêlées pour créer une ethnie hybride que sont les Mossé. Oui, au commencement, être un Moaga était une insulte, le qualificatif des non civilisés, le qualificatif de ceux qui ne connaissent pas la circoncision, des moins évolués culturellement. 

C’est le 15 mai dernier que nous l’avons appris lors d’un panel chez le Mogho Naaba. Les Mossé, fiers aujourd’hui, sont un peuple hybride fait de croisement de plusieurs ethnies dont une venue du Ghana. La journée des coutumes et des traditions prise à bras-le-corps par le Mogho Naaba himself et les autres ethnies a révélé bien de mystères enfouis dans les histoires de nos ethnies. Des mystères révélés par des érudits bien trempés du domaine. 

Que de révélations époustouflantes sur l’histoire des Mossé que nous apprenons d’éminents conférenciers le 15 mai 2024 à Panghin. Mais avant, revenons sur le déroulé de la journée du 15 mai au Palais du Mogho Naaba. 

Chez le Mogho, c’est une grande célébration qui marque d’une tache indélébile cette première journée mémorable pour l’ensemble des Burkinabè. À 06h, nous sommes déjà au palais pour ne rien manquer. Devant la porte du Palais, un dispositif sécuritaire impressionnant. À la baguette, les Hommes des unités d’intervention de la Police.  

Il est 6h30, la première cérémonie débute. C’est le Yisgou. Une sorte de Conseil des ministres qui se tient chaque matin à la Cour royale. Ce 15 mai, c’est un Yisgou spécial qui réunit un monde de plusieurs centaines de personnes. Pas de photos, ni de vidéos, les instructions sont strictes et fermes. Des Rapoéramba (une sorte de police traditionnelle dans la cour du Naaba chargée de faire respecter l’ordre), gourdin en main, font respecter les instructions et guident les visiteurs loin des endroits sacrés dans la cour du Mogho Naaba.  

 Les ministres du chef des Mossé viennent le saluer et lui donner les nouvelles de la cité chaque matin à travers un cérémonial bien défini. Une cérémonie que le public, le 15 mai, sorti nombreux, a pu déguster. 

Lire  → Célébration du 15 Mai : Le Moogho Naaba mandate ses maitres sacrificateurs pour des offrandes

Le chef des Mossé, tout de blanc vêtu sort pour s’asseoir au côté Est du Palais et la cérémonie commence. Les tambourinaires accompagnent chaque pas du Mogho Naaba avec un rythme dont le sens n’est compris que par des initiés jusqu’à ce qu’il s’asseye. Le Yisgou bat son plein. 

Les ministres du Mogho, tous décoiffés de leur chapeau de chefs de leur circonscription, se tiennent à 50 mètres de lui, assis à même le sol sur une butte. Ils passent par deux fois saluer “Sa Majesté” (Le Roi, NDLR). Les Tambourinaires par des sonorités en font de même.  

Après ce cérémonial, le Mogho Naaba rejoint son palais toujours accompagné par le son des tambours. Pour l’occasion de ce 15 mai, le Mogho fait réunir ses maîtres sacrificateurs à savoir le Kadiogo Naaba, le Tengsoba, le Bagnaba. 

Ces derniers reçoivent, coq blanc et bélier blanc, chacun pour faire des sacrifices afin que viennent la paix, la cohésion sociale et de bonnes pluies au Burkina Faso. Ces pratiques font partie des us et coutumes des Mossé. Justement, l’occasion de cette célébration du 15 mai au Palais a été mise à profit pour revisiter l’histoire des Mossé. 

Les Mossé sont des métisses

Un panel tient lieu d’amphithéâtre pour ceux qui veulent tout savoir sur les Mossé. Nous y pénétrons, avide d’en savoir plus sur les Mossé. Le Pr Albert Ouédraogo de l’Université Joseph Ki-Zerbo, le Dr Vincent Sedogo de l’institut des sciences des sociétés, le Ouidi Naaba, sont entre autres les érudits présents au présidium. C’est du Pr Albert Ouédraogo d’ailleurs que nous tenons l’affirmation, selon laquelle les Mossé sont des métisses. 

Les panélistes lors de la célébration du 15 mai chez le Mogho Naaba

En effet, du développement du Pr Albert Ouédraogo, la princesse Yennenga et son fils Ouédraogo à qui l’on reconnaît la création du « Royaume Mossi » ne sont pas en effet des Mossé. Ceux qui sont venus de Gambaga au Ghana, c’est-à-dire Ouédraogo et sa suite sont des Nakomsé.  

« C’était une insulte que de dire qu’ils sont Mossé. Le Moaga à l’époque était considéré comme quelqu’un de moins civilisé, qui ne se circoncit pas, quelqu’un qui vit dans la brousse”, relate le Pr Albert Ouédraogo face à un public qui l’écoute religieusement. 

Les Nakomsé (Ouédraogo et sa suite venus du Ghana) ne voulaient pas qu’on dise qu’ils sont Mossé, c’était péjoratif. Ce sont les autochtones (Gnognossé, Ninsi, etc.) appelés “Tenguinbissi” de l’actuel “royaume Mossi” qu’on appelait les Mossé, selon le Pr Albert Ouédraogo. 

Aujourd’hui quand on dit Mossé, ce sont ces autochtones réunis appelés “Tenguinbissi” et les Nakomsé ou descendants de Yennenga. Il n’y a plus de distinction possible. Ils ont fusionné. Les cultures et les croyances se sont enchevêtrées, à en croire le Pr Albert Ouédraogo. Les croyances religieuses se sont aussi fusionnées.

Le Mossé croient en un seul Dieu appelé Wendé

Les Nakomsé croient en Wendé, c’est-à-dire Dieu qui est dans les cieux et fait grâce de la pluie pour faire éclore les céréales, pousser les arbres pour nourrir les Hommes. Un Dieu unique, à en croire les affirmations du Pr Ouédraogo. 

Le Pr Albert Ouédraogo en plein développement de ses idées lors du panel

Les Tenguinbissi croient en Tenga, la terre. Les recherches de Dr Vincent Sedego attestent que ce sont des gens qui croient en la terre, d’où vient la vie et d’où elle repart. Les Gnognosé estiment qu’il y a une vie après la mort. Pour en arriver à cette conclusion, ils se sont posés un tas de questions sur la vie. Pourquoi l’Homme vit-il ? Pourquoi meurt-il ? Pourquoi a-t-il faim et soif ? C’est quoi la mort ? Quand quelqu’un meurt, s’en est fini ou bien il y a une suite ?

Les conclusions de ces questions ont permis à ces Gnognossé de se dire qu’il y a quelque chose après la mort. Puis, ils se sont demandés, mais si tout cela existe, qui est donc à l’origine ? Ils se sont alors dit que s’il y a des Hommes, des animaux, la vie, il y a forcément une entité derrière la création de tout cela. 

Aussi, se sont-ils dit que pour échapper à la mort, à la pauvreté, à la faim, il faut qu’ils sachent qui est derrière la mort, derrière la vie, etc. Dans leur réflexion, les Gnognossé voient qu’ils ressemblent à la terre. Ils se sont rendu compte que la terre a une force. Quand ils meurent, ils ne peuvent pas laisser leur corps dans la nature. Pour eux, cela dénote d’une certaine honte, d’un manque d’hygiène. La mort rime avec saleté. 

Aussi, ils se sont mis à l’idée qu’il faut donner son corps à l’entité qui a fait en sorte que tout existe. Ils ont comparé la terre à une femme enceinte. Cela est d’autant plus vrai pour eux car ils ont remarqué que quand on met sous terre une céréale, après quelques pluies, la céréale éclos et pousse. 

Alors ils se sont dit que si après leur mort, on met leur corps sous terre, c’est comme si on les met encore dans les entrailles d’une femme, en attendant l’accouchement, le retour à la vie. Dr Sedogo, nous apprend donc que c’est en raison de tout cela que les Gnognossé estiment que ceux qui sont morts ne sont pas morts en réalité. Pour eux, la terre, c’est le domaine des ancêtres, c’est le domaine de ceux qui nous ont devancés dans la mort. 

Aussi, pour les Gnognossé, ceux qui nous ont devancés à la terre, ont acquis une puissance semblable à la terre. Cette terre pour les Gnognossé et à la lumière de la communication de Dr Sedogo, a deux facettes. Une bonne facette et une facette qui est à l’envers, qui est sous terre. 

Dr Vincent Sedego en train d’expliquer la croyance des Gnognosé

C’est donc sur la bonne facette que nous sommes, que nous nous appuyons pour marcher, pour cultiver, etc. Sur cette bonne facette de la terre, il y a le soleil, le jour, la nuit, le bon, le mauvais, l’orientation gauche, droite, etc. 

Selon Dr Sedogo, la facette à l’envers de la terre contient non seulement ce qui est sur la bonne face, mais aussi ceux qui nous ont devancés dans la mort. Ils y vivent. Là-bas, il y a aussi d’autres forces, d’autres puissances. Des puissances qui sont sur la bonne face et sur la face à l’envers de la terre. C’est le domaine des génies appelés Kiñkirsi. Ils y vivent avec les ancêtres. Ils sont aussi avec bien d’autres entités mystiques. 

À en croire Dr Sedogo, ces deux facettes de la terre ont un lien intrinsèque, si bien que quand une personne meurt, elle repart dans la facette à l’envers de la terre, jusqu’à ce qu’on fasse ses funérailles pour qu’elle revienne à la vie à travers l’accouchement d’une femme. 

“C’est pour cela, dit-il, qu’à l’époque, avant qu’une femme n’accouche, elle était présenté aux ancêtres. Cela pour qu’un ancêtre puisse se réincarner à travers le futur bébé. Les Gnognossé appellent cela “Segbo”. À en croire Dr Sedogo, chez les Gnognossé, il y a des prêtres ou sacrificateurs, ou des Chefs ou Naaba qui font le lien entre le monde des vivants sur la bonne facette de la terre et le monde des ancêtres et des génies qui sont sur l’autre facette. 

À l’en croire, ces prêtres sont tout aussi puissants que ceux qui vivent dans la facette à l’envers de la terre. Ce sont eux qui font les sacrifices, qui donnent l’eau (dolo) aux ancêtres, qui les écoutent et transmettent ce qu’ils veulent aux Hommes. Ils font le lien entre le monde des vivants et des morts.

C’est en cela que se résume entre autres la croyance des Gnognossé à la lumière de la communication livrée par Dr Sedogo le 15 mai, ce jour qui commémore les coutumes et traditions au Burkina Faso. À cette croyance, s’est enchevêtrée la croyance des Nakomsé venus de Gambaga au Ghana. Eux, selon le Pr Albert Ouédraogo, croient en Wendé qui est dans les cieux, qui fait venir la pluie, le soleil et tout ce qu’il y a sur terre. 

Aujourd’hui, l’ensemble de ces deux croyances à savoir celle des Gnognossé et des Nakomsé ont fusionné. Eux-mêmes ont fusionné pour devenir des Mosse ou Mossé ou encore Mossi. Leur religion, selon le Pr Albert Ouédraogo, c’est le “Mankouré”. Ils croient en un seul Dieu Wendé. Ce Dieu, étaye-t-il, c’est Naaba ZidWendé et sa femme Tenga. Ce sont des Mankoudba.   

Dans les pratiques de cette religion dite animiste, on donne souvent de l’eau ou du dolo à Tenga. En ce sens, les adeptes de cette religion disent que Naaba ZidWendé (Wendé, NDLR) ne boit pas de l’eau, mais sa femme Tenga (la terre) et sa suite boivent de l’eau. Quand on parle d’eau, comprenez par là le dolo ou la bière de mil.  

La puissance du métissage 

Pr Albert Ouédraogo a rappelé que cette fusion entre les deux entités a créé une ethnie hybride, un métissage, les Mossé. Une force redoutable issue de la fusion de plusieurs cultures, à tel point que même Samori Touré, conquérant du Mali, n’a pas pu les déstabiliser. 

Cette nouvelle entité qu’on appelle les Mossé ou les Mossi par certaines personnes, à en croire Albert Ouédraogo, aime bien s’associer à d’autres ethnies. “Quand les Peulhs sont arrivés dans leur contrée, ils ont fusionné avec eux pour devenir des Silmimossé ou des Peulhmossi”, fait remarquer Albert Ouédraogo. Et dans cette entité Mossi, ceux qui ont le plus de Totem, ce sont les Gnognossé. 

Au nombre de leur Totem, ils ne se marient pas aux Peulhs, ni avec des Forgerons, etc. Mais les Nakomsé, eux, n’ont généralement pas de Totem. Ce qui fait qu’ils s’adaptent facilement dans toutes sortes de localités ou de sociétés. Ils croient en un Dieu qui est dans les cieux donc ils n’ont pas de Totem. 

Il convient selon Pr Albert Ouédraogo de retenir que les Mossé, ethnie majoritaire au Burkina, sont en faite une société hybride, ils croient en un Dieu unique qui a une femme qui est Tenga. Le Dieu qui est en Haut, c’est Lui qui fait en sorte qu’il pleuve, que l’eau de pluie descende sur terre pour éclore les céréales pour donner la nourriture aux Hommes.  

Le 15 mai à Panghin, quelle journée instructive ! Le Ouidi Naaba, premier ministre du Mogho Naaba l’affirme haut et fort, cette journée du 15 mai, “c’est la joie pour les coutumiers et les traditionalistes”, mais aussi pour une grande partie de la population. Le 15 mai sur toute l’étendue du territoire est célébré comme il se doit pour cette première édition. Les regards sont désormais tournés vers les prochaines éditions, pour continuer d’apprendre sur l’histoire humaine… 

Hamadou OUEDRAOGO 

Burkina 24 

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Un commentaire

  1. …c est très compliqué de se retrouver lorsque l histoire est volontairement tronquée!!! Tant pour une certaine tradition orale que d historiques, ouedrago et yennega ne sont pas venus de gambaga….c est la princesse yennega de gambaga qui se serait égarée lors d une sortie de chasse et son cheval blanc l aurait conduite devant la hute d un chasseur, riale!!! Et ce serait leur union que serait ne ouedraogo!!!!cette version existe dans les traditions kurumba qui sont ceux le Président ouedraogo appelle gnognotte!!!!

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