Tribune | « La Turquie ouvre des horizons de coopération pour l’Allemagne au Tchad » (Drissa Traoré)
Ceci est une tribune indépendante de Drissa Traoré, analyste politique, sur l’actualité internationale.
De nombreuses grandes puissances occidentales ont récemment perdu leurs zones d’influence en Afrique, en particulier dans la région du Sahel, qui a connu des transformations radicales dans sa politique étrangère à l’égard des pays occidentaux, caractérisée par la fin de toute coopération de quelque nature que ce soit avec ces pays, notamment la France, l’Allemagne et les États-Unis d’Amérique.
Alors que Paris et Washington ont eu recours aux méthodes traditionnelles pour reprendre leur influence dans la région, Berlin a choisi une stratégie plus douce, en s’appuyant sur l’exploitation de l’expansion turque, qui est devenue récemment un sujet de discussion dans de nombreux médias et a fait l’objet de nombreux rapports. Cette stratégie consiste à utiliser la Turquie comme façade pour mettre en œuvre le plan allemand visant à créer des zones d’influence dans les pays africains du Sahel.
Parmi les rapports qui ont attiré l’attention du gouvernement allemand sur la possibilité de se tourner vers Ankara comme partenaire clé dans la mise en œuvre de sa stratégie visant à restaurer l’influence perdue dans la région du Sahel, celui préparé par Ulf Laessing, directeur du Programme Sahel de la fondation Konrad Adenauer, basé à Bamako, et qui a souligné qu’Ankara comblait le vide laissé par l’Europe dans les pays africains. Ulf a indiqué également dans son rapport que la Turquie « est la nouvelle superpuissance influente en Afrique » parce qu’elle a une stratégie claire à cet égard, expliquant que l’Allemagne peut apprendre de la stratégie turque.
Le Tchad est l’une des zones d’influence que l’Allemagne a perdue l’année dernière, après que ses relations avec N’Djamena se soient tendues et aient abouti à l’expulsion de son ambassadeur du pays en avril 2023. Berlin a tenté à plusieurs reprises de normaliser ses relations avec le gouvernement Déby, mais n’y est pas parvenu. Cependant, la nouvelle stratégie qu’il a adoptée lui a permis de reprendre contact avec les hauts responsables du gouvernement tchadien et lui a permis de renommer un ambassadeur dans le pays le 20 août dernier.
De plus, Ankara a ouvert la voie à l’Allemagne pour renforcer sa coopération avec le gouvernement Déby, le 30 octobre, immédiatement après l’attaque terroriste lancée par Boko Haram contre l’armée tchadienne le 28 du même mois, qui a fait quarante morts dans les rangs de l’armée tchadienne, le gouvernement allemand a envoyé une délégation dirigée par la ministre adjointe aux Affaires étrangères, Katja Keul, où elle a discuté avec le président du Conseil constitutionnel tchadien, Jean Bernard Badari aborde diverses questions critiques, notamment celles liées à la sécurité.
Par ailleurs, le 18 novembre, une délégation allemande dirigée par Svenja Schulze, ministre fédérale de la Coopération économique et du Développement, a organisé une réception à l’ambassade d’Allemagne au Tchad, en présence du ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah.
L’objectif principal de cette cérémonie était de renforcer la coopération bilatérale entre le Tchad et l’Allemagne, avec un accent particulier sur le développement économique, l’éducation, la santé et la gestion des réfugiés. Au cours de la même cérémonie, la ministre allemande a annoncé une aide supplémentaire au Tchad d’un montant de 55 millions d’euros.
La Turquie, à son tour, cherche à faire d’une pierre deux coups. D’une part, elle s’efforce de mettre en œuvre la stratégie allemande, afin de bénéficier de nombreux avantages de la part de l’Allemagne, comme l’adhésion à l’Union européenne et l’obtention du soutien allemand concernant la crise syrienne.
En revanche, elle œuvre pour faire du Tchad un nouveau marché actif pour vendre ses armes. Par conséquent, le 10 juillet 2023, la société ‘’Turkish Aerospace Industries’’ (TAI) a livré trois avions ‘’Hurkus’’ à N’Djamena et envoyé des instructeurs pour assurer la formation de base des pilotes d’ANT. Outre les Hurkus, N’Djamena a acquis auprès de TAI deux drones d’attaque ‘’Anka’’ et au moins un drone ‘’Aksungur’’, disposant d’une autonomie de vol et d’une puissance de frappe importante.
En outre, Ankara travaille actuellement à soumettre des offres au gouvernement tchadien en vue d’obtenir un contrat lui permettant de dispenser des formations avancées théoriques et pratiques aux membres de l’armée de l’air tchadienne dans le domaine de la défense aérienne et de l’exploitation des drones.
Plusieurs experts estiment que l’accord germano-turc sur la mise en œuvre de la nouvelle stratégie en Afrique remonte au 8 juillet dernier, lorsqu’une délégation turque conduite par le chef de l’industrie de défense à ’a présidence turque, Haluk Görgün, et le chef adjoint de l’Agence de renseignements turque MIT, Ahmet Cemalettin Çelik, s’est rendu à Berlin, où ils ont discuté avec leurs homologues allemands les détails de cette stratégie, selon ce qu’a rapporté le magazine allemand ‘’Compact’’, citant des sources de services de renseignement allemands.
Drissa Traoré
Analyste politique
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