Ici Au Faso : Entre les Bissas et l’arachide, la fierté d’être Burkinabè !

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L’arachide a toujours été collée à l’identité de l’ethnie Bissa au Burkina Faso. Kadiatou Moné dit Maman Rasta a trouvé une ingénieuse idée de confectionner des colliers ou des chaînettes à base des gousses d’arachide. Grâce à cette trouvaille, la mère de neuf enfants réussit tant bien que mal à scolariser ses enfants et à les nourrir. L’un de ses enfants a bossé à l’Université et travaille toujours avec les petits sous que lui génère cette activité. Un autre de ses enfants prépare son baccalauréat. Dans ce reportage, nous vous ferons découvrir également la petite légende qui lie l’arachide aux Bissa, selon le témoignage de Valéry Zigani, chargé de communication de l’association Bissas Taleima Minto. 

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Tenkodogo, 21 mai 2022. La cour royale de Kiri Bidimpô, chef des Bissas de Tenkodogo, vibre au rythme de la musique traditionnelle. En effet, le chef doit introniser deux nouveaux ministres. Une ambiance chaleureuse et festive règne déjà ici, en attendant les rituels de l’intronisation. De pareils évènements coutumiers sont très rares. Alors personne ne veut se faire conter l’évènement. Les gens ne cessent d’arriver.

Peu avant la cérémonie, alors qu’on attend l’arrivée des deux nouveaux ministres qui doivent être intronisés, et la sortie du roi, une dame assise à quelques 50 mètres du palais draine du monde autour d’elle. Devant une table, l’on aperçoit des gousses d’arachide teintes en jaune, vert et rouge… En effet, elle vend des chaînettes qu’elle confectionne à base des gousses d’arachide.

Les merveilles de Kadiatou Moné

Ce, pour magnifier l’arachide. Et chaque personne ici veut à tout prix s’offrir ce collier d’arachide pour s’affirmer notamment en tant que Bissa. En même temps, cela fait les affaires de Kadiatou Moné, qui profite de la circonstance pour vendre ses produits. D’ici que la cérémonie ne finisse, elle a épuisé son stock. L’idée de teinter ces colliers surtout aux couleurs nationales, ajoute un surplus à sa créativité.

Les autres ethnies à la danse

Cela fait que les Burkinabè des autres ethnies emboitent les pas de leurs frères Bissa et s’offrent les chaînettes de Kadiatou. Curieux ! Nous aussi, nous faisons un tour chez Maman Rasta, sans savoir que nous serons pris dans son filet. Nous en achetons deux de ses colliers. Elle nous ajoute un de plus. Elle sait bien s’attirer la sympathie des clients, cette dame.

Kadiatou Moné dit Maman Rasta © Burkina24/Willy SAGBE, 21 mai 2022

L’ambiance monte d’un cran dans la cour royale, avec le bruit des canons à poudre qu’on tire pour annoncer l’arrivée des nouveaux ministres. Le chef devra sortir incessamment, lui aussi. Nous profitons pour nous entretenir avec Maman Rasta sur son activité. Après quelques minutes d’hésitation, les langues se délient et la discussion s’attise, alors qu’elle continue de vendre ses colliers.

Kadiatou Moné nous confie qu’elle a fait la Côte d’Ivoire. Elle est rentrée au Burkina, lorsque la Côte d’Ivoire décide d’imposer la carte de séjour à tous les étrangers. C’est un nouveau départ pour elle. Toutes ses petites économies ramenées de son aventure tarissent. Elle va se lancer dans la confection des chaînettes à base des arachides, après plusieurs tentatives de se trouver un gagne-pain.

« On était en Côte d’Ivoire, à Abidjan, c’est quand la carte de séjour était devenue obligatoire que je suis revenue ici, et j’ai commencé à faire ce travail. Ça fait 25 ans. En tout cas, ça va. Quand je suis rentrée ici, je me suis rendue compte que le Burkina est bon qu’Abidjan. Burkina est trop doux même », apprécie-t-elle son pays en nous esquissant un large sourire.

Elle poursuit que dès son retour de la Lagune Ebrié, elle ne savait que faire. Elle relate que l’arachide est la seule richesse qu’elle a pu hériter de ses parents. Alors comment profiter de cet héritage ? C’est ainsi que l’ingénieuse idée de confectionner des chaînettes à base des gousses d’arachide effleure son esprit. Et elle s’y engage.

Depuis que je fais ce travail… 

« J’étais là, je cherchais quelque chose que je pouvais faire pour gagner mon pain quotidien. Il n’y a pas de travail. Après le retour de la Côte d’Ivoire, on n’avait plus rien. Il fallait trouver quelque chose pour m’occuper de mes enfants, mais depuis que je fais ce travail, vraiment je peux dire que ça va un peu.

J’arrive à me nourrir et à nourrir ma famille dedans. Même pour m’habiller, même quand je suis malade, ça me permet de me soigner et de soigner mes enfants aussi », rassure-t-elle.

En blanc, un des ministres qui sera intronisé, accompagné des siens se dirige vers le chef des Bissas de Tenkodogo pour les premiers rituels

Maman Rasta, c’est comme ça que Kadiatou Moné se fait appeler par les siens, renseigne que c’est grâce aux petites recettes qu’elle arrive à épargner à travers la vente de ses chaînettes et qu’elle parvient à solder la scolarité de ses enfants. Elle est mère de neuf enfants.

Pour arriver à écouler plus facilement sa production et s’attirer la clientèle, Maman Rasta teint ses chaînettes en couleurs nationales du Burkina (vert, jaune, rouge). Ces colliers sont aussi teints en d’autres couleurs. D’autres ne sont pas colorés. Toutes ses chaînettes sont vendues à 500 francs l’unité.

« Moi-même, je n’ai pas été à l’école. Donc, je ne peux pas laisser que mes enfants restent comme moi. Il vaut mieux qu’ils aillent à l’école. Je peux vous avouer que j’ai déjà envoyé un de mes enfants à l’université avec ça (confection de chaînettes à base d’arachide, ndlr). Il a fini, et a même eu un travail, un autre est en terminale et cherche le Bac D », nous informe-t-elle avec le sentiment d’un devoir accompli.

Au milieu en bonnet rouge, canne à la main, le chef des Bissas de Tenkodogo

D’après Kadiatou Moné, le père de l’argent, c’est le travail. Si vous travaillez, encourage-t-elle, vous aurez votre pain quotidien. Elle soutient que même si vous n’êtes pas allé à l’école, si vous savez faire quelque chose de vos dix doigts, vous finirez que par gagner un petit rien qui puisse vous permettre de gérer vos besoins élémentaires.

Si vous travaillez…

« Même si vous n’avez pas étudié, si vous travaillez, vous aurez votre pain. Au lieu d’aller quémander chez les gens, il ne faut pas dormir. Parce qu’aujourd’hui, la personne peut vous donner, mais demain, il ne pourra pas vous donner. Donc vous êtes obligés de travailler pour pouvoir vous nourrir de manière honorable », encourage-t-elle.

Noufou Yala, un jeune Bissa venu pour l’intronisation et s’est acheté son collier en arachides qu’il a au cou d’ailleurs

Noufou Yala est un jeune Bissa venu de Ouagadougou, pour participer aux rituels d’intronisation. En attendant que la cérémonie débute, il fait un tour chez Maman Rasta pour se procurer une chaînette qu’il s’empresse de porter immédiatement.

Nous l’approchons pour lui arracher quelques mots. Il nous livre que c’est une grande fierté pour lui, de porter ce collier fait à base de gousses d’arachide, qui dit-il représente l’identité des Bissa dont il en est fier d’être.

« Tout Bissa a un lien étroit avec l’arachide. Quand on parle de Bissa, on voit l’arachide. Quand vous portez ça (collier en arachide), vous vous honorez vous-même, et vous honorez aussi votre ethnie », avance-t-il tout en signalant qu’en plus d’être fait d’arachide, le collier est peint aux couleurs nationales.

On est fier d’être Bissa !

« En plus d’être Bissa, nous appartenons à une nation, le Burkina Faso. Et le fait d’avoir eu cette idée ingénieuse d’utiliser nos couleurs nationales pour colorer les arachides et en faire des colliers, cela apporte un tonus à la chose et on ne peut qu’acheter. Et quand on porte ça, on est fier d’être Bissa et d’appartenir au Burkina Faso », s’en réjouit-il.

Sourire aux lèvres, Saydou Baro, Siamou fier d’arborer le collier de Kadiatou Moné

A quelques mètres de là, notre regard tombe sur un couple. Saydou Barro et son épouse sont tous des Siamou (ndlr : ethnie vivant à l’Ouest du Burkina dans la province du Kénédougou). Mais ils se sont offerts des colliers de Maman Rasta. Ils sont contents de les porter. Ça ajoute un plus sur leur look d’ailleurs.

« Madame et moi avons décidé d’en prendre. C’est très joli, on ne pouvait qu’acheter. C’est de la créativité, il fallait que nous achetions pour soutenir celle qui les confectionne pour se générer des revenus.

Je vous avoue que c’est ingénieux, c’est vraiment joli. Et pour atteindre ce résultat, il a fallu quand même une réflexion pour pouvoir le faire. Je n’aurais imaginé qu’on peut faire un collier à base des arachides, celle qui a fait a certainement mené des réflexions et voilà que ça a pris », apprécie-t-il l’ingéniosité de Kadiatou Moné.

Justine Zouré

Un peu plus devant, au milieu de la foule, on aperçoit une jeune femme de teint clair. Avec un foulard sur la tête et habillée d’un ensemble de pagne, qui s’accorde avec son foulard. Sur son cou s’enroule le fameux collier fait d’arachides.

Mon identité

Le sien est particulier de tout ce dont on a croisé jusque-là. Les arachides qui le constituent, sont de couleur grise et tendent un peu à se marier avec son habit. Interrogée sur son collier, Justine Zouré, c’est ainsi qu’elle se nomme, atteste que porter ce collier représente l’amour qu’elle a pour sa culture et sa tradition. « C’est une fierté pour moi, parce que ce collier décline mon identité, et je suis fière de le mettre », complète-elle.

La petite légende qui lie l’arachide aux Bissas

Toujours dans l’ambiance de la cérémonie d’intronisation, les invités patientent que tout soit Ok et que les rituels commencent. Entre-temps, l’idée de savoir, pourquoi les Bissa s’identifient à l’arachide nous traverse l’esprit. Immédiatement, nous optons d’échanger avec Valéry Zigani, chargé de communication de l’association Bissas Taleima Minto, qui lui aussi a sa chaînette sur le coup. Elle lui va très bien.

Valery Zigani

Il relate que la légende retrace que deux personnes étaient en déplacement (des Bissas, ndlr), alors qu’ils étaient en route, un oiseau laissa tomber une gousse d’arachide. Les deux compagnons la ramassent. Même s’ils ne savent pas en réalité, qu’est-ce que c’est. Ils s’empressaient de casser la gousse, à l’intérieur de celle-ci, ils trouvent deux graines.

Ils se partagent et se font la promesse de les semer chacun de son côté, selon le récit de Valéry Zigani. Et c’était pendant la saison hivernale d’après l’épopée. Quelque temps après leur mise en terre, les deux graines poussent et suivent leur évolution.

Tout le monde a son collier fait d’arachide au coup

Quelque temps plus tard, un des deux compagnons remarque que les feuilles de la plante séchèrent après la saison hivernale. Il entreprendra d’aller voir son ami qui, aussi, a remarqué la même chose.

« Ils ont décidé de dessoucher la plante. Ils se sont rendus compte que ça a donné beaucoup de gousses. Ils décident d’en déguster quelques gousses, le peu de graines qu’ils avaient goûtées, les avaient rassasiés. Un fait qu’ils ne comprenaient pas », raconte Valérie Zigani.

Là assis et habillé en koko donda, un autre ministre qui sera intronisé ce matin (samedi 21 mai 2022, ndlr) accompagné de ses partisans

Il nous apprend que l’arachide en langue Bissa est composée de deux mots : « Soun : qui veut dire croquer, Kaan : qui signifie rassasier ». Et aujourd’hui au pays Bissa, on appelle arachide « Sounkaan : ce qui veut dire littéralement, J’ai mangé et je me suis rassasié ». Voilà un peu la petite histoire légendaire qui lie l’arachide aux Bissas…

Willy SAGBE

Burkina24 

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