Burkina : La politique de gratuité des soins de santé deux ans après

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Le gouvernement du Burkina Faso a adopté le 2 avril 2016 la politique de gratuité de soins de santé des enfants de moins de cinq ans et des femmes enceintes. Deux ans après le lancement, des bénéficiaires de cette prise en charge ont montré leur satisfaction. Quoique l’arbre des acquis ne cache pas la forêt des insuffisances.

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La politique de la gratuité des soins de santé est née d’une volonté politique du président Roch Marc Christian Kaboré qui en a fait la promesse lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2015. Cette volonté entre également en droite ligne avec les objectifs de développement durable.

Les tarifs varient en fonction du type de centre

La mise en œuvre de la gratuité des soins a débuté le 2 avril 2016 dans trois régions. Les autres régions ont suivi par la suite.  La mission est de faire oublier le souvenir de ces chiffres au Burkina: 2 000 femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse et à l’accouchement. 64 000 enfants de moins de 5 ans meurent de maladies évitables. Et un tiers des  bébés meurt dans les 28 premiers jours de  vie.

La gratuité des soins regroupe plusieurs aspects. «Dans soins et services de santé gratuits, il y  a cinq éléments et ce sont ces caractéristiques que l’Etat prend en charge », a laissé comprendre Dr Pierre Yaméogo, médecin spécialiste en santé publique, secrétaire technique chargé de la couverture sanitaire universelle du ministère de la santé et en charge de la mise en œuvre de la politique  de gratuité des soins, rencontré le 24 mai 2018.  Décomposition :

– Un acte de consultation que doit payer le patient. Et selon que ce soit au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) ou au Centre Hospitalier Universitaire (CHU), les tarifs peuvent varier.

– Gratuité des examens complémentaires.

– Des frais de séjour hospitalier.

– Du carburant pour les évacuations.

–  Des médicaments.

 « Souvent  le poids des médicaments ne dépasse pas 20 ou 30%. Les examens coûtent plus chers. Les actes coûtent plus chers et si le médicament est en rupture,  le patient va contribuer peut-être à hauteur de 15 000 ou 20 000 F CFA. Mais si on fait la facture globale, cela peut remonter à 300 000 F CFA. Vous voyez l’effort qui est fait pour que ce soit une gratuité de soins »,  explique Dr Pierre Yaméogo.

Etats des lieux

La gratuité des soins a été mise en œuvre le 2 avril 2016. Deux ans après, il est intéressant de voir l’état des lieux.  Le secrétaire technique a fait comprendre que l’indicateur/norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), concernant le taux de fréquentation des formations sanitaires par les enfants,  est de trois fois pendant une année. Et suivant cet indicateur, dit-il, « le contact par enfant du pays, avant la mise en œuvre effective de la gratuité des soins,  était de 1,70 en 2012. 1,74 en 2013. Ça n’a jamais atteint 2. A partir de 2016, on est monté à 2,7 et en 2017, on est monté à 3,1 en termes de contact des formations sanitaires ».

21 520 césariennes en 2017

Pierre Yaméogo a indiqué qu’il est impossible de donner le nombre exact d’enfants qui fréquentent les formations sanitaires parce que ne disposant pas de fichier informatisé.

« En termes de consultation offerte gratuitement, nous avons dépassé le seuil demandé par l’OMS parce qu’on se situe au-delà de 3,1. En termes de prestation, c’est plus de 10 000 000 de  prestations offertes aux enfants de moins de cinq ans. Pour les accouchements, on est à 700 000 offertes gratuitement. Pour les césariennes, ce sont 21 520 durant l’année 2017 », a énuméré le secrétaire technique. 

Financée à 99% par l’Etat burkinabè         

En termes de financement de la gratuité des soins, Dr Pierre Yaméogo a indiqué que c’est principalement le budget de l’Etat qui est consacré à l’achat des prestations à plus de 99%.

« C’est ce que les malades devraient payer qui coûte à peu près 30 milliards de F CFA que l’Etat a fait l’effort de payer à la place du patient. Les partenaires techniques et financiers nous ont accompagnés pour certaines prestations mais en termes de ratio, ça ne vaut pas 1 à 2% », confie-t-il.

Quel impact ?

L’idée de la gratuité des soins est bien vue par bon nombre d’acteurs. Pour le Chef du département de la pédiatrie CHU Yalgado Ouédraogo, Kouéta Fla, interviewé le 17 mai 2018,  de façon générale, la gratuité pour les enfants de 0 à 5 ans a apporté un soulagement, non seulement pour les parents, mais aussi, dit-il, « pour nous les prescripteurs parce qu’avant la gratuité, des fois, il était difficile de prescrire certains examens parce que les parents ne pouvaient pas payer ».  

 Zabré Rihannata, rencontrée au Centre médical du secteur 16 de Ouagadougou le 25 mai 2018, a bénéficié  de la gratuité des soins. En effet, dit-elle en indexant son enfant d’environ deux ans, « de la grossesse jusqu’à l’accouchement de mon enfant, j’ai été prise en charge entièrement par les services de santé ».

Une femme, enceinte, ayant requis l’anonymat, venue faire sa pesée prénatale dans le même centre, soutient elle aussi que les pesées prénatales, les carnets, les médicaments sont gratuits.

Selon une étude intitulée « Recherche sur la mise en œuvre et les effets de la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans dans les régions du Centre-Nord et du Sahel »,  menée d’avril 2017 à avril 2018 par le cabinet AGIR et présentée le 22 mai 2018, les conclusions sont bonnes. Aux dires de Yamba Kafando, membre du cabinet, « sur le plan quantitatif, la gratuité de soins est effective » et  « grosso modo, les populations accèdent à la gratuité des soins dans les deux régions et elles sont satisfaites ».

Difficultés

Cependant,  des difficultés subsistent. Des ruptures de médicaments sont récurrentes dans presque toutes les formations sanitaires. Les regards sont tournés surtout vers la CAMEG, la Centrale d’achat des médicaments essentiels génériques, principal fournisseur des centres de santé.

« Depuis que je suis à la santé, je n’ai jamais vu de rupture de stock comme ça avec la CAMEG. C’est à partir du moment où l’Etat a instauré la gratuité des soins que cela a commencé. S’il n’y a pas de produits, les agents de santé sont obligés, avant de faire une ordonnance,  de voir ce qu’il y a au dépôt (de médicaments, ndlr). Ce qu’on prescrit aux gens, ce n’est pas ce qu’on veut réellement prescrire. Il faut souvent utiliser les produits des adultes, jongler diviser un quart de comprimé. Imaginons un bébé de trois mois, il faut casser des comprimés … », explique, le 19 mai 2018,  Alain Ouédraogo, infirmier d’Etat, en poste au CSPS de Yagma, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Ouagadougou.

Selon le Professeur Kouéta Fla, cette rupture des médicaments connait plusieurs sources depuis la CAMEG. Il note des molécules essentielles qui manquent.  « D’autres problèmes résident dans la gestion des médicaments au niveau interne. Avec la charge de travail, il y a la difficulté dans la prise en charge des malades parce que la demande est devenue très forte. Ce qui fait que les prévisions sont très rapidement dépassées », a-t-il fait savoir.

« D’autres problèmes résident dans la gestion des médicaments au niveau interne »

Un fait que confirme le ministre de la santé, Nicolas Méda, répondant à une question le 17 mai 2018 en marge d’une rencontre avec les acteurs du CHU Yalgado Ouédraogo. Il met le doigt sur l’organisation pharmaceutique interne des centres de santé. «La CAMEG dit que ses stocks sont remplis, a-t-il affirmé.  Parmi les dettes de Yalgado,  il y a près de 4 milliards de F CFA qu’ils doivent à la CAMEG. Mais la CAMEG continue à fournir Yalgado. C’est donc une question d’organisation interne pour mettre à disposition les médicaments ».

En somme, il se dégage comme un sentiment d’impréparation. C’est ce que croit le pédiatre.  « Quand on analyse après, c’est qu’on est allé trop vite en besogne sans peut-être mûrir la réflexion. C’est une très bonne chose. Mais il fallait encore du temps pour permettre aux différents acteurs de ce processus  de se concerter, faire de meilleures estimations  pour que chacun ne se sente pas frustré à un moment. Si vous prenez un kit, il y a une seringue seulement dedans. C’est très difficile», conclut Kouéta Fla.

Nouveau circuit de financement

Les insuffisances sont connues. Et des pistes de solutions sont étudiées, notamment pour résoudre les problèmes de ruptures de produits. Un nouveau circuit de financement est envisagé comme nécessaire.

Ainsi, il a été décidé de financer directement la CAMEG pour l’achat des médicaments au lieu de passer par les formations sanitaires. « On a redéfini avec la CAMEG un autre modèle de financement, explique Dr Pierre Yaméogo. Nous allons faire un circuit court pour envoyer le maximum d’argent à la CAMEG afin de renforcer sa trésorerie pour qu’elle puisse rendre disponibles les médicaments en temps réel ».

Irmine KINDA

Burkina24

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