Tribune | « Mobilisation des recettes : Quand la douane se positionne comme juge et partie »
Ceci est une analyse d’un citoyen sur les relations entre la douane et COTECNA.
Les effets contractuels qui liaient la société COTECNA à l’Etat burkinabè cesseront conformément aux termes du présent contrat conclu en aout 2015. Et le 7 septembre, la société d’inspection sera dessaisie de sa prestation contractuelle de conduite du Programme de vérification des importations. Réunis à Ouagadougou le 20 août dernier, l’administration douanière et le personnel ont planché sur les armes à affuter pour reprendre en mains ce pan de leurs, soi-disant, attributions. Arguant d’une « reprise de la plénitude des attributions traditionnelles ».
Et c’est le mot d’ordre en vogue chez les paramilitaires de la finance. Aussi, est-ce la concrétisation de l’écho d’un point de la plate-forme revendicative de la coordination des syndicats du MINEFID qui réclamait à cor et à cri la cessation de la collaboration de l’Etat avec COTECNA ? Ce syndicat qui n’a de raison d’être que la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres a fini par enfiler la toge d’un décideur, une mission qui ne leur est pas dévolue.
Quoique, le chargé de communication et des relations publiques veuille faire avaler cela à ceux qui le veulent, c’est tous les douaniers qui crient victoire en miroitant l’aube des bonnes affaires. « Cette non -reconduction du contrat n’est ni un simple caprice d’un directeur général, ni une injonction d’un conseil de direction et n’est pas non plus un trophée de guerre dont une organisation quelconque pourrait se prévaloir », a tenté de justifier le divorce avec la COTECNA.
Avant d’ajouter qu’il s’agit de se conformer au nouvel ordre économique mondial édicté par l’OMC à travers la loi sur la facilitation des échanges et des partenaires. En réalité, il ne s’agit là qu’un brouillard communicationnel visant à forger et à rassurer une opinion publique emballée par un engagement à haut risque. En effet, aucune instance et aucune norme ne fait entrave à la collaboration avec une structure dotée d’expérience avérée et d’impartialité pour aider à la mobilisation des recettes.
La vision et la philosophie de l’OMC sont, faut-il le rappeler, trempées dans le système capitaliste où la privatisation des services publics est la règle. Dès lors, on comprend aisément que les raisons avancées sont d’un piètre argumentaire. Et que les vraies raisons sont à rechercher dans la volonté d’un corps à rompre avec une société qui les empêche véritablement de s’adonner à autre chose. Cela est d’autant plus évident que toutes leurs réquisitions, les douaniers n’ont jamais voulu reconnaître les mérites de COTECNA.
Alors que depuis la prise en main par la société COTECNA du Programme vérification des importations en aout 2004, les chiffres témoignent éloquemment en faveur de ses performances et de la valeur ajoutée à la mobilisation des recettes douanières et de la lutte contre la fraude. En effet, les taux de recouvrement des prévisions sont toujours hissés au-dessus de la barre des 90%.
Autant dire, au regard des justifications, que la société COTECNA a réitéré au Burkina tout le bien qui est dit de lui dans les autres pays. Difficile alors de dissiper l’ombre de doute qui plane sur la capacité de notre administration douanière à relever les défis relevés par COTECNA nonobstant les professions de foi des responsables de ce corps.
Toujours classé en bonne place des mauvais élèves en matière de corruption par le REN-LAC, la douane devrait d’abord rassurer de ce côté-là avant de prétendre accomplir une obligation de résultat dans un domaine qui exige cela. Mais tant que les tenues de ces douaniers seront toujours munies de poches, il sera toujours difficile d’empêcher d’empocher au lieu d’encaisser. De cette mesure digne de l’Albatros dont les grandes ailes l’empêche de marcher, l’administration douanière devient juge et partie dans le processus de recouvrement des recettes qui, pourtant, doit son efficacité à la présence d’une structure impartiale de contrôle.
En clair, désormais, la douane échappe à tout radar de contrôle, sauf sa plus haute responsabilité citoyenne, plutôt si elle en a. De toutes les façons, dans une administration publique où la sanction pour faute ou à fortiori pour insuffisance est rare comme l’éclipse solaire, sans paraitre un oiseau de mauvais augure, il apparaît dans l’opinion qu’il faut attendre la preuve du maçon. A travers cette mesure, le gouvernement a encore brillé par son incohérence qui risque de donner du crédit à d’autres luttes.
En effet, dans le même département des finances, alors que l’idée très controversée de recruter une structure privée pour le recouvrement des impôts, entraine une levée de bouclier, voici qu’une structure privée est mise en touche pour soit disant permettre à l’administration de revêtir l’intégrité de ses attributions traditionnelles.
Ainsi, le gouvernement fait-il plus de confiance au corps de douane qu’à celui des impôts ? Selon le directeur général des douanes, Adama Sawadogo, il n’est pas question qu’avec cette sortie que l’on assiste à une diminution des recettes du budget de l’Etat. Mais l’on s’attend mieux encore, à ce que la douane n’occupe pas encore le premier rang de la liste du REN-LAC et fasse mieux que la COTECNA. Chose qui n’est pas évident dans un domaine où l’orthodoxie financière est la moins partagée.
En rappel, la mission de la société COTECNA s’étendait à un volet de transfert de technologie consistant à former l’administration douanière en matière de technique de recouvrement des recettes. Ce transfert a-t-il été effectif ? A défaut d’une évaluation préalable, on est fondé à s’en douter. C’est dans ce sens que, nonobstant le caractère déterminé du contrat qui la liait à COTECNA, l’administration douanière a pris une décision subite et contre-productive.
On aurait dû planifier cette rupture, le temps de s’assurer, de la disposition technique et morale de la douane à s’émanciper pleinement. Mais, alors que le vin est tiré, il ne reste plus qu’à la boire jusqu’à la lie.
Dakissaga Franck, enseignant
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