Infrastructures : Le REN-LAC s’intéresse au ministère dirigé par « le bulldozer du président »
Les réalisations dégradées avant réception (cas route de Bobo), la fréquence des avenants, les soupçons de corruptions à différents niveaux des attributions aux exécutions des projets (abus des procédures exceptionnelles de gré à gré dans l’attribution des marchés), les longs délais de réalisations ont conduit le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) à entrer dans l’univers de la réalisation d’infrastructures.
« Soucieux de Transparence » et « désireux » de contribuer, à travers le suivi citoyen, à améliorer la qualité des infrastructures routières réalisées par l’Etat, le Réseau national de lutte anti-corruption s’intéresse au ministère dirigé par Éric Bougouma. « Le REN-LAC a choisi le ministère des infrastructures en raison des flux financiers colossaux qui y transitent mais aussi de la qualité défectueuse des travaux qui sont livrés par les entreprises », a justifié son secrétaire exécutif Claude Wetta, ce 17 janvier 2019 lors d’un point de presse.
Pour l’étude, le réseau s’est intéressé aux travaux d’aménagement et de bitumage de la section urbaine RN4 allant au croisement de la RN3 à l’échangeur de l’Est à Ouagadougou, la construction et le bitumage de la RN29 Manga-Zabré et les travaux de la route Kantchari-Diapaga-Tansarga-frontière du Bénin. « La confiance (entre l’institution dirigée par le « bulldozer du président » et le réseau) ne s’est pas installée a priori et spontanément », relève Claude Wetta qui fonde l’espoir que cette première étude réalisée en tandem avec d’autres structures puisse conduire le suivi-citoyen vers des cimes encore inexplorées.
Des résultats de l’étude
« Les retards sont énormes sur les trois (03) projets », conclut le rapport. Ces retards sont imputés aussi bien à l’administration qu’aux entreprises responsables de l’exécution des projets. En effet, entre le lancement et le démarrage effectif des travaux, il peut s’écouler 6 à 12 mois. Ainsi, pour la RN4, le lancement du marché a été effectué le 10 février 2015. Les ordres de service seront, eux, délivrés le 03 mai 2016 pour un lancement des travaux le 16 novembre 2015.
Le démarrage effectif des travaux n’est intervenu qu’en mai 2016. L’avancement des travaux sur le terrain laisse dubitatif. En témoigne l’exemple du tronçon Manga-Zabré. Là, les travaux ont démarré en avril 2018 pour un délai d’exécution de 24 mois. Ils étaient à un taux d’exécution de 12% en octobre 2018, soit un délai de 42,66% du temps consommé.
Mais pour Mafing Kondé, trésorier général du REN-LAC, la préoccupation principale se trouve ailleurs que dans le délai d’exécution des travaux. C’est celle liée à la qualité des ouvrages livrés par les entreprises attributaires des marchés publics.
« Quand on parle de projets structurants, que ce soit les barrages, les routes, pour nous le REN-LAC, ce sont des projets qui doivent servir le pays, le peuple, la nation entière, pose-t-il. Si bien que quand on constate qu’une infrastructure (route, école, barrage) a cédé parce qu’il y a des conditions qui n’ont pas été bien remplies, cela nous interpelle et nous emmène à réagir ».
Récriminations des entreprises.
Incriminées, les entreprises attributaires des marchés publics rejettent en partie les accusations et renvoient la balle dans le camp de l’administration en ce qui concerne le respect du contenu des cahiers de charges. Elles dénoncent notamment « les lourdeurs administratives » qui conduisent aux retards dans le démarrage des travaux.
Le déplacement des réseaux de l’ONEA, de la SONABEL et de l’ONATEL dans les villes est cité parmi les causes de retards observables. A cela s’ajoutent les questions de dédommagement des PAP à résoudre le long de tous les chantiers des routes pendant les travaux.
Il ressort également de l’étude « l’imposition de démarrer les travaux à partir d’un point donné pour des raisons politiques (cas à Manga, pour tenir compte des festivités du 11-Décembre 2018 à Manga qui est une zone marécageuse où la progression est lente) ».
En février 2016, le Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale approuvait un financement d’un montant total de 30 millions de dollars sous forme de crédit en faveur du Projet de gouvernance économique et de participation citoyenne du Burkina Faso.
Habibou Tapsoba y est chargée de la gouvernance. Pour elle, il ne faut pas voir dans l’intérêt manifesté pour ce ministère de « l’inquisition » mais plutôt une nécessité de « situer les responsabilités au niveau de la passation des marchés, de la gestion du contrat par les attributaires et au niveau de la collaboration avec les populations riveraines en vue de l’amélioration de la réalisation de projets routiers ».
Le conseiller technique du ministre des infrastructures, Michel Kafando trouve en effet qu’« il y a des analyses très pertinentes ». Cependant, il relativise pour le temps écoulé entre les différentes étapes (la période entre le lancement et le début exécutif des travaux) vers la réalisation des travaux routiers.
« C’est vrai. Il est arrivé que dans beaucoup de projets, il y ait un temps assez long qui sépare ces deux actions. C’est une question qui a toujours interpellé le ministère ». Il dit « apprécier positivement ce contenu (qui) aura une valeur ajoutée dans l’amélioration des choses » certes, mais il émettra un bémol. « Pour certaines récriminations particulièrement, je note qu’il y a un peu de sévérité mais tout dépend de l’explication qu’on peut donner. Ce sont de gros chantiers ».
Dans les communes traversées par les tronçons concernés par l’étude du REN-LAC, les édiles ne cachent pas leur satisfaction. Fidèle Kalanfé Damba Ouoba est le maire de la commune de Kantchari située sur le tronçon Kantchari-Diapaga-Tansarga-frontière du Bénin dont le lancement des travaux est intervenu le 19 décembre 2017.
Le lot 1 (Kantchari-Diapaga) attribué à SOROUBAT qui n’a jusqu’ici installé que sa base. « A ce jour, rapporte l’édile, les choses sont en train de s’installer au fur et à mesure. On espère que les choses vont aller comme on le souhaite ».
Dans la commune de Gogo située sur l’axe Manga-Zabré (route nationale 29), l’entreprise l’Africain des Travaux Publics SA (ATP-SA) n’est pas plus avancée non plus. « Ça avance légèrement », informe le maire Bernard Goda.
Les travaux de l’axe Kantchari-Diapaga-Tansarga-frontière du Bénin, « un projet très important » aux yeux de Fidèle Kalanfé Damba Ouoba. Et pour cause ! « La route permettra de relier Kantchari jusqu’au Bénin. Du coup, ceux qui ont des déplacements à faire sur le Bénin ne seront plus obligés de passer par Fada-Nadiagou-Tanguetta. A partir de cette route, ils pourraient facilement rejoindre Cotonou, voire même Lagos au Nigéria et avec une distance minimale par rapport à l’autre voie ».
L’étude motivée par les réalisations dégradées avant réception, la fréquence des avenants, les soupçons de corruption (de l’attribution à l’exécution) est bien perçue par les deux maires dont les communes sont bénéficiaires.
« La fin des travaux, nous l’attendons avec impatience. Nous avons besoin d’une voie de qualité de sorte qu’on ne soit pas en train de reprendre les travaux dans les années à venir. Il faut concilier efficacité et efficience et qu’à la fin nous ayons des travaux de qualité au grand bonheur de nos populations », plaide le maire de Kantchari.
Oui Koueta
Burkina24
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