Burkina : L’année 2018 marquée par des « tentatives d’asphyxie (de médias) sous le couvert de procès »
Le peuple burkinabè se rendra aux urnes dans un peu moins de deux ans pour les élections présidentielle et législatives. Elles seront suivies quelques mois après par les municipales. D’ores et déjà, en cette journée mondiale de la liberté de la presse, le comité de pilotage du Centre national de presse Norbert Zongo et ses partenaires s’interrogent sur le rôle et la place des médias dans le dispositif. Cela donne l’Etude « Médias et conflits intercommunautaires : vecteurs ou acteurs sensibles ? »
Boureima Salouka est coordonnateur médias à la Deutsche Welle Akademie, « pendant technique de la coopération allemande qui s’occupe du développement des médias ». Cette école de formation au journalisme intervient depuis 2014 au Burkina Faso, au Mali et au Niger sur les questions relatives aux conflits (journalisme sensible aux conflits) à travers des formations clés dispensées aux animateurs et journalistes exerçant pour la plupart dans des radios communautaires « pour davantage de professionnalisation ». « Quand je regarde le thème, Médias et élections dans un contexte sécuritaire et communautaire au Burkina Faso, de cette journée consacrée à la liberté de la presse, nous sommes plein là-dedans », observe-t-il.
Le président du Conseil supérieur de la communication, l’organe de régulation chargé de « veiller à ce que la pratique professionnelle des hommes de média soit en adéquation avec la loi, les règles d’éthique et de déontologie », est catégorique. « Nul n’est besoin de rappeler les liens consubstantiels entre démocratie, élections et liberté de la presse. L’un n’est jamais sans les autres », a déclaré Mathias Tankoano, ce vendredi 3 mai 2019 lors de la présentation du rapport sur l’état de la liberté de la presse au Burkina Faso par le Dr Koffi Ametepé.
Seulement, relève Boureima Ouédraogo, président du comité de pilotage du Centre national de presse Norbert Zongo, avec pour référence le dernier rapport de Reporters sans frontières, la célébration de la 26ème journée mondiale de la liberté de la presse intervient dans un contexte mondial de dégradation de la liberté de la presse. Une dégradation qui se manifeste par « la haine contre les journalistes, les attaques contre les reporters d’investigation, la censure notamment sur internet et les réseaux sociaux, les pressions économiques et judiciaires ».
« Tentatives d’asphyxie (des médias) sous le couvert de procès »
Au niveau national, le contexte marqué par les actes de terrorisme et les menaces qu’il fait peser sur le vivre-ensemble et les principes démocratiques, la « précarité inquiétante des entreprises de presse dont la grande majorité sont dans une lutte permanente pour la survie » font partie des sources d’inquiétudes. A cela s’ajoute ce que le président du comité qualifie d’« entrave à la liberté de la presse à travers des tentatives d’asphyxie sous le couvert de procès aux relents de vengeance par des nouveaux prédateurs ».
Quatre (04) cas (« Harouna Zoungrana contre Le Reporter », « Une volonté de faire taire le journal Mutations », « Sept milliards de F CFA demandés au Courrier Confidentiel » et « Sidwaya dans le collimateur de l’association Nachroul Islam ») sont cités en guise d’exemple par les auteurs du rapport. En dépit de ces procès intentés contre ces journaux, le Burkina Faso a progressé de cinq places en passant de la 41ème en 2018 à la 36ème place en 2019.
De « la responsabilité sociale » des journalistes
Pour le président du comité de pilotage du centre national de presse, cette responsabilité est encore plus accrue dans le contexte particulier actuel de notre pays. « Pris en tenaille entre d’un côté le devoir et la liberté d’informer, et de l’autre, l’obligation de contribuer à la préservation de la paix et à la lutte contre les extrémismes de toutes sortes, les médias sont la cible autant des terroristes que des acteurs de la lutte contre ce phénomène », analyse Boureima Ouédraogo.
Le président du CSC, organe de régulation s’intéresse lui, aux mesures à adopter pour que les conflits communautaires ne remettent pas en cause la cohésion nationale. Pour cet avocat, « la responsabilité sociale des journalistes est (ici) fortement interpellée car il ne peut et ne doit mettre sa plume au service d’aucune initiative contraire à l’intérêt du peuple ».
Et ce à un moment où, le défi consiste à préserver l’Etat de droit et le vivre-ensemble. Le juriste français Antoine Garapon, comme le rappelle Boureima Ouédraogo, ne pensait pas si bien le formuler : « les médias sont pris dans un dilemme infernal (risque de faire des victimes à travers l’écho médiatique d’un côté et de l’autre une autocensure qui pourrait être interprétée comme une capitulation) »
Oui Koueta
Burkina24
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