Tribune – Terrorisme au Sahel : La communauté internationale doit enfin taper du poing sur la table

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 Ceci est une tribune de Yisso Bationo dur la situation sécuritaire. 

Silence. On casse du terroriste au Sahel. En l’espace d’une semaine, près d’une soixantaine ont été abattus par les Forces de Défense et de Sécurité au Burkina Faso. Ces derniers temps, les nouvelles du front sont plutôt rassurantes dans un contexte où l’opération Bourgou IV bât son plein. Si la puissance de feu des FDS se fait de plus en plus sentir, il faut toutefois se garder de tout triomphalisme. Les groupes terroristes qui écument la région du Sahel ne s’avoueront pas vaincus de si tôt. La guerre va se durcir. L’enlisement auquel on assiste au Sahel doit justement amener à se questionner sans fioritures sur les réels agendas des différentes troupes engagées dans le combat contre le terrorisme. A quand la fin du jeu clair-obscur de la communauté internationale?

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Barkhane, MINUSMA, G5 Sahel. Plus de 30 000 hommes sont à ce jour engagés sur le théâtre des opérations au Sahel. Le gros des troupes est déployé au Mali. En rappel, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies au Mali (MINUSMA), a été créée en 2013 par le Conseil de Sécurité avec comme mission l’appui aux efforts de stabilisation du pays, la protection des civils et le rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire malien. D’un effectif de 6491 éléments à ses débuts, la MINUSMA en compte aujourd’hui 14 400 soit plus que le double.

Paradoxalement, les attaques terroristes contre le Mali se sont intensifiées. Pire, le terrorisme étend son spectre ravageur à d’autres pays, charriant au quotidien des morts, des blessés, des réfugiés et personnes déplacées. Les attaques sont devenues plus fréquentes, plus meurtrières et plus audacieuses, puisque les groupes terroristes s’en prennent de plus en plus aux Forces de défense et de sécurité, jusque dans leurs casernes.
Comment comprendre que depuis plusieurs années, les troupes n’arrivent toujours pas à anéantir les bandes d’individus armés qui sèment terreur et désolation au Sahel ? Il y a un véritable problème. La situation est inacceptable.

L’impératif de mandats onusiens robustes

Sauf à vouloir se complaire dans une guerre sans fin, l’ONU doit impérativement reformer son système, doter la MINUSMA d’un mandat robuste et placer la force conjointe du G5 Sahel sous le chapitre 7 de l’ONU. La communauté internationale doit aussi respecter ses engagements en acceptant délier les cordons de la bourse. A ce jour, les pays du G5 Sahel n’ont même pas encore pu mobiliser la moitié des financements promis. Pendant ce temps, la situation empire chaque jour que Dieu fait.

Face à des terroristes armés et déterminés, il n’y a d’autre choix que d’opposer des forces militaires supérieures, mieux armées et plus déterminées. Autrement, les groupes terroristes vaincus et démantelés ailleurs continueront de trouver dans les zones de vulnérabilité en Afrique des sanctuaires où ils pourront prospérer, se réorganiser et poursuivre leur expansion. Le foyer incandescent doit être éteint au Mali. Le 18 novembre, lors du 6e Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique le président sénégalais Macky Sall a du reste pointé du doigt la lenteur de la communauté internationale face à l’urgence d’agir au Sahel. Selon Macky Sall, « Les périls transcendent les frontières. Leur prise en charge ne saurait être fragmentée. La paix, la sécurité et la stabilité du sahel sont parties intégrantes de la paix, de la sécurité et de la stabilité du monde.

En conséquence, combattre ensemble le terrorisme au sahel est à la fois un devoir de solidarité et un impératif de sécurité collective. En Afrique ou hors du continent, nous sommes tous menacés. Nous avons tous intérêt au maintien de la paix. »

Bien évidemment, la réponse au terrorisme n’est pas que militaire. Elle est aussi dans les stratégies préventives et durables d’ordre économique, éducationnel, social et doctrinal. Mais une meilleure coordination des opérations militaires peut déjà réduire considérablement les capacités de nuisance des terroristes.

Exacerbation du sentiment antifrançais
Au regard de la technologie et des effectifs déployés, de nombreuses personnes ne comprennent pas pourquoi les choses stagnent. Cette situation entraine une exacerbation du sentiment antifrançais au Sahel. Les manifestations antifrançaises se sont en effet multipliées ces derniers mois au Mali la plupart du temps, mais aussi au Burkina et au Niger. L’opération Serval a été décisive au Mali en 2013. Mais quelques temps après, les violences se sont multipliées année après année, et avec elles leur lot de morts, civils ou militaires, et de déplacés. Les groupes terroristes qui ne contrôlaient que quelques villes du septentrion malien en 2013, ont étendu leur mainmise au centre du Mali, au nord du Burkina Faso et au nord-ouest du Niger, et menacent désormais les pays côtiers de l’Afrique occidentale tels que le Bénin ou la Côte d’Ivoire.

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger doivent plus que jamais renforcer les opérations militaires de sécurisation dans la zone des trois frontières aux confins de leurs pays. L’expansion géographique permet aux terroristes de sortir des zones où ils peuvent être repérés et traqués et de déborder les mécanismes militaires et sécuritaires nationaux et régionaux. Les groupes affiliés à l’EI ou à Al-Qaïda, même s’il leur arrive de collaborer face à un ennemi commun, sont en compétition, d’où la prospection pour de nouveaux terrains d’implantation.

La forêt dense du complexe W-Arly-Pendjari, à cheval entre le Niger, le Burkina Faso et le Bénin, est idéale car elle rend la surveillance aérienne difficile et facilite l’accès aux ressources alimentaires par le biais du braconnage.

C’est dire combien les pays côtiers sont aussi potentiellement victimes des terroristes. Il faut donc tout mettre en œuvre pour que le verrou burkinabè ne saute pas. Les propositions ont déjà été formulées. Premièrement, les pays concernés doivent mutualiser leurs moyens, notamment à travers le partage de renseignements et la conduite d’opérations conjointes. Cependant, de tels efforts doivent se faire dans le respect des droits humains et sans stigmatiser des communautés données, au risque de contribuer à grossir encore davantage les rangs des groupes terroristes. Deuxièmement, les réponses sécuritaires et militaires sont parfois nécessaires afin d’affaiblir les capacités opérationnelles des terroristes. Toutefois, ces solutions resteront insuffisantes tant que des efforts supplémentaires ne seront pas entrepris pour remédier aux déficits en matière de gouvernance politique, économique et sécuritaire.

Aussi, faudrait-il que la présence et l’utilité de l’État aux yeux des populations soient renforcées, notamment à travers la fourniture de services sociaux de base. Troisièmement, bien que les appuis techniques, le financement et le partage d’expérience soient nécessaires pour prévenir et combattre efficacement le terrorisme, les pays du Sahel ne devraient pas dépendre trop fortement de soutiens extérieurs s’ils souhaitent prétendre au leadership auquel ils aspirent pour pourvoir à leur propre sécurité.

L’enlisement actuel démontre à souhait que le financement extérieur s’accompagne de retards, de contraintes et d’intentions qui ne sont pas toujours adaptées aux contextes, analyses et priorités en vigueur sur le plan local, national et régional. Face à une telle situation, les dirigeants et peuples du Sahel doivent simplement s’assumer. Pleinement.

Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou

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