Tribune I Lettre ouverte des syndicats au Président du Faso

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Ceci est une lettre ouverte des Secrétaires Généraux de syndicats adressée au Président du Faso.

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Excellence Monsieur le Président du Faso,

A la suite des élections couplées, présidentielle et législative du 22 novembre 2015, vous avez été porté à la tête de l’Etat du Burkina Faso. A cet effet, vous avez, le 29 décembre 2015, prêté solennellement le serment suivant : « Je jure devant le peuple Burkinabè et sur mon honneur de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution et les lois, de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso ».

Cependant, depuis lors, les syndicats ci-dessus cités, en ayant observé divers éléments, s’obligent aujourd’hui à attirer votre attention sur le besoin d’un regard plus accru sur la mise en œuvre de ce serment.

D’abord, sur le plan de la protection de l’intégrité des personnes et de leurs biens, nos organisations font le constat de difficultés accrues de votre pouvoir à assurer son rôle régalien de sécurisation des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national. Les différentes populations des localités du nord, du centre Nord, du sahel, de l’Est et du centre Est, etc. du pays continuent de vivre dans la psychose avec tous ces risques d’attaques terroristes et d’enlèvements.

Malgré la tenue d’un forum national sur la sécurité, malgré les changements de ministres au niveau de la sécurité et de la défense, de chefs d’Etat-major, en dépit du vote d’une loi de programmation militaire qui a augmenté de façon significative le budget de la défense, l’insécurité va grandissante.

Les attaques sont devenues quasi quotidiennes avec pour conséquences des centaines de tués parmi les populations civiles et les FDS, des déplacés internes dont le nombre dépasse officiellement le chiffre effarant de 700 000 personnes, de nombreuses infrastructures et biens détruits ou emportés, un désarroi des populations, particulièrement celles des zones affectées qui ont le sentiment d’être abandonnées par l’Etat, l’aggravation de la famine, etc.

En plus des actions meurtrières des groupes terroristes, on constate des faits graves de massacres de populations dont les plus illustratifs sont ceux de Yirgou et de Barga, faisant courir le risque de développement de conflits intercommunautaires vis-à-vis duquel le gouvernement semble faire preuve de complaisance. 

Ensuite, pour ce qui concerne la justice, si les premiers acteurs méritent d’être interpelés sur leur rôle, il n’empêche que nos syndicats observent un manque de volonté de votre pouvoir de traiter convenablement les cas de crimes. Cela se traduit entre autres par le faible accompagnement que vous accordez à la justice dans la lutte contre les différents crimes économiques et de sang.

A titre illustratif, les syndicats notent qu’il existait au début de l’année 2019 près de neuf cent dossiers (900) dossiers de crimes économiques et de sang dont l’instruction était terminée mais dont le jugement se heurtait à un manque de moyens.

Pour le cas spécifique de la Cour d’appel de Ouagadougou, nous observons qu’en dépit de ces nombreux dossiers en attente de jugement, il n’a pu se tenir sur les cinq dernières années, et ce, par manque de moyens, que cinq sessions criminelles alors que la loi prévoit en principe une session criminelle par mois. Sur ces cinq sessions criminelles, quatre n’ont été possibles que par l’intervention des partenaires techniques et financiers.

Enfin, en matière de bonne gestion des ressources publiques et de moralisation des comportements, les dénonciations de faits de détournement, de vol, de corruption, notamment par la presse, sont devenues quotidiennes. Les montants en jeu se chiffrent à des centaines de milliards de francs CFA.

Si nos syndicats encouragent la justice au renforcement de l’auto-saisine dans de telles hypothèses, ils ne peuvent manquer néanmoins de s’étonner qu’en vous écoutant, ils ont l’impression que pour vous, la compétence des juridictions exclut la possibilité pour le pouvoir de prendre des mesures administratives de clarification et de sanction en attendant la saisine de la justice comme cela s’observe dans certains pays.

Une telle option leur paraissait tout à fait envisageable lorsque la presse a fait état d’audiences monnayées à la Présidence du Faso ou pour les situations d’allégations de détournement de la part de Ministres qui, du reste, ne relèvent pas en principe de la compétence des juridictions ordinaires contrairement à ce que la communication du pouvoir donne souvent à penser comme pour mieux masquer son refus de s’assumer.

Cet état de fait engendre déception et colère légitime chez nombre de Burkinabè pour qui l’insurrection populaire et la résistance victorieuse au putsch de septembre 2015 qui ont permis votre accession au pouvoir avait suscité beaucoup d’espoir. Vous ne devez pas oublier que pour l’avènement de cette insurrection et dans le cadre de la résistance au putsch manqué de 2015, les Burkinabè ont consenti des sacrifices divers allant jusqu’au sacrifice suprême. 

Les luttes syndicales dont vos soutiens et vous, vous plaignez régulièrement, sont à rattacher à ces attentes et à leur non satisfaction.

Face à cette situation, la présente lettre ouverte vise à recentrer le débat national sur les problèmes des travailleurs et, par-là même, mettre fin à la dangereuse dérive amorcée contre eux en méconnaissance de leur forte part contributive à la production des richesses nationales. Le recadrage consiste à ramener les repères de notre action, de votre action sur les principes et les règles de l’Etat de droit très malmenés sous votre régime. Vous ne semblez plus entendre désormais les préoccupations qui tenaillent les travailleurs et le peuple. Quelques illustrations :

  • l’accès aux services sociaux de base (éducation, santé, logement, emploi, eau, électricité) demeure une chimère pour la plupart de vos concitoyens ;
  • la vie chère frappe les couches populaires dont le pouvoir d’achat s’amenuise de jour en jour du fait des augmentations incessantes de prix des produits de grande consommation et de l’introduction de nouvelles taxes ;
  • la mauvaise gestion des ressources à travers le bradage du patrimoine national, le pillage des ressources et la corruption ;
  • le gaspillage des ressources pour la mise en œuvre de réformes hasardeuses dans l’administration publique ;

L’argument phare derrière lequel se réfugie votre pouvoir pour justifier la non satisfaction de ces préoccupations est le manque de ressources. Pendant ce temps, les syndicats observent de votre part un silence assez préoccupant sur les nombreux crimes économiques dont font régulièrement état les rapports des institutions de lutte contre la corruption et la presse.

Du reste, dans les situations où vous avez été parfois contraint de vous prononcer sur les cas de corruption ou de mauvaise gestion, vous avez parfois fourni des réponses dont la teneur est porteuse d’un risque de banalisation des faits. Ainsi, interrogé sur les prêts non remboursés par des députés lors de votre interview du 11 Décembre 2019, vous avez défendu ce pillage des ressources publiques en avançant ceci : « Quand vous arrivez à l’assemblée, c’est simple : il y a un crédit automobile qui était prévu … tant que vous êtes à l’assemblée, ça vous permet de payer votre voiture, mais quand vous sortez, … vous n’avez plus d’argent pour payer ces véhicules-là, ça pose problème … »

Que dire de ces ministres qui, arrivés au gouvernement sous votre régime, négocient leur salaire en faisant fi du salaire officiel fixé par décret 2008-891/PRES/PM/MEF du 31 décembre 2008 portant rémunération du Premier Ministre, des Présidents d’Institutions et des Membres du Gouvernement avec des écarts qui sont allés jusqu’à 4 350 000F CFA sans que cela n’embarrasse ni vous, ni le Premier Ministre ni la majorité Présidentielle ?

C’est précisément là que se trouve l’imposture qui, entre autres, révolte les travailleurs contre l’IUTS sur les primes et indemnités considérée comme la mesure de trop, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Que dire du boom minier dans notre pays ces dernières années et dont les populations attendent jusque-là des retombées significatives ?  

Pour revenir à l’actualité, nous notons que depuis le dépôt de notre préavis de grève le 27 Février 2020, nos organisations syndicales n’ont enregistré aucune réaction de votre part. En lieu et place d’un dialogue responsable avec nos organisations, nous assistons plutôt aux attaques de vos thuriféraires (ministres, députés, cadres de votre parti ou de partis alliés) qui, pèle mêle, accusent les organisations syndicales et les travailleurs :   

  • de faire preuve d’égoïsme car s’accaparant de l’essentiel du budget national au détriment des populations ;
  • de vouloir se soustraire à l’impôt ;
  • de pratiquer la subversion ou de faire usage du terrorisme ;
  • de refuser de prendre en compte les graves dangers qui pèsent sur le pays que sont notamment les attaques terroristes et depuis peu la pandémie de corona virus ;

Toutes ces attaques à travers les médias, les réseaux sociaux, au cours des rencontres politiques, lors des sorties dans les régions des personnalités de votre régime, ne visent, de toute évidence, qu’un seul but : éluder les vraies questions de votre gouvernance en ce qu’elle impacte négativement l’existence de millions de Burkinabè, y compris les travailleurs salariés.

La suite de cette logique, ce sont les mesures répressives diverses dont les organisations syndicales sont victimes de la part de responsables administratifs à tous les niveaux. On peut inscrire dans ce cadre les coupures de salaires abusives et illégales au niveau des travailleurs de différents ministères, les affectations punitives de responsables et militants syndicaux, le blocage de la mise en œuvre du check off qui pourtant a fait l’objet d’accord lors des négociations Gouvernement/Syndicats, la relecture du Code pénal aboutissant à une limitation du droit à l’information des populations et de la liberté de presse, l’interdiction et la répression de marches pour des impératifs dits sécuritaires pendant que dans le même temps d’autres manifestations qui profitent au pouvoir sont autorisés, le refus de délivrer à l’APN son récépissé malgré les décisions de justice y relatives,  etc.

Pour nos organisations, les questions de terrorisme et de coronavirus qui sont des menaces réelles pour notre pays, ne peuvent et ne doivent pas occulter le non-respect de la vie humaine, la prédation de la richesse nationale, la promotion de l’injustice sociale, la destruction des droits et acquis sociaux et démocratiques des travailleurs. Car c’est aussi sur ces terrains que se construit le vivre ensemble apaisé pour toute la nation.

Lors de votre prestation de serment le 29 Décembre 2015, dans la salle du Palais des sports de Ouagadougou, vous avez repris le slogan : « Plus rien ne sera comme avant ». Cette profession de foi doit recevoir une traduction encore plus vivante pour éviter que ne soient enterrées les valeurs dont la remise en cause a conduit à l’insurrection et à la résistance au putsch de 2015, valeurs auxquelles les travailleurs tiennent toujours. Ce sont ces valeurs qui les portent dans leurs actions et les dressent contre l’injustice et la mauvaise gouvernance.

Concernant le mouvement actuel, nos organisations attendent de vous un sursaut qui passe par :

  1. le respect et la considération dus aux organisations syndicales représentatives ;
  2. l’arrêt immédiat des mesures répressives envisagées qui ne feront que dégrader davantage le climat social ;
  3. l’examen sérieux et diligent de la plateforme ;
  4. la prise en considération des préoccupations de notre peuple.

Tout en vous souhaitant une bonne réception, nous vous prions de croire, Excellence Monsieur le Président du Faso, à l’assurance de notre très haute considération.

Ont signé :

CGT-B

 

 

 

Bassolma BAZIE

SYNATEB

 

 

 

François De Salle YAMEOGO

SYNTAS

 

 

 

Juste K. LOGOBANA

SYNATEL

 

 

 

Soulemane SO

SYNATIC

 

 

 

Sidiki DRAME

SYNAMICA

 

 

 

Arthime N. KAMBIRE

SYNASEB

 

 

 

Bourama OUATTARA

SATB

 

 

 

Idrissa S. TAMBOURA

SYNAPAGER

 

 

 

Windyam ZONGO

SBM

 

 

 

Moriba TRAORE

SYNAFI

 

 

 

Mohamed SAVADOGO

SMB

 

 

 

Désiré D. F. COMBARY

SYNPTIC

 

 

 

Salfo ILBOUDO

SYNATRAD

 

 

 

Blaise R. NEBIE

SYNTPC

 

 

 

Dramane SERME

SYNACIT

 

 

 

Tianè BORO

SAMAB

 

 

 

Emmanuel S. OUEDRAOGO

SYNACSAB

 

 

 

Dieudonné TOUGFO

SYNADES

 

 

 

Guingri KABORE

APN

 

 

 

Ousmane OUEDRAOGO

SYNAFEB

 

 

 

Robert K. KABORE

SYNATRAME

 

 

 

Idrissa OUEDRAOGO

SYNATRACT

 

 

 

Boukari KOALA

SYNTEF

 

 

 

Bernard SAWADOGO

SYNAFER

 

 

 

Eric K. NANGA

SYNAJEFP

 

 

 

Issouf SANOU

SYNAGSP

 

 

 

Boulaye PARE

SGB

 

 

 

Abdoul Aziz KAFANDO

SYNAPAP

 

 

 

Omar P. SAWADOGO

SYNAG

 

 

 

Jean LANKOANDE

MONEP

 

 

 

Mohamadi ZOUNGRANA

SAMAE

 

 

 

Bruno Laonta KAMBIRE

SYNAMUB

 

 

 

Abdoul Kader OUATTARA

SYNAGRH

 

 

 

Souleymane ZOROME

SYNAGID

 

 

 

Souleymane SOARE

COPM-B

 

 

 

Alassane ZINA

SYNAPDH

 

 

 

Pawindé Mathieu TONDE

SYNTRAPOST

 

 

 

Alain SOME

SLCB

 

 

 

Zoro TIENDREBEOGO

SYNASDB

 

 

 

Moumuni W. KOANDA

SYNIACCB

 

 

 

Adama DABILGOU

 

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