Tribune│Covid-19 : quel confinement pour les personnes déplacées internes ?
Ceci est une tribune sur la situation du coronavirus.
L’année 2020 a connu un démarrage très difficile. Dès ses premières heures, des tensions déchiraient le monde entre pro-étatsuniens et pro-iraniens après une intervention musclée des USA visant à abattre le Général Souleimani. Très rapidement, une maladie négligée qui avait débuté en Chine a commencé à ré-unir le monde pour une synergie d’action en vue d’endiguer et de rayer ce qui deviendra la pandémie du Coronavirus ou Covid-19.
Cette pandémie a d’abord fait ravage en Asie, puis en Europe et en Amérique, avant que l’Egypte et le Maroc n’enregistrent les premiers cas sur le continent africain. Le 09 mars, le Burkina Faso esquissait ses premiers pas dans la sinistre valse avec ses deux (02) premiers cas, et depuis lors, le nombre de cas ne va que croissant. Pays pauvre très endetté confronté aussi au fléau du terrorisme, le Burkina Faso devait finalement ajouter à son chapelet de malheurs le Covid-19.
La gestion de la crise sanitaire mondiale au Burkina Faso requiert une batterie de mesures fortes et intelligemment pensée ; or l’appareil central de l’Etat a versé dans le tâtonnement et l’incohérence.
Cependant, certaines mesures importantes ont été prises et méritent d’être relevées, tels que le couvre-feu ‘’décrété’’ par le Président, l’Etat d’urgence sanitaire et la mise en quarantaine de certaines villes décrétés par le Conseil des Ministres et d’autres mesures de restrictions temporaires de libertés décrétés par le Premier Ministre et les ministres compétents.
Le Président a, par la suite, annoncé le 02 avril dans son message à la Nation, des mesures sociales d’accompagnement pour atténuer les effets pervers des décisions précédemment prises. Ces mesures sociales d’accompagnement, bien qu’impactant plus ou moins positivement une grande partie de la population, sont loin d’être satisfaisantes. En effet, une tranche très vulnérable de la population semble, depuis le début de la crise sanitaire au Burkina Faso, être marginalisée et négligée. Il s’agit des Personnes Déplacées Internes (PDI) qui, au regard de leur situation particulière, ont besoin d’un accompagnement spécial à travers la prise de décisions pour leur catégorie spécifique.
En rappel, le Burkina Faso fait face à une grave crise sécuritaire depuis 2015. Cette crise a pousser plus de 800.000 personnes dans le nord du Pays, à quitter leurs foyers pour échapper aux violences des groupes terroristes. Puisque les violences continuent, le flux de déplacés continue de plus belle.
Ces mouvements migratoires des populations pourraient favoriser la propagation du virus. Les personnes déplacées, une fois dans leurs localités d’accueil, sont reparties dans plusieurs petits camps. Ces camps sont surpeuplés, ce qui n’est pas de nature à favoriser les mesures de distanciation sociale.
En plus, les PDI vivent déjà dans des conditions financières difficiles. Il leur est donc souvent impossible de se procurer les équipements minimum de protection contre la maladie. Les mauvaises conditions d’hygiène sur ces camps, dus entre autre à l’accès très limité à l’eau potable, ne sont pas pour arranger leur condition sanitaire. L’accès limité aux services de santé est un problème quotidien auquel les PDI sont confrontées sur leurs sites. Ce problème est encore plus prononcé dans le contexte de la crise sanitaire pandémique du Covid-19.
Il va sans dire que la pandémie à Coronavirus vient aggraver la situation des PDI qui vivent déjà dans des conditions délétères et qui sont déjà fortement exposées à des maladies telles que le paludisme, le choléra, la malnutrition, etc. Le gouvernement Burkinabè devrait donc prendre conscience que les conditions des PDI sont de nature à les rendre très vulnérables et à favoriser la propagation du virus, et prendre des mesures spécialement dirigées vers elles conformément à l’article 9 paragraphe 2 lettre c de la Convention de l’Union Africaine sur la Protection et l’Assistance aux Personnes Déplacées en Afrique, convention à laquelle le Burkina Faso est partie. Le fait donc qu’elles soient hautement exposées à la pandémie fait des PDI, des personnes ayant des besoins sanitaires spéciaux que l’Etat doit satisfaire et cette provision oblige l’Etat à leur apporter une protection spéciale adéquate.
Pour commencer, le gouvernement pourrait, comme il l’a déjà fait pour le milieu carcéral, prendre des dispositions pour désengorger les camps de déplacés internes en en créant de nouveaux. Cela permettra de mieux maitriser les effectifs et donc de mieux faire appliquer les mesures de distanciation sociale. Des dispositions similaires ont été prises dans des pays comme le Nigeria, le Soudan et le Soudan du Sud, sur recommandation de Human Rights Watch.
Le gouvernement pourrait ensuite leur garantir l’accès à l’information sur la maladie et sur les mesures d’hygiène en dotant les différents sites de télévisions et radios et en y menant des campagnes de sensibilisation en collaboration avec les organisations internationales déjà à pied d’œuvre à cet effet. L’un des facteurs de contamination étant la désinformation, il s’impose d’attaquer le mal à la source, surtout qu’une perception erronée selon laquelle la maladie est un virus étranger, est susceptible d’exposer les travailleurs humanitaires étrangers et de limiter leur intervention.
En outre, le gouvernement pourrait prendre des mesures pour améliorer l’hygiène des populations en leur garantissant l’accès à l’eau potable et en installant des dispositifs de lavage de mains. En plus, l’Etat pourrait distribuer du savon et du gel hydro-alcoolique et des masques de protection dans les camps.
Cela leur permettra de se conformer aux exigences hygiéniques dictées par la nouvelle situation. Dans cette mission, l’Etat peux collaborer avec des organisations comme l’Alliance Technique d’Assistance au Développement (ATAD), qui ont entrepris ce genre d’actions sur les sites de déplacés mais dont les moyens sont limités.
Pour finir, l’Etat doit prendre les mesures nécessaires pour rendre les services de santé accessibles aux PDI, notamment en rendant les tests accessibles à elles. En effet, des tests massifs et réguliers de dépistage de la maladie doivent être organisés pour les PDI. Cela permettrait de contrôler la situation et d’anticiper des mesures supplémentaires au besoin.
C’est à ce prix que l’Etat Burkinabè sera respectueux de ses engagements internationaux à l’égard des Personnes Déplacées Internes !
Finh Monique Carine TRAORE
Écouter l’article
|
Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Suivre la chaine
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
Restez connectés pour toutes les dernières informations !
Excellente analyse…
Faut dire que le gouvernement burkinabè à lui seul aura de la peine à lutter contre ces phénomènes ( Covid19 et terrorisme) de façon efficace et Efficiente. Au vu de l’urgence qui est demandé pour le cas du Covid19,il sera louable que toute la communauté africaine à travers la CEDEAO réagisse à ce cris de coeur… !
Bel article qui, non seulement, fait ressortir de manière suscint les maux qui minent notre société mais également, lance un appel pour une action spécifique en faveur des PDI. Les PDI de Kongoussi sont aujourd’hui des sinistrés suite à la pluie diluvienne de la fin de semaine dernière. J’espère que votre interpellation sera prise au sérieux car les camps sont vraiment un milieu de forte concentration pour ne pas dire de promiscuité. Alors l’infection d’une seule personne pourra s’avérer catastrophique. Le dépistage massif en est donc une des solutions. Félicitations