Lettre ouverte à tout Burkinabè : Pour un engagement citoyen et démocratique
Ceci est une lettre ouverte écrite par Didier Ouédraogo, un philosophe burkinabè.
« Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile » Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, livre II, 40, fin du Ve siècle av.ne
Affirmer que la situation de la nation burkinabè préoccupe plus d’une personne au Burkina comme dans sa Diaspora, ou encore dans le monde, relève de la tautologie. Les arènes politiques, économiques et sociales offrent le spectacle des préposés aux supplices.
Les scénarii semblent se succéder, sans interruption, devant des spectateurs, dont le regard livide, rivé sur la même tragédie, semble se complaire dans la répétition de leur propre mise à mort, symbolique et cependant cruellement réelle. Ce faisant, les temps semblent murs pour le spectacle critique et la mise en scène d’autres scénarii.
Il ne s’agit pas d’une commodité de changement du roman national, mais d’un impératif historique, à défaut duquel notre peuple disparaîtra ou, au mieux, se retrouvera dans les affres d’un servage renouvelé par ses propres fils et filles. Notre pire ennemi n’est pas toujours l’Autre qu’on désigne, de loin, du doigt. La figure de l’ogre hante la République du Burkina Faso.
Regarder en face
Tous les indicateurs sont au rouge au Burkina Faso.
Alors, des spécialistes de l’intérieur et de l’extérieur rivalisent d’adresse dans les constats, analyses et recettes thérapeutiques dans tous les domaines.
Cependant, des initiatives populaires, ininterrompues, de résistance citoyenne face aux multiples défis existent. Cette résistance populaire, portée par des organisations politiques, syndicales, paysannes, de femmes, de jeunes et de la société civile, toutes résolument engagées, témoigne de la volonté et de la détermination du peuple burkinabè à triompher des défis qui jalonnent son histoire. Cette résistance est visible dans toutes les couches laborieuses, urbaines et rurales et en particulier au sein de la jeunesse dans son ensemble. Elles refusent toutes de s’abandonner à une fatalité dans laquelle les incline la gestion actuelle du pouvoir. Cette résistance face à la perpétuation d’une gouvernance qui, depuis quelques décennies, sape les fondements d’une nation démocratique et tourne le dos aux générations actuelles et futures, synthétise, à travers ses initiatives, les questions prioritaires, posées et à résoudre, dès maintenant et sans délai.
L’élan populaire de révolte sourde et insurrectionnelle s’amplifie. Il nous enseigne que le temps de la « critique ajustée et feutrée« , critique consensuelle et lâche, qui se nourrit d’un activisme intéressé et impropre à un changement qualitatif de notre situation nationale est révolu. Il est temps en effet d’opérer une véritable rupture, devenue vitale, si nous voulons éviter tout simplement de disparaître, comme peuple et comme nation. Se contenter d’observations regrettables des maux qui minent notre société s’apparente à une démission.
Rompre avec la connivence ou la démission paisible
Si la tolérance constitue une vertu, il est des moments dans l’histoire des humains, en l’occurrence celle qui a cours au Burkina Faso, où elle incline à la connivence pour un statu quo insoutenable, en somme à un renoncement à occuper simplement sa place dans l’espace public, comme citoyen, à qui incombe aussi la contribution pour une nation juste et démocratique, viable pour tous.
L’avenir dont rêve la majorité des citoyens et démocrates burkinabè, moins austère, l’horizon que nous scrutons chaque jour pour tenter d’y voir des lueurs de notre progrès et de notre émancipation, ne peuvent se réaliser tant que nous nous contenterons d’être juste de « bons citoyens« , se tenant à l’écart du tumulte, des questions nationales complexes, loin de turbulences sociales. Notre place ne consiste pas à sauver juste notre tête et celles de nos proches, parents et amis. Face aux promesses électorales en tous genres, notre avenir ne consiste pas à « attendre de voir… ». Le silence de nos colères légitimes et convictions contrariées doit se libérer des calculs électoraux conduisant à des paix sociales factices. Cette libération sonne le temps d’une rupture à assumer dans le respect de notre droit à une vie meilleure pour tous.
Par ailleurs, une attitude de retranchement d’une partie de nos compatriotes dans une Providence constitue un exutoire à bas coût, alimenté par la capacité de résilience, célébrée par monts et par vaux, pour les laissés-pour-compte de notre histoire nationale. Il est improductif de scander la fin de toutes nos souffrances actuelles dans un temps apocalyptique. Ces postures alimentent les illusions d’une réelle émancipation, consolident le statu quo dont nous devons cependant sortir. Notre salut ne dépend que nous.
Notre capacité à comprendre cette situation nationale devenue intolérable doit nous faire sortir de cette attitude défensive, en refusant de nous mouler dans le consensus mou et la critique ajustée. Nous devons nous mettre définitivement sur le chemin d’actions citoyennes concertées, au-delà de tout esprit partisan.
Pour ce faire, agissons de manière concertée ! Les initiatives sporadiques, bien que louables, ne produisent que des effets de même nature. L’absence de réactivité, d’initiatives et de créativité collective et concertée incline à la condescendance face à la médiocrité ambiante, à l’absence de résultats démocratiques, économiques et sociale viables et durables. Cette absence, devenant silence, s’accommoderait de ce respect lâche des formalismes institutionnels, du fétichisme électoral, qui confortent le jeu de dupes, à l’instar de ces élections imminentes du 22 novembre 2020.
Ne rien faire mettrait non seulement en péril la fragile petite place que nous tentons d’occuper sous ce soleilbrumeux du Burkina Faso. Mieux, cela conduirait la nation toute entière dans les décors de l’Histoire. Ne rien faire, c’est accepter que le soleil, chaque jour, s’éteigne un peu plus sur nos vies de citoyens, par ce jeu de massacre de nos aspirations à une vie meilleure, des vies livrées au libéralisme sauvage, à la violence insoutenable d’un terrorisme interne et externe, à une gouvernance qui va a volo. Alors, ta place t’attend !
S’engager en citoyen conscient et en démocrate
Il s’agit impérativement d’entreprendre et d’inventer ensemble, une société juste, avec un esprit critique, conséquent et audacieux.
Après avoir vu et compris, il nous faut désormais nous armer de courage et poser des actes qui mobilisent résolument notre peuple et sans complaisance sur des lignes propices au changement qualitatif de la nation.
L’engagement de celles et ceux qui ont compris les maux de notre société burkinabè n’est pas un confort de citoyenneté. Au-delà des contraintes et pressions en tous genres, il est un devoir envers notre peuple, devant l’Histoire nationale, régionale et universelle (mondiale), en vue d’initiatives pour le relèvement de la nation toute entière.
Cet engagement est indispensable, parce que vital. Il doit être sans concession sur des valeurs de vérité, de justice et de courage pour le changement social véritable, au bénéfice de tous. Il est inséparable de l’aspiration légitime de chaque burkinabè à vivre dans la dignité. L’intégrité dans l’action dont nous devons faire preuve n’est pas une chasse gardée de bienséance. Elle est une valeur à forger en chacun de nous et à partager avec notre peuple qui doit aussi la reconquérir, la défendre, et en faire le socle de notre construction commune. La vérité et la justice ne sont pas seulement de belles notions pour des repus de beaux discours. Elles doivent aussi prendre place dans les faits et gestes de chaque citoyen, de chaque acteur de la démocratie, de chaque acteur de cette nation.
Cher compatriote, citoyen et démocrate,
Le temps est révolu de te laisser parasiter l’espace public national par de funestes promesses et des chimères.
L’heure est venue de chasser l’ombre, sous toutes ses formes, pour faire place à la lumière.
Là est ta tâche, comme fille et fils du Faso.
Un autre Burkina ici et maintenant ne se construira pas sans toi, sans nous.
Didier OUEDRAOGO
Philosophe
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Voici un article d’une objectivité, d,une profondeur et d’une rigueur discursive indiscutables. Bravo Mr Ouedraogo !