Houndé : L’or ne brille pas pour tout le monde !

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Houndé, chef-lieu de la province du Tuy, région des Hauts-Bassins. Située à 250 km au soleil couchant de Ouagadougou la capitale, cette commune urbaine abrite l’une des treize (13) mines d’or industrielles en exploitation au Burkina Faso. Depuis 2017, la Société Houndé Gold Operation, une filiale du groupe canadien Endeavour Mining exploite le gisement aurifère de la localité, qu’elle détient à 90 %, les 10% restants revenant à l’Etat burkinabè. Depuis 2019, cette municipalité bénéficie chaque année d’une somme importante provenant du Fonds minier de développement local qui lui est versée pour des investissements censés propulser son développement local. Mais vraisemblablement, tout ce qui brille n’est pas or. Cinq ans après l’installation de la mine, l’économie locale peine à décoller et la pauvreté s’est installée dans les ménages. 

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En ce beau matin de mi-décembre, un vent froid et sec souffle sur cette ville d’environ 87 154 âmes (selon le recensement de 2019). Telle une fourmilière, cette cité au relief vallonné, grouille de partout, chaque habitant vaquant à ses activités quotidiennes. Dans les kiosques et autres gargotes, les tenanciers s’activent pour recevoir les premiers clients.

Dans un petit restaurant situé en bordure de la Route Nationale N°1, un groupe d’employés de la mine reconnaissable par leur tenue, est en train de prendre le petit déjeuner. Ils s’apprêtent à assurer la relève à l’équipe de nuit. Entre eux, l’ambiance est bon enfant. Ici à Houndé, c’est eux les maîtres incontestés de la belle vie, nous soufflera plus tard un résidant de la ville.

Un autre groupe cette fois très réduit prend place face au groupe des miniers. Ces derniers semblent être des passagers. Dans quelques heures, ils devront continuer leur route. Houndé est en effet, la dernière grande ville avant d’arriver à Bobo-Dioulasso, la capitale économique du pays, et généralement, les voyageurs n’y font qu’une brève escale. 

Observant tout cela depuis un coin du restaurant, nous aussi sommes tentés de nous faire servir. « Comme c’est le matin, il n’y a que la soupe qui est prête », nous lance la serveuse, avec un petit sourire au coin des lèvres.

Quelques instants après, nous sommes servis. Mais ce que nous ignorions, c’est que cette soupe est en fait du réchauffé des plats restants de la veille. Et comme il fallait s’y attendre, le goût succulent que nous attendions a fait plutôt place à un goût moins agréable.

Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. C’est au moment de régler l’addition que nous prendrons la température du coût de la vie dans cette cité. Pour un plat d’un ¼ de poulet, nous avons déboursé 1250 FCFA.  Ailleurs, ce même plat est proposé à 1000 FCFA.

Nous quittons ces lieux pour un rendez-vous avec le président du Comité de Veille Citoyenne (CVC), un mouvement de la société civile, très engagé pour une gestion transparente des finances publiques à Houndé. Nous nous engageons sur une rue cahoteuse et au bout de quelques minutes, nous arrivons au siège provincial du Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et du Peuple (MBDHP) où nous attendait Adama Traoré. Dans nos échanges, ce responsable nous confirme l’impression que nous avons eue dans ce restaurant.

Lire aussi👉De Dédougou à Houndé : Les Comités de Veille Citoyenne font de la redevabilité leur cheval de bataille

 « Depuis que la mine est là, de la phase d’exploration à la phase d’exploitation, la vie est devenue extrêmement chère à Houndé. Ce qu’on pouvait gagner à 100 FCFA est passé à 200 FCFA et ce qu’on pouvait gagner à 500 FCFA est passé à 1000 FCFA, au grand dam des populations », raconte le président du Comité de Veille Citoyenne de Houndé, Adama Traoré. 

« C’est maintenant même que le phénomène a diminué. Au début, il y a des fonctionnaires qui ont quitté des maisons ici. Les bailleurs ont doublé le prix des loyers du jour au lendemain. Une maison qui coûtait 25 000 FCFA, le bailleur vient t’informer qu’il loue désormais sa maison à 50 000 FCFA. Et il vous dit, si vous ne pouvez pas payer, vous sortez, les miniers vont venir prendre », se souvient Adama Traoré, visiblement remonté par cette flambée du coût de la vie dans cette ville minière. 


(Vidéo): Analyse du Président du CVC Houndé Adama Traoré

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Assise derrière son restaurant avec ses employés, Ouaramatou Konaté, gérante du restaurant la Grâce de Houndé, est en train de découper des légumes qu’elle vient de s’approvisionner au marché.  « Le riz, l’huile et même les condiments, tout est devenu cher. Ce qu’on achetait à 500 FCFA est passé à 700 FCFA ou à 900 FCFA », raconte-t-elle.

Mais contrairement aux autres secteurs d’activités, la restauration tire son marron du feu, nous confie dame Konaté : « Vous savez, quel que soit le problème des gens, ils ne peuvent pas ne pas manger. Donc il y a toujours de la clientèle », marmonne-telle. 

En route pour le grand marché de Houndé, nous sommes attirés par un étal de meubles, des lits faits à base de bambou devant un atelier de menuiserie. Hubert Zi, un jeune homme dans la trentaine habillé en blouse bleue en est le propriétaire.

Il travaillait autrefois avec un patron, mais depuis 2021, il a ouvert son propre atelier et travaille à son propre compte. Une expérience difficile pour ce jeune homme qui peine à décrocher quelques marchés. Une morosité qui reflète, selon notre interlocuteur, le niveau de pauvreté de la population locale. 

« Nous ne bénéficions pas des retombées de la mine. Comme la majorité des travailleurs de la mine ne sont pas des natifs de Houndé, à la fin des deux ou trois semaines de travail, ils rentrent soit à Ouaga ou à Bobo. Donc l’argent qu’ils gagnent ici n’est pas dépensé ici. S’ils dépensaient leur argent ici, nous qui sommes de la localité aurions pu aussi bénéficier. Ils viennent ramasser nos richesses et ils retournent chez eux. Même lorsque nos clients habituels viennent pour des commandes, ils proposent des prix bas soi-disant qu’ils ne sont pas des miniers, alors que les miniers aussi n’achètent pas chez nous », se plaint-il.

Entrée du grand marché de Houndé

Selon ce jeune menuisier, les effets de la mine sont dévastateurs sur l’économie locale. La présence de la mine, d’après lui, a provoqué une inflation qui à son tour a impacté négativement le pouvoir d’achat des populations.

« Ça crie partout à l’heure-là. Au début, les gens pensaient que la situation allait changer avec l’installation de la mine. Mais la mine est venue tuer l’économie de la ville alors qu’elle a commencé, il y a à peine cinq ans. On ne sait pas d’ici cinq ans à venir ce que la ville va devenir. Est-ce que les gens ne vont pas fuir la ville ? Si en cinq ans d’existence de la mine, on n’arrive plus à subvenir à nos besoins, ça veut dire que la mine est venue tuer la ville », rouspète ce jeune houndélais, dont la déception et le désarroi se lisent aisément sur le visage. 


Vidéo: Hubert Zi, un jeune houndelais très pessimiste quant à l’avenir de sa ville

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Plus tard, nous sommes reçus par le président de la coordination des corps socioprofessionnels et des Associations de jeunes de Houndé, Mamadou Bonkian. Assis devant son atelier de menuiserie face au bitume, ce cinquantenaire est également membre du Comité de Suivi et de Liaison de Houndé Gold Operation, précisément dans la sous-commission achats locaux.

En effet, avec l’arrivée de la mine, dans les différents secteurs d’activités, les fournisseurs locaux se sont constitués en sociétés coopératives pour sous-traiter avec la mine. Ainsi se sont constituées des coopératives dans la soudure, dans la menuiserie, dans la restauration, dans le transport, etc.

Mieux, un comité de suivi et de liaison (CSL) a été constitué à l’intérieur duquel se trouve une sous-commission chargée des achats locaux. Le rôle de cette sous-commission est d’être un intermédiaire pour diffuser les offres de marchés au profit des entreprises locales.  

De l’avis de Mamadou Bonkian, dans sa phase de construction, la mine avait employé beaucoup d’ouvriers locaux et octroyé beaucoup de marchés aux fournisseurs locaux. Ce qui a produit un effet bénéfique sur l’économie locale.

« Mais quand on a quitté la phase de construction pour la phase de production à partir de 2019, les marchés ont non seulement baissé mais les conditions d’octroi de ces marchés ont aussi changé. Tout est parti en arrière depuis 2019 », fait-il remarquer. 

« On a constaté une baisse des commandes de la mine. Les marchés sont devenus de plus en plus rares. Seules les restauratrices et les transporteurs continuaient à avoir des marchés. (…) Je peux comprendre qu’à la phase d’exploitation, les besoins en fournitures locales puissent baisser mais ça ne peut pas s’arrêter », s’indigne ce responsable local.


(Vidéo): Mamadou Bonkian évoque la rareté des marchés pour les fournisseurs locaux

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D’après ses explications, les appels d’offres de la mine ne passent plus devant la sous-commission chargée des achats locaux. Réduite à sa simple existence ou à résoudre les litiges, Mamadou Bonkian dit ne plus se reconnaître dans cette sous-commission.

« Le travail que cette commission était censée faire , je ne me retrouve plus dans ce travail. Les fournisseurs locaux normalement devraient passer par cette sous-commission pour accéder aux appels d’offre de la mine. Mais cette sous-commission est souvent prise comme un outil d’information mais pas un acteur clé de la chaîne de fournitures », confie-t-il. 

A l’en croire, les sous-traitants qui s’occupent des appels d’offres de la société minière Houndé Gold Operation contournent la sous-commission achats locaux dans l’attribution des marchés. Ce qui fait redouter, selon le président de la coordination des corps socioprofessionnels et des Associations de jeunes de Houndé, l’existence d’un autre circuit où la transparence serait la chose la moins partagée.

Sentiment mi-figue mi-raisin à l’hôtel de ville

Si au niveau des ménages, la mine semble ne pas avoir bonne presse, à l’hôtel de ville par contre, on a un sentiment plutôt favorable. Juché sur une colline à l’entrée Est de la ville, la mairie surplombe le Centre-ville et offre une vue panoramique sur une bonne partie de la ville.

Nous y avons rendez-vous avec le premier adjoint au maire qui assure également l’intérim depuis quelques mois. Après avoir fini de sceller l’union d’un couple ce samedi matin, Adolphe Koala nous reçoit dans son bureau. Ses propos sont sans équivoque, quant aux réalisations de la mine en faveur de la municipalité. 

« La mine apporte beaucoup à Houndé. Pour quelqu’un qui venait à Houndé avant l’arrivée de la mine, si vous revenez aujourd’hui, vous allez constater un changement positif. Aujourd’hui, il y a pratiquement des écoles dans tous les villages et les CSPS (Centres de Santé et de Promotion Sociale, ndlr) sont construits à moins de 2 Km », se félicite le maire intérimaire.

En effet, depuis 2019, la municipalité de Houndé reçoit une manne financière importante reversée par la mine dans le cadre du Fonds miniers de développement local (FMDL). En trois ans d’opérationnalisation du FMDL, la mairie de Houndé a bénéficié de près de 3 milliards de FCFA lui permettant de construire des infrastructures sociales de base. 

A cela s’ajoutent les réalisations faites par la mine dans le cadre de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE) dans les domaines comme l’eau et l’assainissement, l’éducation, la santé et les activités génératrices de revenus, entre autres, qui se chiffrent à plus d’un milliard de FCFA, selon des données recueillies auprès de Endeavour.  

Adolphe Koala, maire intérimaire de Houndé: « Aujourd’hui, il faut reconnaître qu’il y a beaucoup de frustrations autour de la mine»

Cependant, lorsqu’on évoque l’impact de la mine sur le pouvoir d’achat des ménages, le ton du maire intérimaire devient plutôt pondéré, le visage se crispe. L’enthousiasme de départ fait place à une tiédeur. En termes de pouvoir d’achat des ménages, il n’y a pas eu une très grande amélioration, reconnait Adolphe Koala. 

 « Au départ, nous avons fait comprendre à la mine que dans toutes ses activités qu’elle doit mener, elle doit privilégier les locaux. (…) Quand la mine était en phase de construction, cela a été l’occasion pour beaucoup de jeunes d’avoir du travail sur la mine parce que là, on voulait beaucoup de monde et surtout des emplois non qualifiés », analyse le maire intérimaire.  

« Malheureusement, poursuit-il, après la construction, la mine a voulu recruter d’autres personnes avec des compétences qu’elle a déterminées. Et ceux qui n’avaient pas ces compétences ont été libérés. Donc actuellement, beaucoup de jeunes ne travaillent pas à la mine ». 


(Vidéo):  Le maire intérimaire de Houndé reconnaît qu’il y a beaucoup de frustrations autour de la mine 

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Désormais au chômage, beaucoup de jeunes qui avaient fondé tous leurs espoirs sur la mine se retrouvent dans le dénuement total conduisant certains à des vices. Selon des témoignages recueillis, certains jeunes se sont retrouvés derrière les barreaux après être allés cisailler la clôture de la mine pour soustraire du minerai. 

« Il y a certains qui ont cédé leurs terres à la mine. Dès le départ, la mine avait fait comprendre aux familles impactées que dans chaque famille, elle allait recruter au moins un des leurs. C’est vrai ils ont recruté, mais ils ont mis certains dans des emplois précaires de deux ou trois mois. Donc on ne peut pas parler de recrutement. Non seulement vous avez perdu vos terres, c’est vrai qu’ils ont donné des compensations mais il y a beaucoup qui ont déjà fini d’utiliser cet argent, mais aussi vous perdez votre emploi à la mine », poursuit Adolphe Koala.

« Aujourd’hui, il faut reconnaître qu’il y a beaucoup de frustrations autour de la mine. Parce que ce qu’on s’était dit en acceptant la mine, nous tous et surtout les jeunes avaient pensé que c’était l’occasion pour eux d’avoir de l’emploi », affirme le maire intérimaire, qui dit être « d’avis avec les jeunes qui se plaignent qu’ils ne sont pas employés à la mine ».

Une vue partielle de la mine d’Or de Houndé (Photo: DR)

Jointe par correspondances interposées pour des raisons de congés de sa direction, la mine botte en touche les récriminations portées contre elle. De l’avis de Adama Soro, Vice-Président d’Endeavour en charge des affaires publiques pour le Burkina Faso, « Endeavour est le plus grand employeur au Burkina Faso avec plus de 3500 employés ». A Houndé, à la date du 30 novembre 2021, la mine employait 410 personnes, soit environ 33% du personnel, contre 63,5% pour le reste du Burkina et 3.5% d’expatriés, précise-t-il. 

Adama Soro, Vice-Président d’Endeavour en charge des affaires publiques pour le Burkina Faso: « il n’est pas toujours aisé d’avoir la qualification requise sur place à Houndé»

Cependant, Adama Soro reconnait qu’il n’est pas toujours aisé d’avoir la qualification requise sur place à Houndé. D’où la réduction du nombre des employés locaux à la phase de production qui, elle, demande un peu plus de qualification professionnelle. 

Sur les fournitures locales, le Vice-Président d’Endeavour en charge des affaires publiques pour le Burkina Faso explique que certains des fournisseurs locaux de la mine n’ont pas respecté les normes, « c’est pourquoi certains ont été exclus pour des insuffisances graves concernant la qualité de leur travail ou pour des pratiques éthiques contraires aux valeurs du groupe Endeavour ».

Ce qui est certain, à Houndé, l’économie locale va à vau-l’eau, si elle n’est à l’agonie. Les éclats de rires d’autrefois ont fait place à des grincements de dents dans certains ménages tandis que la jeunesse désœuvrée, faute de qualification, s’agrippe à tout pour survivre.

Certains même vont jusqu’à commettre des délits. Une situation à laquelle il faut parer au plus vite et cela passe par des programmes de formations et en la matière, Houndé Gold assure déjà faire sa part du boulot.

Pour la durée de vie de la mine, la société a pris l’engagement « de former 20 personnes par trimestre dans les différents domaines de la mine, soit 80 personnes par an », nous confie le Vice-Président d’Endeavour en charge des affaires publiques pour le Burkina Faso. 

La collectivité devrait également en faire autant, voire plus et créer des opportunités pour permettre aux familles affectées par la mine de rompre avec la vie de misère dont elles sont sujettes actuellement. Bref, que l’or puisse enfin briller pour tout le monde… 

Lire aussi 👉🏿 Exploitation minière au Burkina : Chaude journée à Houndé Gold Operation

Maxime KABORE

Burkina 24  

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