Kady Ouédraogo, de la MACO à l’association « Femmes et prisons d’Afrique »
En 2016, elle passe deux mois et dix jours en tôle. Après sa libération, elle crée une association afin d’apporter de l’assistance judiciaire aux femmes pensionnaires. Elle, c’est Kady Ouédraogo Sy, la présidente de l’association Femmes et prisons d’Afrique. Dans les lignes qui suivent, elle revient sur son arrestation, son séjour en prison et les raisons qui l’ont poussée à créer cette association (Femmes et prisons d’Afrique).
Il y a six ans de cela, un policier porte une plainte contre Kady Ouédraogo pour une tentative de meurtre. Sans toutefois menée des enquêtes au préalable, la justice décide de l’envoyer en prison.
Elle sera conduite en cellule à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) pour tentative de meurtre. Arrivée, elle passera d’abord trois semaines avant qu’on entame ensuite son procès.
Après le procès, la justice tranche en faveur de Kady Ouédraogo. Malgré la décision de la justice qui a rejeté les faits qui lui étaient reprochés, cette dernière sera cependant condamnée à six mois de prison ferme pour refus d’obtempérer.
Mais elle ne fera que deux mois et dix jours en prison. Elle obtient sa libération grâce au mécanisme de placement privé. Le mécanisme de placement privé ou public, selon elle, a été instauré sous la révolution.
Le mécanisme de placement
« La base de ce placement public ou privé a été faite adopter par Thomas Sankara dans les années 84-85 pour libérer les gens qui ont fait le tiers de leur peine », précise-t-elle. Ce mécanisme consistait également selon Kady Ouédraogo par exemple pour le placement public à donner un travail au pensionnaire au palais de justice, des travaux d’intérêt commun voire un contrat de travail jusqu’à la fin de la peine.
« Normalement, mes six mois finissaient le 16 février 2017. Du 28 octobre jusqu’au 16 février, j’avais l’obligation de travailler avec la société qui m’avait donné le contrat de travail », note-t-elle en affirmant que pour son cas, c’est du mécanisme de placement privé qu’elle a bénéficié.
« Moi, c’est le mécanisme du placement privé. J’ai pu bénéficier de ce mécanisme parce que j’ai fait le tiers de ma peine c’est-à-dire sur les six mois, j’avais fait deux mois. Et donc c’est par ce biais que j’ai pu sortir.
Si j’avais fait appel, je n’aurais pas pu bénéficier de ce placement privé. Parce qu’en général, la rédaction des memos pour accompagner votre dossier du tribunal de grande instance à la cour d’appel peut vous prendre six mois à un an. Mon avocat m’a conseillée de ne pas faire appel afin de pouvoir bénéficier de ce mécanisme. Et c’est ce que j’ai fait », clarifie-t-elle.
Elle explique qu’elle avait engagé un processus d’appel mais après, elle était obligée d’arrêter. Sinon, elle ne bénéficierait pas du mécanisme de placement. Kady Ouédraogo rassure qu’elle n’a pas subi des tortures physiques pendant son emprisonnement. « Mais psychologiques (Ndlr tortures), oui », soutient-elle.
Nonobstant, elle n’a jamais cherché à se venger de ce policier pour qui, elle a été emprisonnée, nous livre-t-elle. Pour elle, c’est un détail qui ne l’intéresse pas. « Même son nom, je n’ai pas retenu. Franchement c’est un détail pour moi », retorque-t-elle avec sourire aux lèvres.
Pour elle, le temps passé en prison, lui a permis de découvrir des zones de non-droit comme la MACO. Elle n’arrivait pas à comprendre, comment des gens pouvaient passer des années en prison sans jugement.
« Comment on vous prend, on vous dépose, vous tapez trois ans ou plus, on ne juge pas votre dossier, rien. Et vous êtes en prison. Ce sont des vies qu’on est en train de gâcher comme ça », déplore-t-elle. C’est fort de ce constat qu’à sa sortie de prison, elle a procédé à la création de l’association Femmes et prisons d’Afrique.
L’association selon sa génitrice, se veut la voix des sans voix surtout les femmes. Afin de les défendre et de les protéger. Parce que, avance-t-elle, les femmes sont des maillons faibles de la société plus encore quand elles se retrouvent en prison. C’est ainsi qu’est née l’association avec pour mission principale d’apporter de l’assistance judiciaire aux femmes en prison.
« L’association s’occupe des femmes en prison. Et cette association fait de l’assistance judiciaire. C’est ça notre plus grand volet. Nous nous occupons des femmes. Vous savez que des femmes sont des maillons faibles, elles n’ont pas de revenus et celles qui se retrouvent en prison sur 10 personnes, il y a une ou deux personnes qui ont des moyens de se prendre un avocat. Tout le reste n’a pas d’avocat », argumente-t-elle.
5000 dossiers pour 7 juges
La présidente de Femmes et prisons d’Afrique renseigne que les pensionnaires qui ne disposent pas d’un avocat, qui puisse suivre leurs dossiers peuvent faire trois à quatre ans en prison sans que le processus de leur procès ne soit déclenché. « Dès qu’on vous dépose peut-être en cours de semaine, le lundi ou le mercredi qui suit, nous on part, on demande à voir toutes les nouvelles et on leur demande, si elles veulent être assistées par l’association. Et dès que c’est oui, on prend les références et on monte au niveau du palais (de justice ndlr) pour essayer de pousser le dossier », confie-t-elle.
Kady Sy indique qu’en 2018 en l’espace d’un an grâce au concours de l’association, ils sont arrivés à réduire la période d’attente des dossiers pour un probable début de procès de deux ans à trois mois. Ce, suite avec l’accompagnent d’une ONG. Ce qui avait permis à l’association d’obtenir une bourse qu’elle louait aux juristes pour suivre l’évolution des dossiers des pensionnaires. Le nombre de juges attachés à la charge pour le traitement des dossiers ralentissait les choses. En 2016, signale-t-elle, il n’y avait que sept juges pour plus de 5000 dossiers.
« C’était tout à fait normal qu’ils ne puissent pas voir les dossiers de tout le monde tant qu’il n’y a pas quelqu’un derrière pour pousser. Ils ne peuvent pas faire plus. Mais aujourd’hui, en plus des sept juges, il y a 30 autres qui se sont joints à eux pour la charge des dossiers », informe-t-elle.
Elles ramassaient beaucoup d’infections urinaires
En dehors de l’assistance judiciaire, l’association Femmes et prisons d’Afrique s’occupe aussi de l’aménagement des cellules et des installations hygiéniques des pensionnaires. La présidente de l’association témoigne que les toilettes des pensionnaires étaient tellement sales. Ces dernières contractaient très fréquemment des infections urinaires.
« Vous savez que le milieu carcéral, on a fait juste des maisons pour que des gens y dorment. Je vous assure que la surcharge carcérale fait que les douches sont sales, les salles également. Donc l’association s’est donnée comme objectif d’abord d’aménager les toilettes. C’étaient des toilettes turques d’abord, et on est passé aux WC à la française. On a carrelé le sol, on a carrelé le mur, on a fait mur des receveurs de douche pour qu’au moins ça soit propre. Une femme ce n’est pas comme un homme, elles ramassaient beaucoup d’infections urinaires là-bas. Parce que le coin est sale », révèle-t-elle.
La maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) est voisine au parc urbain Bangr-Weogo. Même si cette zone présente des avantages au moment de forte chaleur grâce aux arbres qui l’environnent, elle a aussi des inconvénients.
Il y a des reptiles qui, des fois, se retrouvent dans les habitations comme c’est le cas avec leurs voisins d’en face c’est-à-dire la MACO. C’est ce que dévoile, d’ailleurs, la présidente de l’association Femmes et prisons d’Afriques.
Et son association, note-elle, malgré des difficultés financières a réussi à carreler et à mettre des grillages au niveau de toutes les cellules des femmes. « Le gros problème des cellules c’est qu’en face, il y a Bangr-Weogo. Et il n’y a pas de grille anti-moustique.
Ce ne sont que des claustras. Donc tout rentre dans les cellules jusqu’au serpent. Les cafards, les souris, les salamandres, tout rentre dans les cellules. Le fait d’avoir mis les grillages empêchent au moins les souris et autres de rentrer », atteste Kady Ouédraogo Sy.
La nourriture ne suffit pas
L’autre gros souci que fait ressortir cette ancienne pensionnaire de la MACO, c’est la question alimentaire. A la MACO, ajoute-elle, chaque pensionnaire a droit à un seul repas par jour. Elle fait savoir que la nourriture ne suffit pas au regard du nombre élevé des prisonniers.
A ceci, il y a aussi la question sanitaire dont elle dénonce le manque de prise en charge, quand des cas de maladies se présentent. La prison dispose d’une infirmerie mais celle-ci est confrontée à une carence de médicaments à tout moment, note Kady Sy.
Il y a trois ans en arrière, son association ravitaillait l’infirmerie en produits pharmaceutiques. Chose que l’association ne fait plus par manque de moyens financiers.
Concernant les conditions de vie, elle souligne que les prisons du Burkina en particulier et des pays africains en général sont mises au même sort. A savoir l’insécurité, l’insalubrité, la surcharge carcérale, le manque de nourriture et de médicaments dans les infirmeries, etc.
L’association Femmes et prisons d’Afriques a, selon sa première responsable, réussi à libérer plusieurs prisonniers. Le dernier décompte de l’association qui remonte à 2018 fait état de 180 personnes qu’elle a pu sortir de la prison…
Willy SAGBE
Burkina24
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