Analyse de la place de la recherche dans la gouvernance linguistique au Burkina Faso

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Ceci est le résultat d’une étude sur l’Analyse de la place de la recherche dans la gouvernance linguistique au Burkina Faso réalisée par KABORE Amado, Chargé de recherche INSS/CNRST – Burkina Faso, OUEDRAOGO Alain, Directeur de recherche INSS/CNRST – Burkina Faso, OUEDRAOGO Issa, Assistant, Université de Ouahigouya.

RESUME

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Aujourd’hui plus qu’hier la recherche se positionne comme un des meilleurs instruments pour œuvrer à une meilleure gouvernance des langues nationales.

Le présent document de vulgarisation est tiré de l’article scientifique « Aménagement linguistique au Burkina Faso : recueil d’opinions pour un renforcement des capacités des acteurs de la  gouvernance linguistique » publié dans les Actes du Colloque « La gouvernance à l’ère des changements globaux : situation, résilience et défis en Afrique » organisé par le Fonds pour la Science, le Technologie et l’Innovation (FONSTI) et le Programme d’Appui Stratégique à la Recherche Scientifique (PASRES), Abidjan- Côte d’Ivoire les 28, 29 et 30 juin 2022, Revue trimestrielle en Sciences Sociales (RSS) -Programme d’Appui Stratégique à la Recherche Scientifique (PASRES), PP.940-955.

Le document est centré les questions de la place de la recherche sur la gouvernance linguistique et les suggestions d’actions pour une bonne gouvernance des langues nationales.

INTRODUCTION

Depuis 2006, le Burkina Faso s’est engagé dans un processus de communalisation intégrale. La gouvernance est décentralisée et s’exerce dans les régions (13 en tout), les provinces (45) et les communes (351), qui regroupent des villages. La constitution stipule que « tous les burkinabè, sans distinction aucune, ont le droit de participer à la gestion des affaires de l’État et de la société » (article 12). Par rapport à la décentralisation, la Constitution indique bien que « la loi organise la participation démocratique des populations à la libre administration des collectivités territoriales » (article 145). Mais la question de la langue de communication dans les structures déconcentrées n’est pas soulevée ni correctement traitée. Plus exactement, le français étant la langue de l’administration, c’est le français qui est utilisé dans les administrations déconcentrées. Il n’y a pas de cadre légal ou de bases juridiques contraignantes à l’emploi des langues nationales des communautés des régions, provinces, communes et villages.

On peut se demander alors comment, dans ces conditions, le citoyen qui ne comprend pas le français peut participer à l’élaboration, à l’exécution et aux bilans de plans d’action des maires et autres conseillers ; comment le citoyen peut-il exiger des redditions de comptes ?  Les communications à l’adresse de la population en utilisant les langues nationales sont toujours de brefs résumés de discours fleuves débités d’abord en français. La participation citoyenne à la base est handicapée par la barrière linguistique imposée par le monolinguisme officiel en français.

1. MÉTHODOLOGIE

La méthodologie utilisée s’est articulée autour de dix étapes dont la recherche documentaire, le questionnaire, le guide d’entretien. Cette démarche a permis de recueillir des données et de les analyser à travers les logiciels SPSS, Kobocollect et Clavier du Burkina.

Cette démarche méthodologique qui s’est voulue participative a été adoptée et a permis d’intégrer autant que possible tous les principaux acteurs impliqués. L’étude a concerné les services déconcentrés des ministères/institutions des régions des Hauts-Bassins, de la Boucle du Mouhoun, du CentreOuest, et du Centre. Le public cible constitué des acteurs des Ministères en charge des affaires étrangères, de l’enseignement supérieur, de la promotion des langues nationales, de la culture et les acteurs de la société civile (OSC). Le choix des régions a été tiré au sort. Le choix des acteurs impliqués par contre a été raisonné sur le seul critère de compétence dans le domaine dans la promotion des langues nationales.

L’analyse des caractéristiques sociodémographiques des enquêtés revêt un caractère important. En effet, elle permet de comprendre la structuration de la population concernée par l’étude (Age, sexe, niveau d’instruction…), de faire l’état des lieux de la gouvernance linguistique à travers les opinions et proposer des actions pouvant contribuer au renforcement de leurs capacités.

2. ANALYSE DE LA PLACE DE LA RECHERCHE

  • La recherche est un outil fondamental de gouvernance linguistique

L’analyse de la place de la recherche dans la gouvernance linguistique au Burkina Faso montre que les acteurs de terrain reconnaissent que la recherche est un outil fondamental de gouvernance linguistique. Le graphique ci-après illustre fort bien ce propos.

Graphie 1 : Appréciation de la place de la recherche sur la gouvernance linguistique

Source : enquête relative à la mise en œuvre de la gouvernance linguistique au Burkina Faso Juin 2022

Les données du graphique 1 indiquent que 62,1% sont d’accord qu’elle joue un rôle fondamental dans la gouvernance linguistique. Seulement 4,3 % ne sont pas d’accord.

  • L’enseignement des langues nationales au supérieur est faible et mérite une meilleure prise en compte.

Graphie 2 : Appréciation de la place de la recherche sur la gouvernance linguistique

Source : enquête relative à la mise en œuvre de la gouvernance linguistique au Burkina Faso Juin 2022

Pour ce qui concerne l’enseignement des langues nationales au supérieur, 55,2% sont tout à fait d’accord qu’il est faible et mérite une meilleure prise en compte. En ce qui concerne la production scientifique sur les langues nationales, plus de la moitié (62,1%) des enquêtés pense qu’elle est insuffisante.

Quant à l’adaptation des Curricula sur les langues nationales, la plupart (45,7%) trouvent que ces curricula ne sont pas appropriés.

Par ailleurs 50,0 % des enquêtés sont tout à fait d’accord que la recherche dans les langues mérite un appui financier.

3. SUGGESTIONS D’ACTIONS POUR UNE BONNE GOUVERNANCE DES LANGUES NATIONALES

En ce qui concerne les sources de financement 58,6% ne sont pas d’accord que les PTF soient les seuls pourvoyeurs de fonds

Aussi 56,9% des enquêtés ne sont pas d’accord que les Fondations et les organisations philanthropiques soient les seuls bailleurs de fonds. Ceux qui ne désirent pas que les communautés bénéficiaires soient les seuls bailleurs de fonds représentent 54,3% des enquêtés. 61,2% par contre trouvent que le multifinancement (État, PTF, Fondations, organisations philanthropiques et communautés locales) constitue le modèle de financement le plus efficace.

La mise en œuvre de la gouvernance linguistique nécessite des actions volontaristes qui se déclinent ainsi qu’il suit :

  • (1) une campagne de plaidoyer et de mobilisation sociale autour de la promotion des langues nationales orientée vers les communautés de base, les acteurs étatiques notamment les ministères en charge de l’éducation, de la culture, de la justice, de l’administration territoriale et de la décentralisation ;
  • (2) la prise de textes d’application consécutifs à la loi portant processus d’officialisation des langues nationales et le décret relatif à la politique linguistique au Burkina Faso ;
  • (3) la dynamisation de la commission nationale des langues nationales ;
  • (4) la mise en application des recommandations issues des assises nationales de l’éducation dans son volet relatif à la promotion des langues nationales et l’éducation bi-plurilingue.

CONCLUSION

Les résultats de l’étude ont permis de mettre en exergue les besoins de renforcements des capacités des acteurs et l’expertise nationale à travers le profil sociodémographique des acteurs impliqués, l’état des lieux de la gouvernance linguistique au Burkina Faso, l’analyse du contexte (environnement familial, scolaire, lettré, socioéconomique), des opinions des acteurs, du modèle de la gouvernance linguistique au Burkina Faso ainsi que des activités concourant au renforcement des capacités des acteurs de la gouvernance linguistique déterminées. La mise en œuvre de la gouvernance linguistique nécessite la mise en place d’un dispositif performant et cohérent en mesure d’assurer l’exécution des activités, les suivis et l’évaluation de la mise en œuvre et de développer des stratégies devant orienter la gestion des risques. Les résultats de l’analyse diagnostique ont relevé des menaces qui pourraient constituer des risques quant à la réalisation des orientations de la politique. Les principaux risques qui pourraient compromettre la réalisation des ambitions de la politique dont des stratégies de mitigation devraient être développées sont l’insécurité, l’instabilité sociopolitique, l’instabilité institutionnelle, la non-adhésion des acteurs, l’incertitude du financement.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ABDULAZIZ, Mohammed Hassan (1995).  Histoire de la politique linguistique en Afrique quant au choix de la langue d’enseignement. Dans OUANE, Adama (dir.).- Vers une culture multilingue de l’éducation. Hambourg : Institut de l’UNESCO pour l’Education, p. 155-175.

ACCT-OIF (1993). Propositions pour un plan d’aménagement linguistique (Espace francophone du Sud). Actes des Etats Généraux de l’éducation (Ouagadougou, 5-10 septembre 1994). Ouagadougou : Premier Ministère.

BADINI, Amadé (1994). Le français, langue nationale burkinabè : aberration historique ou exigence du Burkina contemporain ? Dans DGINA 1994 : Les langues nationales dans les systèmes éducatifs du Burkina Faso : état des lieux et perspectives. Actes du colloque organisé du 2 au 5 mars 1993 à Ouagadougou. Ouagadougou, p.

BOULANGER Jean-Claude (1981). « Jean-Claude Corbeil, L’aménagement linguistique du Quebec, coll. « Langue et société », numéro 3, Montréal, Guérin éditeur limité, 154 p. », Terminogramme, n°7-8, mars-juin, p.11-12.  [Compte rendu]

DECRET N°2019-0600/PRES promulguant la loi no033-2019/AN du 23 mai 2019 portant loi d’orientation sur les modalités de promotion et d’officialisation des langues nationales du Burkina Faso, 2019, 10 p.

OUEDRAOGO Alain, KABORE Amado et OUEDRAOGO Issa (2022). Aménagement linguistique au Burkina Faso : recueil d’opinions pour un renforcement des capacités des acteurs de la  gouvernance linguistique, in BIAKA Zasseli Ignace & COULIBALY Lacina,  « La gouvernance à l’ère des changements globaux : situation, résilience et défis en Afrique » Actes du Colloque organisé par le Fonds pour la Science, le Technologie et l’Innovation (FONSTI) et le Programme d’Appui Stratégique à la Recherche Scientifique (PASRES), Abidjan- Côte d’Ivoire les 28, 29 et 30 juin 2022, Revue trimestrielle en Sciences Sociales (RSS) -Programme d’Appui Stratégique à la Recherche Scientifique (PASRES), PP.940-955

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