Activités génératrices de revenus : Ces femmes déplacées assez bien placées à Kaya

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Depuis 2016, le Burkina Faso se trouve dans une spirale d’attaques terroristes faisant plus de 2 millions de personnes déplacées internes (PDI), selon un rapport du Secrétariat permanent du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (SP/CONASUR) publié en mars 2023. Selon le même document, les enfants viennent en tête, suivis des femmes et des hommes. Parmi les milliers de femmes déplacées internes, certaines ont décidé de prendre leur destin en main et d’affronter les coups de la vie. Dans les lignes qui suivent, nous trempons notre plume dans un site de personnes déplacées internes (PDI) à Kaya, dans la région du Centre-Nord. A travers des activités génératrices de revenus, ces « amazones » arrivent tant bien que mal à se mettre à l’abri des besoins primaires. Reportage ! 

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Se réunissant très souvent, comme autour d’un thé dans un grin, des femmes déplacées internes devisent entre elles et cogitent leur avenir. Les échanges sont assaisonnés par une odeur de soumbala (ingrédient de cuisine, NDLR). Tout est bien préparé ici.

Désormais, l’espoir est le maître-mot. Out, la tristesse, la pitié, la mendicité, l’indifférence… Ces personnes ayant fui les violences dans leur village ont décidé de ne plus tendre la main, mais de prendre leur destin en main.

Elles ont juste besoin d’être écoutées. Le reste, elles s’en chargent, avec à la clé joie et satisfaction… Ce n’est pas rare, dans la ville de Kaya, Province du Sanmatenga, Région du Centre-Nord. De plus en plus, les personnes déplacées internes ne sont plus des charges. Elles se prennent en charge. Et de la belle des manières, malgré quelques difficultés.

Ce jour, habillées en pagnes, T-shirts et foulards, des femmes déplacées internes qui ont trouvé refuge dans la Cité des brochettes et du cuir, comme un effet de mode, allaitent leurs nourrissons. Des regards pleins de vie, pleins de sens, pleins d’histoire. Des cris et pleurs d’enfants par-ci par-là ne laissent point indifférent.

Plutôt que de s’avouer vaincues, ces femmes déplacées sont, en réalité, des amazones. Elles ne se renferment pas dans cette sorte d’amertume. Elles ont opté de ne pas croiser les bras. La résilience a pris le dessus. Cela permet à ces femmes de s’occuper à travers des activités génératrices de revenus.

Karidia vend du soumbala et s’occupe de sa famille sur le site des déplacés

Karidia (nom d’emprunt), mère de trois enfants, confie avoir quitté son Barsalogho natal, une commune située à 45 kilomètres au Nord de Kaya, pour sauver sa peau, ainsi que sa famille. Elle trouve refuge à Kaya et refuse de tendre la main.

Ayant bénéficié d’un prêt de 100 mille FCFA auprès d’une caisse, elle se lance dans l’informel et plus précisément dans la fabrication et la commercialisation du soumbala. Bien avant, elle a consacré du temps à apprendre à fabriquer le soumbala, très prisé comme ingrédient dans la cuisine africaine.

« On a quitté notre village natal pour nous réfugier ici. Je me suis dit que je devrais apprendre à faire quelque chose de mes dix doigts plutôt que de m’asseoir à ne rien faire à la maison. Voilà pourquoi je me suis lancée dans la fabrication et la vente du soumbala », explique Karidia, les yeux pleins de confiance et d’espoir.

« Mon soumbala, je le fabrique en 4 jours » 

De bouche à oreille, de voisinage à voisinage, Karidia arrive tant bien que mal à s’imposer dans son domaine. Elle est même recommandée pour la qualité de ses produits. Son soumbala est raffolé par son entourage. Pour chaque fabrication, elle atteint des recettes allant de 15.000 à 20.000 FCFA. Cet argent lui permet de soutenir son homme, qui peine à trouver un travail stable depuis qu’ils sont arrivés à Kaya. Ainsi, arrive-t-elle à mettre sa petite famille à l’abri des besoins primaires.

« Mon soumbala, je le fabrique en 4 jours. Je peux faire pour 15.000 FCFA ou 20.000 FCFA à chaque fabrication. Une fois que c’est prêt, les vendeuses de condiments viennent prendre en gros ; donc il n’y a pas de mévente. Je m’occupe de ma famille avec ce que je gagne. J’achète des condiments et du savon. Même la consommation d’eau est prise en charge », précise la ressortissante de la commune de Barsalogho.

Karidia : « Je m’occupe de ma famille avec ce que je gagne. J’achète des condiments et du savon. Même la consommation d’eau est prise en charge » (Copyright Burkina24)

L’autonomisation des femmes déplacées internes peut donc favoriser leur bonne réinsertion socio-économique dans une localité donnée. Certes, des difficultés ne manquent pas. Mais ces braves dames sont déterminées à aller au bout de leurs résilientes idées.

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C’est le cas de Zalissa (nom fictif). Elle a quitté la localité de Pissila, avec son époux et leurs deux enfants, pour se retrouver dans cette situation de PDI à Kaya. Elle a plutôt choisi de s’intéresser au tissage du tissu local à base de coton. Il s’agit du Faso Dan Fani, un pagne qui fait partie de l’art vestimentaire au Burkina Faso. Du haut de sa trentaine d’âge, Zalissa avait presque perdu tout espoir, avant de bénéficier également d’une aide sous forme de prêt, pour se lancer dans le tissage et la vente de pagnes Faso Dan Fani.

Pas assez de clients mais Zalissa n’abandonne pas

« Depuis que j’ai abandonné mon village natal, je me suis retrouvée ici sans rien, et donc dans ma situation de déplacée interne, j’étais là sans rien faire. Comme je connaissais un peu le tissage, je me suis donc lancée dans cette activité. Au début, j’étais encore en apprentissage, et avec l’aide de la Caisse Graine, j’ai pu me fabriquer une machine à tisser », indique-t-elle.

Si Karidia tire tant bien que mal son épingle du jeu grâce au soumbala, tout ne semble pas aller comme Zalissa l’aurait souhaité. En plus de la clientèle qui se fait rare, la jeune dame rencontre des difficultés à trouver les matières premières pour mener à bien son activité.

Zalissa : « Depuis que j’ai abandonné mon village natal, je me suis retrouvée ici sans rien, et donc dans ma situation de déplacée interne, j’étais là sans rien faire. Comme je connaissais un peu le tissage, je me suis donc lancée dans cette activité » (Copyright Burkina 24)

« Je vends mes pagnes à 7.500 F CFA et 8.000 FCFA. Dans le mois, mes recettes peuvent souvent atteindre 25.000 F CFA. Souvent moins que ça. Et comme je suis une débutante, c’est un peu compliqué. Souvent il y a des laines qui manquent, et je suis obligée de patienter pour reprendre mes activités un peu plus tard.

Sur le site, tout le monde se cherche, donc ce n’est pas facile de se procurer aussi facilement des vêtements. Je sors dans les alentours pour montrer mes pagnes, c’est dans ça je gagne un peu un peu, pour subvenir à mes besoins », révèle-t-elle toute anxieuse. Triste, peut-être, mais des félicitations et encouragements s’imposent.

L’idée d’abandonner ne plane même pas dans sa tête. Alors, qui de mieux placé qu’un maire, ancien soit-il, qui a connu les premiers déplacements des populations du ressort territorial de sa Commune ?

« Une fois que les autorités s’intéressent, la population va s’intéresser »

L’ancien maire de la commune de Kaya, Boukary Ouédraogo, fait savoir que des mesures d’accompagnement avaient été prises, en vue de prêter main forte à ces femmes battantes. « La première étape, c’est de pouvoir avoir des projets, pour pouvoir les former dans les métiers qu’elles souhaitent. 

La deuxième étape, c’est la commercialisation notamment l’écoulement des produits. Cela va aussi avec la qualité du produit. Vous savez que si on fabrique du savon par exemple et on le met sur la place du marché et que du point de vue du prix, c’est la même chose et la qualité n’est pas la même, c’est compliqué. 

Donc la commune de Kaya à travers le Conseil municipal, nous avons dit à ces femmes, si vous produisez, venez, nous allons acheter. Une fois qu’on fait le premier pas, les autres maintenant vont emboiter le pas. C’est une politique, une fois que les autorités s’intéressent, la population va s’intéresser », confie l’ancien édile.

Kaya enregistre 316 265 sur 2 062 532 PDI sur le plan national

A la date du 23 mai 2023, 20.457 ménages soit 12.5227 personnes déplacées internes ont regagné leurs localités d’origine. C’est du moins ce qu’a affirmé, le 1er juin 2023, Nandy Somé Diallo, Ministre burkinabè en charge de la Solidarité et de l’action humanitaire. Le gouvernement s’active pour que les PDI, qui le souhaitent, regagnent leurs terres d’origine

En rappel, à la date du 17 janvier 2023, la province du Sanmatenga enregistrait le taux le plus élevé de PDI avec 316 265 personnes déplacées internes. Ces chiffres représentent 17,10% du nombre total des personnes ayant abandonné leur localité à cause de l’insécurité, pour de meilleures conditions de vie, selon le Secrétariat permanent du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (SP/CONASUR).

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Les PDI de sexe féminin sont les plus touchées par l’insécurité et sont au nombre de 992 349 contre 890 042 pour les personnes de sexe masculin. Selon toujours le rapport du CONASUR, les statistiques à la date du 31 mars 2023 affichent 2 062 532 PDI, avec 17,59% d’hommes, 23,91% de femmes et 58,5% d’enfants.

*NB : Certains détails n’ont pas été dévoilés pour des raisons évidentes 

Sié Frédéric KAMBOU 

Burkina 24 

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