Ici Au Faso | Kadi Boly, la brave et résiliente déplacée interne à Kamsontinga

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C’est un truisme de dire que le Burkina Faso vit une situation sécuritaire éprouvante. Sur le plan humanitaire, c’est la croix et la bannière pour plusieurs femmes et enfants qui ont fui leurs localités pour trouver refuge dans les villes les plus proches où ils espèrent trouver gîte et couvert. Pour certains d’entre eux, mendier dans la rue est le chemin le plus court pour survivre. D’autres, en revanche, ne se laissent pas abattre par la situation difficile qu’ils vivent : ils font preuve d’une résilience hors pair et se battent corps et âme pour subvenir aux besoins de leurs familles. Parmi eux, Kadi Boly (nom d’emprunt), une jeune dame aux multiples casquettes dont la bravoure et le courage ne laissent personne indifférent à Kamsontinga dans la commune rurale de Komsilga, à quelques encablures de Ouagadougou. Nous sommes allés à la rencontre de ce modèle de résilience… 

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Mardi 25 avril 2023. Il est 4 h du matin. Alors que nous étions entre les bras de Morphée, l’alarme de notre horloge nous réveille. Nous paressons quelque temps avant de quitter le lit car en ce temps de canicule, c’est à cette heure qu’on parvient souvent à fermer véritablement les yeux.

Après une bonne douche, nous enfourchons notre monture, direction Kamsontinga, un village de la commune rurale de Komsilga. C’est dans cette localité située à une dizaine de kilomètres de Ouagadougou que nous avons rendez-vous avec Kadi Boly (nom d’emprunt), une jeune femme déplacée interne originaire de Zongo, un village de la commune rurale de Barsalogho, dans la province du Sanmatenga, région du Centre-Nord.

Kady Boly en train de préparer ses beignets © Burkina24
Kadi Boly en train de préparer ses beignets © Burkina24

Bien que la vente de beignets soit sa principale source de revenus, Kadi Boly se démène et entreprend d’autres petites activités connexes. Elle refuse de se retrouver un jour dans la rue en train de quémander.

Sur pied dès potron-minet…

Âgée de 25 ans, Kadi est mère de deux enfants, une fille et un garçon. Elle vit avec les siens à Kamsontinga depuis 2020. Ce village périphérique de Ouagadougou voit sa population s’accroître avec un nombre important de personnes déplacées internes (PDI) qu’il accueille. Juste à côté de là où elle vit, il y a une trentaine de ménages avec plus de 400 personnes, toutes venues de Barsalogho.

Il est presque 5h et 10 minutes lorsque nous arrivons chez Kadi. Elle y vit depuis plus de trois ans avec des membres de sa famille. Ils dorment tous à la belle étoile sur des nattes de fortune. Nos hôtes étaient toujours couchés à cette heure-là.  Le train-train quotidien à la recherche de la pitance est si harassant qu’il n’est pas aisé d’être sur pied dès potron-minet, surtout avec la canicule.

Nous éteignons le moteur de notre engin pour éviter que son ronronnement ne perturbe leur « grâce matinée ». Tout le monde ne dormait pas. Le « chef de famille », son père, lui, est déjà en train d’observer sa prière matinale. En fait, notre héroïne vit également avec ses géniteurs.

A 5h30, Kadi est déjà réveillée. Elle s’habille et s’active à organiser son commerce. Elle semble en retard et accélère la cadence. Il est 6h. Le feu est enfin allumé. À peine la poêle de Kadi s’est posée sur le feu, deux petits garçons se tiennent devant elle. Ce sont ses premiers clients. Chacun tient sa pièce de monnaie qu’il garde jalousement. Sans doute, leur restauratrice accuse un léger retard. Ils patientent tout de même. Accroupis, ils attendent tous les deux.

« Nos familles se sont dispersées »

On peut voir le sourire sur leur visage car la poêle de Kadi est sur le feu. Il faut encore attendre quelques minutes. Ils sont là, depuis une quinzaine de minutes approximativement. Fatigués de s’accroupir, ils se remettent debout. Ils sont rejoints par trois autres gosses.

Ces derniers ont eux aussi leurs sous en mains. Le temps de s’en rendre compte, ils sont déjà une dizaine. La pression de l’attroupement des clients se sent sur le visage de Kadi qui balaie du revers de la main quelques gouttes de sueur,… en cette matinée.

La poêle de Kady/© Burkina24
La poêle de Kadi/© Burkina24

Comme des tisserands sous un palmier, la causerie est engagée entre les bambins dont la plupart d’entre eux ont l’âge d’aller à école. L’huile se chauffe, la « pâtissière » du coin commence à frire les premiers beignets. Kadi se fait assister par une fillette qui sert les clients par ordre d’arrivée.  Autochtones de Kamsontinga et personnes déplacées internes, tous sont les clients de Kadi. En file indienne, chacun à son tour passe devant la poêle de Kadi pour son petit déjeuner avec le beignet qui coûte 25 F CFA l’unité.

7h 30 mn. Kadi a fini de vendre ses beignets. Elle commence à ranger ses ustensiles puis fait le point de la recette du jour. 1500 F CFA de vendus aujourd’hui, nous informe-t-elle. Elle est prête alors pour l’entretien. Le soleil se lève peu à peu de sa couche, nous nous abritons sous un karité qui se dresse dans la cour. Kadi semble très timide. Tête baissée, elle raconte qu’elle est à Ouagadougou depuis 2019. Elle fait savoir que des « gens de la brousse » sont venus plusieurs fois les menacer de quitter Zongo, leur village natal.

Kady revient sur le calvaire qu'elle a vécu/© Burkina24
Kadi revient sur le calvaire qu’elle a vécu/© Burkina24

« La première fois, les terroristes sont venus nous dire de quitter le village. La deuxième fois, ils ont laissé le même message. Et quand ils sont venus pour la troisième fois, c’était alors la débandade. Tout le village s’est vidé de ses habitants. Nos familles se sont dispersées. Certains membres de ma famille sont restés à Kaya, mais nous nous sommes retrouvés ici », atteste-t-elle.

« Je ne connaissais pas comment on fait les beignets »

Quelques semaines après leur arrivée à Ouagadougou, le peu d’argent qu’elle avait par-devers elle commençait à tarir. C’est le début du calvaire. Après avoir tenté sans succès de se trouver ne serait-ce qu’un petit boulot, Kadi décide enfin de commencer à vendre des beignets. Elle dit n’avoir jamais fait cette activité auparavant.

« Je ne connaissais pas comment on fait les beignets. Je voyais les gens le faire mais je ne l’avais jamais fait auparavant. Comme il y a un début à toute chose, je me suis dit que je vais essayer. Un jour, j’ai pris le peu d’argent que j’avais sur moi, je suis allée acheter la farine et j’ai commencé à faire les beignets », explique-t-elle.

«Je ne connaissais pas comment on fait les beignets...»
«Je ne connaissais pas comment on fait les beignets…»

Kadi rapporte qu’elle a rencontré beaucoup de difficultés à ses débuts. Car elle ne connaissait pas grand-chose de l’activité. Cela ne lui réussissait pas, avance-t-elle. À l’entendre, la première semaine, elle n’a rien vendu. Tous les beignets qu’elle faisait, ce sont ses enfants qui les consommaient. Mais au fil du temps, elle a appris à se perfectionner.

« Depuis toute petite, j’ai toujours refusé de demander aux gens et surtout à ceux que je ne connais pas. Et depuis que je suis arrivée ici (Ouaga), je me suis toujours battue pour ne pas me retrouver comme certaines personnes dans les carrefours en train de quémander. Au début, quand je ne réussissais pas les beignets, cela me faisait mal mais je ne pouvais pas pour autant abandonner. Il fallait faire quelque chose pour avoir un peu d’argent. Mais avec le temps, les choses commençaient à baigner comme dans l’huile », soutient-elle, un sourire éclatant aux lèvres.

À Kamsontinga, ça baigne 

Avant de rejoindre Kamsontinga, Kadi était à Kouritenga, un quartier de Ouagadougou. Pour vendre ses beignets, elle sortait et partait dans les carrefours où certaines femmes déplacées ont l’habitude de se tenir pour quémander.

Et c’est avec elles que ses beignets étaient vendus. En 2020, elle migre à Kamsontinga. Les choses semblent plutôt bien marcher pour elle ici. Elle ne se promène plus pour vendre ses beignets. Ce sont les clients qui viennent vers elle.

«Les gens connaissent mon coin...»/© Burkina24
«Les gens connaissent mon coin…»/© Burkina24

« Les gens connaissent mon coin. Je ne me promène plus comme à Kouritenga. Chaque matin, ils viennent. À cause du Ramadan, je ne vendais plus mais les gens venaient demander. Maintenant, j’ai repris. Depuis que je suis là, il n’y a pas ce jour où j’ai connu une mévente et je rends vraiment grâce à Dieu », témoigne-t-elle. Kadi souhaite vivement développer son activité mais les moyens font défaut. Elle révèle que plusieurs fois, des gens viennent mais trouvent qu’elle a déjà tout vendu.

« Ça me fait très mal. Si j’ai assez d’argent, je peux augmenter la pâte. Mais c’est difficile parce que c’est avec cet argent qu’on se nourrit. Si je décide de mettre les 1500 F CFA que je viens d’avoir ce matin dans la pâte, c’est qu’on ne mangera pas aujourd’hui. Je suis donc obligée d’enlever 800 F CFA dans les 1500 F CFA pour faire le marché. Mais quand je pense comment j’ai commencé à faire mes beignets, je suis fière parce qu’au moins je vis avec ça aujourd’hui. Dieu merci, avec cette activité, j’arrive à nourrir ma famille », s’en réjouit-elle.

Multitâche

Bien que les beignets restent la principale activité de Kadi, cette « amazone des temps modernes » entreprend d’autres activités connexes. Notamment la vente des condiments, mais ce commerce ne prospère pas, confie-t-elle. Les conditions de conservation posent problèmes et ses condiments pourrissent souvent.

« J’avais commencé à vendre les condiments mais ça ne marche pas très bien et ça pourrit vite. Je perds beaucoup dans ça. Maintenant ce que je veux vendre c’est le charbon de bois mais je n’en ai pas les moyens pour démarrer. Dès que j’aurai un peu d’argent, c’est ce que je vais vendre », espère-t-elle. Également, à ses heures libres, Kadi sillonne quelques ménages où elle propose ses services en matière de lessive. Elle fait aussi des tresses, confie-t-elle, nous laissant bouche bée. 

Le mari de Kadi vit en Côte d’Ivoire. Ce dernier l’a plusieurs fois appelée pour qu’elle le rejoigne mais Kadi dit ne pas pouvoir bouger à cause de sa mère qui a perdu maintenant la vue. Et c’est elle qui prend soin de sa daronne. « J’aimerais bien rejoindre mon mari mais ma mère a perdu la vue. Je ne peux la laisser toute seule dans cet état », précise-t-elle.

«C'est une femme qui force le respect...»
«C’est une femme qui force le respect…» (Aminata Traoré)

Aminata Traoré fait à chaque fois appel à Kadi pour sa lessive. Pour elle, Kadi est une femme courageuse et battante qu’il faut bien soutenir. Elle n’est pas complexée, elle se bat comme elle peut pour sa survie, poursuit-elle. C’est vraiment une femme qui force respect et admiration. Elle fait ce que beaucoup de femmes ne peuvent pas faire, estime-t-elle.

« Je sais qu’elle fait des beignets et fait aussi la lessive. Mais il y a un temps, elle vendait des condiments mais elle ne le fait plus actuellement. Moi, personnellement c’est elle qui lave mes habits depuis qu’elle est arrivée ici. Sincèrement c’est une battante. Elle est très dynamique et courageuse », soutient-elle, admirative.

Kady en train de ventiler son feu
Kadi en train de ventiler son feu

Selon Aminata Traoré, Kadi mérite d’être soutenue. Elles sont peu ces femmes qui peuvent faire ce qu’elle fait, soutient-elle. À l’en croire, la jeune dame touche à tout, elle est très dynamique. Par ailleurs, Aminata nous confie qu’avant de rencontrer Kadi, elle avait fait appel à d’autres femmes déplacées mais qui n’ont jamais voulu laver ses habits.

 Femme battante 

« C’est quelqu’un qu’on doit soutenir. Je pense que d’autres femmes doivent suivre son exemple. La mendicité n’est pas la solution mais avoir quelque chose à faire qui vous rend autonome même si ce n’est pas à la hauteur de vos attentes, c’est nettement mieux. Dans la rue, elles sont exposées à toute sorte de dangers mais elles ne se rendent pas compte », appuie-t-elle, les yeux largement ouverts.

Pasteur Rodrigue Kaboré/© Burkina24
«À partir de 5 heures du matin…» Pasteur Rodrigue Kaboré/© Burkina24

Pasteur Rodrigue Kaboré, la trentaine bien sonnée, a sa ferme où il élève la volaille, à proximité de la maisonnette de Kadi. C’est le voisin de Kadi, peut-on dire, même si le pasteur n’y habite pas. Toutefois, pasteur Rodrigue dit avoir remarqué la combativité de la jeune dame dès leur arrivée dans le quartier. Il atteste que les matins quand il vient s’occuper de sa volaille, il trouve Kadi déjà debout en train de faire ses beignets.

« A partir de 5 heures du matin déjà, elle est réveillée et à la tâche pour faire ses beignets et des gens viennent payer. Et vers 10h, elle sort une table où elle expose ses condiments pour vendre. C’est ainsi que je l’ai remarquée. Je peux vous assurer que c’est une battante. C’est une femme qui, à mon avis, mérite le soutien de toute bonne volonté. Je dis cela parce que d’autres femmes ont choisi le chemin de la mendicité dans les carrefours. Mais cette femme a fait le choix de se battre, elle mérite donc d’être soutenue », plaide-t-il.

Kadi est la seule qui a été à l’école parmi les PDI de Kamsontinga, même si elle n’est pas allée loin. Elle peut s’en énorgueillir de son certificat d’études primaires. Mais c’est elle qui est, en quelque sorte, le porte-parole des femmes déplacées à Kamsontinga et qui les représente quand elles ont des problèmes ou quand certaines bonnes volontés veulent les soutenir. En somme, Kadi est une femme leader, un exemple de femme battante et un modèle de résilience

Willy SAGBE 

Burkina24 

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Un commentaire

  1. Negroid Africans will to survive when aroused is a magnificent condition to observe. We must as unstoppable accelerating Global Warming obligate arouse that will to take modern inventions plus create others plus apply all with ingenuity that will make living in Negroid Africa comfortable world class modern living condition under unstoppable accelerating Global Warming it should be. We must take a secular governance approach being secular governance remove all obstacles that hinder Negroid Africans ingenuity from being all it should be. At same time secular governance do not hinder religion as Negroid Africans choose to worship God.
    We should even at displacement camps by way of solar energy have electric stoves powered to where Kadi Boly may prepare morning donut breakfast for her child customers on their way to school. That failure is incompetence by us we should fix as soon as feasible with men having disposition of where there is will there is way plus we possess abundance of will.
    Henry Author Price Jr aka Kankan

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