Maxime Dala, un virtuose de l’arc-à-bouche qui flèche les cérémonies à Toma

publicite

Dans la ville de Toma, Maxime Dala est l’un des rares joueurs de l’arc-à-bouche ou « lolo » en langue San. En voie de disparition, le « lolo » se présente comme un instrument spécifique de la musique traditionnelle du pays San au Burkina Faso. Maxime Dalla s’obstine à conserver et perpétuer l’arc-à-bouche. Avec son groupe, le chanteur traditionnel et virtuose de cette « arme » est un maitre de l’ambiance à la traditionnelle, qui se fait inviter dans des cérémonies modernes. 

La suite après cette publicité

Il est au cœur des manifestations à Toma, chef-lieu de la province du Nayala au nord-ouest du Burkina Faso. Maxime Dala, le joueur de l’arc-à-bouche ou « lolo » en langue San, peut être qualifié comme l’instrumentiste traditionnel le plus connu de la ville de Toma. C’est un musicien traditionnel qui s’évertue à perpétuer l’arc-à-bouche qu’il a hérité de son père.

Instrument à cordes frappées, l’arc-à-bouche a la forme d’un petit arc entre lequel est tendue une corde en roseau ou en fibre. Pour jouer, le musicien tient la corde entre les lèvres à une de ses extrémités et la frappe d’une main à l’aide d’une petite tige.

Maxime Dala, virtuose de l’arc à bouche à Toma

La bouche fait office de caisse de résonance, en agrandissant la cavité buccale ou en la réduisant, de même qu’en écartant légèrement les lèvres, le musicien peut produire des tons hauts. Il peut également, de l’autre main, arrêter la corde à l’aide d’un bout de bois, de façon à la raccourcir et produire deux tons de base différents.

 « L’arc-à-bouche, c’est le premier instrument des Samo »

En pays San, l’arc-à-bouche ou « lolo » accompagne les contes en général… Mais il a une fonction particulière à la saison des récoltes. L’arc à bouche, tout comme le tam-tam, sert à faire de éloges des travailleurs mais aussi à faire passer des messages.

Également, on joue de l’arc-à-bouche lors des soirées de danse avec des percussionnistes. C’est un instrument mythique aux vibrations envoutantes, utilisé par les Sanan depuis la nuit des temps. C’est d’ailleurs le tout premier instrument des Sanan, d’après la légende.

« L’arc-à-bouche, c’est le premier instrument des Samo (Sanan, ndlr). Nos grands-parents disaient que quand l’arc-à-bouche sortait, il n’y avait pas de tam-tam ni rien. C’est l’arc-à-bouche qu’on joue à la sortie de la lune au mois de septembre. Toutes les bonnes gens partaient se réunir et les filles dansaient. C’était leur bal aussi », raconte Maxime Dala.

Au champ, dans les grains de causerie, dans les cérémonies festives ou funéraires, l’arc-à-bouche est au cœur de toute manifestation en pays San. C’est dans un tel environnement somme toute faite que Maxime Dala a appris à jouer. Né à Toma en 1977, Maxime Dala est le fils du feu Daouda François Dala, un grand joueur à l’arc-à-bouche.

« Je suis né trouver que mon papa Daouda François Dala jouait à l’arc-à-bouche. Au temps du président Sangoulé Lamizana, il jouait à l’ouverture ainsi qu’à la fermeture de l’antenne de la RTB radio. Il avait une troupe appelée troupe Lowgouin de Toma. Ils sont partis en Europe plusieurs fois », nous confie Dala Maxime.

Ce virtuose de l’arc-à-bouche a construit son art à travers le temps et au prix des efforts. « J’ai commencé à jouer à l’arc à bouche en 1992 à ma sortie de l’école de CM2. Je me lève le matin, je prends mon arc à bouche, je pars sous les manguiers avec mes amis, on s’amusait ensemble, moi je joue et les gens dansaient. La nuit aussi c’est pareil, je jouais jusqu’à l’aube », fait-t-il savoir.

Maxime Dala est un instrumentiste accompli, capable de créer la joie et faire voyager ses mélomanes. Aujourd’hui, il est l’instrumentiste le plus sollicité de la ville de Toma. En plus de manier allègrement l’arc-à-bouche, Maxime Dala est un excellent chanteur.

Maxime Dala en prestation lors de la 3eme édition du Festival Konkoun du Nayala , le 30 mars 2024

Son art est transversal et il sait l’adapter à tout type de cérémonie. Louange et adoration à l’église, funérailles, baptêmes, soirées dansantes, etc. Maxime Dala est omniprésent avec son « arc ». C’est un musicien accompli qui est capable d’improviser à tout moment. Au-delà du folklore, le musicien passe des messages avec son instrument.

« Je joue avec la chorale à l’église, je joue dans les lieux de funérailles. Quand on m’invite, il y a mon cachet. Je donne le prix mais ça reste négociable en fonction des moyens de ceux qui m’invitent. Dans les cérémonies de décès ou de funérailles, on chante avec l’arc-à-bouche ce que la personne a fait », explique-t-il.

On a eu le premier prix trois fois

Avec sa troupe Toda de Toma, créée en 1997, il a fait des tournées au Burkina Faso en Afrique et en Europe. Maxime n’est pas un joueur amateur de l’arc-à-bouche. Son talent a été consacré trois fois par le Grand prix national des arts et des lettres (GPNAL) de la Semaine Nationale de la Culture (SNC) dans la catégorie instrument traditionnel. « On a eu le premier prix trois fois. Pour la première année c’était en 1997, deuxièmement c’est en 2003, l’autre là je ne me rappelle pas bien », marmotte-t-il.

Aujourd’hui, tout comme un musicien professionnel, la pratique de l’arc-à-bouche, lui permet d’avoir des revenus. « C’est quand on m’invite hors de Toma dans les villes ça nous arrange. Je pars à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso plusieurs fois. 

Là-bas je peux donner un prix. Sinon au village, c’est difficile de donner un prix. Je peux donner 200 000 comme cachet si c’est en ville comme Ouagadougou ou Bobo-Dioulasso. Mais si c’est à Toma souvent c’est 50 000 et tu es obligé de diminuer souvent. Comme on est des frères, tu ne peux pas refuser », fait-t-il entendre.

L’arc-à-bouche n’est pas sacré, dit-il, il suffit d’apprendre à le jouer. Cet instrument n’est pas non plus l’apanage des griots selon l’artiste Dala. La jeunesse ne s’y intéresse pas, même si quelques curieux viennent tenter l’apprentissage avec Maxime, très peu arrivent à tenir la formation.

Maxime Dala est d’ailleurs le seul joueur de l’arc à bouche parmi ses 7 frères. Aujourd’hui, il en fabrique pour vendre. Cet excellent interprète tire sa source d’inspiration dans les œuvres musicales de son défunt père et les anciennes chansons du terroir San.

Imbibé de sa culture, les berceuses, les chansons populaires de travaux champêtres, des louanges des héros de lutte de chasse ou en agriculture sont des sources intarissables du musicien. Il sait bien en profiter par le biais de l’improvisation.

Cependant, Maxime Dala ne manque pas de créativité. Il a plus d’une quinzaine de chansons dans son répertoire. Le joueur de « lolo » sait se réinventer. Pour se faire comprendre par ses hôtes, il introduit la langue française dans son art. Par son talent, la couleur de l’arc-à-bouche a été sollicitée pour accompagner des sonorités modernes.  

Des artistes comme Henriette Delor, Tanti Rose, Cyrile Paré ont bénéficié de la collaboration de Maxime Dala qui démontre à souhait que les instruments traditionnels africains et les musiques actuelles ne sont pas antinomiques.

En plus d’être musicien, Maxime Dala est un maçon. Mais en cas de chevauchement de programme, le choix est vite fait. « C’est l’arc-à-bouche qui me rapporte mieux. Si on m’appelle étant en train de construire, je descends pour aller animer », a-t-il lâché.

L’arc-à-bouche est joué par seulement 5 musiciens dans la ville de Toma

Pratiquer l’art auprès des siens n’est pas toujours aisé surtout quand la fraternité se mêle à la négociation des contrats. Maxime Dala fait des prestations à des prix dérisoires. D’ailleurs, il peine à entrer en studio par manque de moyens. Parmi, la quinzaine de compositions de son répertoire, aucun son n’est enregistrés. Jusque-là, il espère le bon vent pour retrouver le chemin du studio afin d’immortaliser ses inspirations, ses sonorités.

Nonobstant, il se satisfait d’une prise de conscience progressive. Car, dans ces derrières années, des promoteurs évènementiels commencent à s’intéresser à son art. A titre d’exemple, Maxime Dala était l’une des têtes d’affiche de la 3éme édition du Festival Konkoun du Nayala tenu en fin mars 2024 à Toma.

Force est de reconnaitre que l’arc-à-bouche ou le « lolo » est en voie de disparition dans nos villages. L’instrument est joué par seulement 5 musiciens dans la ville de Toma à nos jours, selon Maxime Dala. Il épouse la dysphorie de voir son  instrument de prédilection sombrer dans l’oubli.

Mais la lueur d’espoir existe toujours. En plus de Maxime Dala, il y a quelques musiciens professionnels comme les frères Tim et Simon Winsé qui se battent pour réhabiliter l’arc-à-bouche, et veille à sa survie. Quant à la relève, un des enfants de Maxime Dala se distingue dans le jeu de l’arc-à-bouche.

Maxime Dala consacre tout son temps à l’arc-à-bouche ou le « lolo ». Un engagement qui permet d’entendre vibrer à nouveau dans les villages du pays San, cet instrument immémorial qu’est l’arc-à-bouche…

Akim KY 

Burkina 24

Écouter l’article
❤️ Invitation

Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Burkina 24 Suivre la chaine


Restez connectés pour toutes les dernières informations !

publicite


publicite

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
×