Cinéma : « Il est temps que les femmes racontent leurs propres histoires » (Azaratou Bancé, Cinéaste)

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Le FESPACO 2025 s’annonce comme un tournant pour la représentation des femmes dans le cinéma africain. L’association Taafé Vision, sous l’impulsion de sa présidente Azaratou Bancé, investit le festival avec une série d’événements, plaçant l’égalité des genres au cœur des débats. Taafé Vision se mobilise pour mettre en lumière le rôle crucial des femmes dans le cinéma africain. À travers son projet « Le genre s’invite au FESPACO », l’organisation propose une programmation riche en projections, débats et échanges, afin de favoriser une meilleure représentation des femmes dans le 7ᵉ art. Entretien !

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Burkina 24 : Quelle est l’importance de la représentation des femmes dans le cinéma africain ? 

Azaratou Bancé : C’est très important pour que les femmes puissent exprimer leur vision du monde. Parce que les films ont été, pendant de nombreuses années, je dirais même depuis longtemps, réalisés par des hommes. Il y avait des femmes ailleurs, mais pas autant qu’aujourd’hui. Et de plus en plus, on voit des femmes derrière la caméra. Je trouve que c’est une très bonne chose.

Burkina 24 : D’après votre expérience, quels sont les principaux obstacles rencontrés par les femmes dans le cinéma africain ?

Azaratou Bancé : Je pense que le premier obstacle est l’accès à la formation. Dans nos pays, nous n’avons pas beaucoup d’écoles de cinéma, et les écoles de cinéma ont un coût. C’est déjà difficile pour les hommes d’accéder à la formation, mais c’est encore plus difficile pour les femmes en raison des contraintes liées à leur éducation.

Il est donc plus difficile pour une femme qui a des enfants et qui est mariée de gérer cela, ainsi que les exigences du cinéma, qui est très prenant. Il y a aussi les obstacles liés au financement, à l’environnement du cinéma et aux politiques culturelles des différents pays.

Burkina 24 : Avez-vous remarqué une évolution dans la manière dont les personnages féminins sont représentés dans les films africains ces dernières années ?

Azaratou Bancé : Oui, on voit de plus en plus de films qui tiennent compte du genre, qui s’efforcent de montrer une image positive et impactante de la femme, et de dénoncer les problèmes de manière appropriée.

Dans les festivals de cinéma, les héros que nous avons, cette année, je pense que nous n’avons pas encore les chiffres définitifs, mais il y a beaucoup de films réalisés par des femmes. La plupart des films réalisés par des femmes parlent d’histoires de femmes, de ce que les femmes veulent voir dans la vraie vie, de ce qu’elles veulent défendre.

Burkina 24 : Comment pensez-vous que le FESPACO pourrait jouer un rôle adéquat dans la promotion de l’égalité des genres dans le cinéma africain ?

Azaratou Bancé : Le FESPACO est un espace de diffusion. Le fait de voir des films de femmes, des films qui défendent la cause des femmes, permet aux festivaliers de repartir avec quelque chose qu’ils pourront véhiculer.

On peut donc dire que le festival, en tant qu’espace de diffusion, est un excellent moyen d’œuvrer à l’égalité des genres, à travers des films qui promeuvent l’égalité des genres de manière appropriée. Tafée Vision est présente au FESPACO pour montrer ce que nous faisons.

À Tafée Vision, nous réalisons des films pour les femmes, sur les histoires de femmes, et nous défendons les droits des femmes et l’égalité des genres. Nous travaillons à éliminer les stéréotypes de genre dans les films.

Si, par exemple, dans un film, nous devons représenter un avocat et que l’histoire ne précise pas si c’est un homme ou une femme, nous choisissons de prendre une femme. Et dans nos films, par exemple, l’actrice principale est toujours une femme, une femme qui défend une cause et qui gagne.

Burkina 24 : Quelles initiatives ou actions concrètes pourraient être mises en place pour encourager davantage de femmes à occuper des postes clés dans la production cinématographique ?

Azaratou Bancé : Je pense qu’il faut d’abord créer des espaces de formation pour les femmes et respecter les quotas de genre. Par exemple, lors d’un appel à projets, on peut mettre en place des quotas pour sélectionner des projets de femmes. Certains diront qu’il faut privilégier la qualité des films, ce qui est vrai, mais je pense qu’à compétences égales, à qualité de projet égale, il faut privilégier le projet de la femme.

Il ne s’agit pas d’encourager la médiocrité, mais de donner aux femmes l’occasion d’atteindre le niveau que les hommes ont atteint. Moi, je suis directrice de production. J’ai vu sur les plateaux des techniciens venir avec des assistants qui sortaient de l’école de cinéma ou qui avaient simplement eu la chance d’apprendre avec le temps.

C’est parce qu’on leur a donné l’occasion, qu’on leur a fait confiance, qu’ils sont aujourd’hui des professionnels. Dans un festival comme le FESPACO, au-delà des films diffusés, il y a de nombreux panels qui abordent diverses thématiques. Et parmi ces thématiques, nous avons un panel sur les représentations.

Il s’agira pour nous de discuter de l’image de la femme véhiculée dans les films et de l’impact de ces images sur la lutte contre les préjugés sexistes et la promotion de l’égalité. Plus particulièrement, la plupart des films d’Apolline ont une héroïne féminine.

A lire aussi: ⇒FESPACO 2025 : Taafé Vision veut mettre en lumière le genre dans le cinéma africain

Et ces films défendent généralement la bravoure des femmes. Quand je prends le film Sia, par exemple, de Dani Kouyaté, il dénonce les violences faites aux femmes dans nos sociétés africaines. Donc, ce ne sont pas forcément des femmes qui réalisent ces films, car les femmes réalisent encore peu de films. Mais la plupart des femmes qui réalisent des films promeuvent la femme.

Je pense que c’est également l’occasion de proposer des cours d’écriture aux personnes intéressées. À Tafée Vision, comme je l’ai dit, dans notre cinémathèque, nous avons 11 films, tous réalisés par des femmes. Nous savons que lors de nos tournages, nous avons engagé Anna Traoré comme chef opératrice de prise de vues.

Je ne pense pas qu’elle avait déjà été cheffe opératrice auparavant, elle était généralement assistante. Nous l’avons prise comme cheffe opératrice de prise de vues sur les plateaux. Il n’y a pas de différence entre les films réalisés par Anna Traoré et ceux réalisés par des hommes.

Elle travaille comme les hommes, elle monte sur les rails comme les hommes, elle travaille de nuit comme les hommes, elle veille comme les hommes. Les mêmes erreurs sont commises par les femmes et par les hommes.

Avec son projet « Le genre s’invite au FESPACO », Azaratou Bancé et ces colaboraeurs de Tafée Vision sensibilise sur le genre à la 29è édition du Fespaco

La présence des femmes à tous les niveaux est importante. Dans la réalisation des films, quand il y a un certain nombre de techniciennes sur le plateau, elles peuvent influencer la manière dont l’histoire est représentée. Il y a le scénario, c’est vrai, mais à la réalisation, il faut que de nombreuses femmes puissent exprimer la réalité que vivent les femmes.

J’aime donner cet exemple. Dans la plupart des films que je vois, quand une femme qui cherche à avoir un enfant mange beaucoup, on dit qu’elle est enceinte. Moi, je sais qu’en tout cas 80 % des femmes, en début de grossesse, n’arrivent même pas à manger. Mais les hommes pensent que les femmes mangent beaucoup quand elles sont enceintes. Si une femme écrit un film, elle ne fera pas ça, parce que ce n’est pas la réalité.

Quand nous avons créé Taafé Vision, nous essayons petit à petit d’avoir des formatrices femmes. Mais comme il n’y a pas encore beaucoup de professionnelles du cinéma, nous avons des difficultés à trouver des formatrices femmes.

Maintenant, il faut que les hommes comprennent que les femmes ne sont pas là pour prendre leur place. J’ai l’habitude de dire aux hommes que ce devrait être une fierté de se dire : « J’ai contribué à former dix femmes, j’ai contribué à faire venir dix femmes dans le cinéma ». Ça devrait être une fierté.

Ce qui est regrettable, c’est de voir aujourd’hui des hommes battre des femmes dans les films et de penser que c’est normal. Dans nos traditions, je ne dis pas que tout était bien, mais il y avait quand même des mécanismes qui protégeaient la femme.

Un homme ne pouvait pas, de son propre chef, se lever et faire certaines choses à sa femme impunément. Moi, je pense aussi qu’on devrait surtout revenir à nos sources, trouver dans nos traditions des valeurs endogènes favorables à la promotion de la femme, et en faire des films, en faire la promotion.

Je prends l’exemple d’un de nos films, Manipulation, où l’on parlait d’un homme qui ne voulait pas que sa femme travaille. Et dans le film, à la fin, il y a une réunion de famille, et nous avons tenu à ce que ce soient les parents de l’homme qui le disent, pour ne pas qu’on dise que ce sont les femmes qui veulent encore imposer des choses.

Le monsieur prend la parole et dit : « Où as-tu entendu dire que dans nos traditions, la femme ne doit pas travailler ? » Dans la plupart de nos traditions, la femme a toujours travaillé. On n’a jamais vu un homme dire à sa femme : « Ne va pas au champ ». La femme va dans son champ, ce qui lui permet d’avoir des choses qui lui appartiennent.

Les fléaux que nous voyons aujourd’hui, comme le fait qu’une femme ne devrait pas travailler ou qu’un homme ne devrait pas laisser sa femme travailler, ne viennent pas de nos traditions. En Afrique, la plupart de nos traditions sont favorables au travail des femmes. Donc, si aujourd’hui on fait des films qui valorisent l’idée que les femmes ne devraient pas travailler, cela ne reflète pas nos valeurs. Tafée Vision adopte une vision où la femme prend conscience. Ou la femme se dit qu’en tant que femme, elle doit apporter sa pierre à l’édifice de la marche vers l’égalité des genres.

Comme l’a dit Thomas Sankara, l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa propre révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cela signifie que le combat pour l’égalité est aussi son combat. Quel que soit son niveau, la femme doit savoir que ce combat est avant tout le sien.

Akim KY

Burkina 24

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