André Silver Konan: « Compaoré est un homme fini! »

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André Silver KONAN est un journaliste-écrivain ivoirien lauréat du prix spécial Norbert Zongo. Dans cette interview qu’il accorde à Burkina24, il revisite les relations ivoiro-burkinabè. 

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Burkina24 (B24): S’est récemment tenu les 27 et 28 juillet 2016, à Yamoussoukro, le cinquième sommet du Traité d’Amitié et de Coopération (TAC) liant la Côte d’Ivoire. Est-ce que vous vous attendiez à l’apaisement des relations entre les deux pays, surtout après les dernières brouilles ?

André Silver KONAN (A.S.K.): Le dernier traité d’amitié entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso s’est tenu fin juillet 2014, à Ouagadougou et a été co-présidé par Alassane Ouattara et Blaise Compaoré. C’était le quatrième TAC. Le premier, rappelez-vous, a été signé le 29 juillet 2008, à Ouagadougou, entre Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré.

En huit années d’existence donc, le TAC a connu deux interruptions. La première interruption de 2010 était liée à la détérioration des relations entre les deux signataires, à l’approche de la présidentielle ivoirienne qui a vu finalement le départ du pouvoir, de Laurent Gbagbo. La deuxième interruption de 2015 était liée à la crise politique que traversait le Burkina Faso, suite à la révolution qui avait chassé du pouvoir Blaise Compaoré. Ce cinquième TAC est donc le premier entre les deux héritiers d’un traité signé par des prédécesseurs qui connaissent des fortunes diverses. L’un étant en prison à La Haye, et l’autre, en exil à Abidjan.

Pour répondre précisément à votre question, je dirais que le rapprochement était prévisible, d’autant que les deux pays ont tout intérêt à consolider leurs relations, dans un partenariat gagnant-gagnant. En outre, Ouattara et Kaboré n’ont aucun passif commun, ils n’ont chacun aucun intérêt, à entretenir des relations individuelles et collectives conflictuelles.

B24: Un politologue burkinabè disait récemment que la normalisation des relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso dépendait de « la neutralité » de Blaise Compaoré, quand on connaît ses excellentes relations avec le pouvoir d’Abidjan. Que pourrait donc se passer dans la tête de Blaise Compaoré (qui est toujours sous la menace d’un mandat d’arrêt international de la justice burkinabè malgré sa naturalisation entant qu’ivoirien) à ce jour ?

A.S.K.: Il est tout à fait humain que Blaise Compaoré ne digère pas aussi aisément sa chute du pouvoir. Personne n’est heureux de perdre brutalement des privilèges, surtout présidentiels (rires). Mais aussi puissant Compaoré a-t-il été et aussi proche soit-il d’Alassane Ouattara, je ne pense pas que ses humeurs personnelles puissent influencer actuellement l’état des relations entre les deux pays.

A mon avis (et je peux me tromper), en dépit des allégations qui fusent ici et là sur son supposé activisme, le président déchu garde le profil bas en Côte d’Ivoire, et cela met à l’aise tout le monde : ses hôtes ivoiriens qui seraient vraiment embêtés qu’il s’adonne à des activités de déstabilisation du Faso depuis Abidjan et les nouvelles autorités burkinabè, qui n’auraient sans doute pas manqué, d’attirer l’attention d’Abidjan. L’activisme prêté à Compaoré relève, à mon avis, d’avantage du fantasme de certaines personnes, que de la réalité. Cet homme est fini !

B24: La levée du mandat d’arrêt contre le Président du parlement ivoirien, Guillaume Soro, a fortement contribué à l’amélioration des relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Toutefois, sur ce dossier de l’implication présumée de Guillaume Soro dans le coup d’Etat manqué du 16 Septembre 2015, estimez-vous que cette affaire est pour autant classée définitivement ?

A.S.K.: Je crois que la justice burkinabè a répondu à votre question. Dans tous les cas, c’est à elle, en rapport avec les éléments dont elle dispose, de prendre souverainement la décision de poursuivre Guillaume Soro, d’abandonner partiellement ou totalement les charges, de requalifier les faits. Bref, la balle est dans le camp de la justice burkinabè.

B24: Au sujet de l’ex-Premier Ministre de la transition burkinabè, Isaac Zida, quelle est la lecture politique de cette crise d’autant plus que pour d’aucuns, Isaac Zida se préparerait à briguer la présidence du Faso en 2020 et Roch Christian Kaboré a davantage intérêt à briser son élan avant cette échéance ?

A.S.K.: 2020, c’est dans quatre ans et beaucoup d’eau va certainement couler sous le pont des Hommes intègres. Il est donc difficile de faire une analyse prospective sur cette échéance.

Néanmoins, il est de notoriété que l’ancien Premier ministre Zida est ambitieux et y pense, chaque matin, en se rasant. Entre le rêve et la réalité, beaucoup d’obstacles doivent être levés, à commencer par son retour au pays et ses ennuis liés à sa gestion de la Transition.

Au demeurant, le Burkina Faso est un pays marqué par une forte politisation de la société, de sorte qu’un candidat indépendant a peu de chances de se voir élire. Il y a donc l’équation du parrainage politique. Bref. En l’état actuel des choses, Zida ne peut pas constituer une menace politique (je dis bien politique) sérieuse pour Kaboré.

B24: Tous les coups étant permis en politique, encore qu’il n’y existe pas d’alliance contre nature, un rapprochement Guillaume Soro, Blaise Compaoré d’une part et d’autre part Isaac Zida n’est-il pas à prévoir ?

A.S.K.: La politique est le lieu d’expérimentation par excellence, de la science de l’impossible, même si une connexion entre les trois personnalités est à exclure à l’heure actuelle.

B24: Pour finir, le 29 juillet dernier, était célébrée la 29ième année commémorative du fameux discours de la dette de Thomas Sankara au siège de l’OUA à Addis Abeba en 1987, dans lequel il invitait ses pairs africains à boycotter le payement de la dette due à leurs bailleurs de fonds. A le réécouter, quel est le sentiment général que vous inspire ce discours ?  

A.S.K.: Il faut sans doute réinscrire le discours du capitaine Sankara dans son contexte. Au 21è siècle, je ne crois pas que la solution pour l’Afrique, soit de ne pas rembourser ses dettes vis-à-vis de ses créanciers. Quand on ne veut pas rembourser de dette, on n’en contracte pas. C’est simple.

C’était une boutade de Sankara, qu’il faut comprendre par une invitation à la bonne gouvernance des dirigeants africains, et un appel au refus des compromissions financières dans lesquelles étaient englués certains dirigeants africains et des responsables d’institutions financières occidentales.

Cette époque est derrière nous et même si l’on constate encore des déperditions dans la gestion des fonds extérieurs mis à la disposition de certains pays, il faut noter que la gestion de ces fonds, est de plus en plus cadrée.

Interview réalisée par Kouamé L.-Ph. Arnaud KOUAKOU                                                            

Correspondant de Burkina24 en Côte d’Ivoire

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