Regroupement des étudiants : « Ce n’est nullement pour fragiliser la lutte estudiantine », selon Mamadou Cissé, Directeur régional du CROUO
Quelles sont les raisons du regroupement des étudiants résidents dans les deux grandes cités universitaires de Kossodo et de la Patte d’oie ? Casser la lutte estudiantine ou améliorer les conditions de vie des universitaires ? Quelles mesures aux problèmes que rencontrent déjà les locataires de la cité de Kossodo ? Réponses avec le Directeur régional du Centre régional des œuvres universitaires de Ouagadougou (CROUO), Mamadou Cissé.
Burkina 24 : Pourquoi regrouper les étudiants dans une même cité à savoir celle de Kossodo ?
Mamadou Cissé (MC), DR du CROUO : Au début du mois d’août, nous avons augmenté la capacité de Kossodo pour ainsi y transférer les résidents de IMO et de Don Camillo. Depuis 2008, l’Etat a construit cette cité d’abord avec les pavillons A et B avec une capacité d’accueil de 750 étudiants. Et, au cours de l’année dernière, les pavillons C et D ont été achevés. Nous avons donc saisi l’occasion avec les nouveaux inscrits pour affecter 400 étudiants dans le bâtiment C.
« Elles ne répondaient pas aux normes »
Pour ce qui concerne le D, nous avons jugé bon d’y transférer les deux cités. Pourquoi celles-là ? Tout simplement parce ce que ces cités ne répondaient pas aux normes. Non seulement elles sont devenues assez vieilles, mais aussi le coût de location et le nombre d’étudiants, on trouvait 10 par chambre, étaient très élevés. Il y avait également des problèmes d’évacuation des eaux et il n’y avait pas de restaurant dans ces cités. Face à ces problèmes, on a jugé bon de mettre les étudiants dans un cadre plus adapté.
Burkina 24 : Kossodo est excentré par rapport aux lieux où les étudiants prennent les cours. Vous avez pensé au problème de déplacement?
MC : Il est plus facile de quitter Kossodo pour le campus que d’aller de Don Camillo au campus à cause du trafic routier. Celles qui peuvent se plaindre sont de IMO, parce ce qu’elles étaient plus proches du campus.
Je vous disais tantôt que la cité comptait trois pavillons avec 1500 étudiants. Ces derniers n’avaient aucun problème pour se déplacer. Pensez-vous que les nouveaux résidents doivent avoir un statut particulier ? S’il faut étudier cette question, il ne faudra pas le faire seulement pour les étudiants de Kossodo, mais pour tous les étudiants du Burkina Faso car ce problème de déplacement demeure crucial. Et en ce sens, l’Etat fait de son mieux pour régler ce problème.
Burkina24 : Il y a néanmoins des mesures prises par l’Etat par rapport à cette question de déplacement à Kossodo ?
MC : La SOTRACO arrive à amener les étudiants vers les lieux d’étude et dans les jours à venir, nous donnerons l’effectif des étudiants pour mieux organiser le transport et il faudra peut-être penser à créer une ligne spéciale. C’est plus sécurisé et permet d’améliorer la fluidité de la circulation.
Burkina24 : Il y a aussi des problèmes au niveau de la restauration. Les étudiants demandent notamment une variation du menu et la création d’une nouvelle chaine au restaurant. Votre avis ?
MC :(Rires) Je vais m’exprimer sans masquer les termes. On parle de 1500 étudiants. Mais ce sont les chiffres officiels. Vous n’ignorez sans doute pas le ‘’cambodgage’’, c’es-à-dire la cohabitation. Ce qui va de soi que les plats ne suffisent pas puisqu’on fait les prévisions en tenant compte du nombre officiel. Dès que le nombre augmente, on signale au Directeur général qui, à son tour, fait un compte rendu au ministère pour régler ce problème.
Ce fut le cas de Koudougou avec l’arrivée des nouveaux bacheliers. Le seul point de conflit entre les étudiants et l’administration, c’est la question d’ouverture d’une troisième chaine. Les étudiants estiment qu’ils passent trop de temps dans le rang avant d’avoir leur repas, mais la version réelle est que les étudiants s’alignent très tôt, à 9h à peine.
« Quant au menu, les étudiants exagèrent ! »
Pourtant le restaurant s’ouvre à 11 h. Ils vont prétexter ensuite qu’ils patientent deux heures avant d’avoir le repas. On pouvait comprendre s’ils arrivent à l’heure d’ouverture et patientent jusqu’à 13 h. Les étudiants souhaitent que dès leur arrivée, qu’on puisse les servir. Ce n’est pas une famille (rires) !
Quant au menu, les étudiants exagèrent ! Les prestataires font de leur mieux pour varier. On a au minimum quatre menus par repas et l’étudiant a l’embarras du choix. Il y a certains restaurants où on peut trouver dix menus. C’est le cas du restaurant central. Pour la petite histoire, quand j’étais encore étudiant, c’était le même menu pour tous les étudiants, et on n’avait pas des menus tels que le déguè, la salade, le placali, le humberger et bien d’autres. Ils ne peuvent pas aussi se plaindre de la quantité.
Burkina24 : Ils se plaignent en tout cas de l’hygiène dans les douches. Ils avancent que le service de nettoyage les dédaigne au profit des couloirs. Ils disent aussi qu’il n’y a pas assez de poubelles. Votre réaction ?
MC : Par rapport à cette question, un appel d’offre a été lancé et une société de la place se charge de ce volet à Kossodo. Et son rôle est de nettoyer les couloirs et les toilettes. Il arrive souvent qu’il y ait des failles. Dans ce cas, nous attirons l’attention de ces agents de nettoyage. Il faut noter qu’ils ne travaillent pas les week-end. Ce qui fait que les poubelles se remplissent jusqu’à déborder. Nous faisons de notre mieux. Les étudiants aussi doivent jouer leur part.
« Les étudiants n’ont pas des comportements exemplaires »
On retrouve dans les lavabos des restes d’aliments, de cheveux et plusieurs objets. Cela bouche les conduits et rend difficile l’évacuation des eaux. Un autre aspect, c’est la gestion de l’eau et de l’électricité. Les factures d’eau et d’électricité sont exorbitantes tout simplement parce que les étudiants n’ont pas souvent des comportements exemplaires. Le robinet peut être entrain de couler ou une ampoule est allumée et il n’y a personne pour l’arrêter. Le prix du loyer en cité varie entre 1500 et 2000 F CFA.
Il faut que les étudiants contribuent à diminuer les charges à travers leur comportement pour encourager ceux qui font ces efforts pour eux.
Burkina24 : Vous faites des efforts, certes, mais la liste des reproches n’est pas encore close ! Les étudiants se plaignent des mauvaises odeurs de la zone industrielle de Kossodo.
MC : Cette question n’est pas du ressort du CENOU puisse que ce problème ne concerne pas seulement les étudiants mais tous les habitants de Kossodo. C’est du domaine exclusif de la mairie. J’en parlerai au Directeur général qui verra ce qu’il y a à faire.
Burkina24 : La cité n’est pas clôturée. Pourquoi ?
MC : Pour cette question, je vous suggère de rencontrer le responsable du projet cité qui pourra vous donner un certain nombre d’éclaircissement. En regardant le site, on sait que ce n’est pas pour construire 4 bâtiments (rires). Il y a tout un plan qui doit exister. L’érection de la clôture, j’en suis sûr, sera faite. Pour d’autres bâtiments, peut-être qu’il vous donnera des détails, des plans, des chronogrammes sur ce que l’Etat envisage à ce niveau. Cependant, je pense qu’il est prévu une clôture.
Burkina24 : Et la sécurité ?
MC : En ce qui concerne la sécurité, on a des vigiles à la cité Kossodo et c’est vers cette politique que nous tendons.
Burkina24 : Et la cité John Kennedy qui est réservée aux étudiants d’un certain niveau ?
MC : En fait, la question revient. Si l’Etat investit et construit, il n’est pas normal qu’on continue de louer des espaces qui ne répondent pas à certaines normes.
Prenez les cités qu’on a en location aujourd’hui : nous avons Larlé, chinoise, John Kennedy, les villas. Elles ne sont pas construites comme des cités universitaires. Ce sont des foyers avec des grands dortoirs. Nous, nous parlons de cité universitaire. Il est donc souhaitable qu’au lieu de les laisser dans les dortoirs qu’on les amène occuper les nouveaux bâtiments.
« Je souhaite qu’il y ait des réfections à la cité chinoise »
Au moment où on occupait ces espaces, cela se justifiait. Parce qu’on venait de déguerpir la cité Zogona et on ne savait pas où mettre les étudiants. Mais cela ne doit pas perdurer. Il faut trouver une solution définitive. Pour le cas de la cité chinoise, je souhaite qu’il y ait des réfections sérieuses sinon à la longue, on ne pourra même pas habiter.
Parce que vous voyez, pour une petite réfection comme les ampoules grillées et autres, le CENOU s’en occupe mais quand il s’agit des gros investissements, c’est le propriétaire qui doit s’en occuper. Et tout cela est défini dans le contrat. Pour les cités Larlé et John Kennedy, il y a beaucoup d’amélioration. Les propriétaires réagissent chaque fois qu’on les interpelle. A la cité John Kennedy, il y a même une piscine. Seulement, les étudiants demandent que cela soit ouvert tous les jours alors que ce n’est pas possible, il faut une règlementation.
Burkina24 : Qu’en est-il de la cité de Zogona qui a été fermée pour réfection ?
MC : Les locaux que vous voyez là-bas n’appartiennent plus au CENOU mais à l’Université qui les transforme en bureaux pour enseignants. Certains bureaux sont déjà occupés. Il y aura en somme un peu plus de 200 bureaux qui seront dégagés.
Burkina24 : Pour revenir à la cité de Kossodo, les étudiants disent que le débit de l’eau est faible et les étudiants situés en hauteur ont alors des problèmes.
MC : On a souvent ce problème de débit de l’ONEA qui n’est pas spécifique à Kossodo. Mais il y a également le problème de pression. Un suppresseur a donc été installé pour résoudre ce problème. Mais comme il n’y avait jusque-là que 2 pavillons fonctionnels, on n’avait pas de problème. Et si on mettait le suppresseur en marche avec cette faible consommation, les tuyaux pourraient céder. Avec l’ouverture des deux nouveaux pavillons, nous l’avons mis en marche mais il y a quelques petits problèmes techniques et nous sommes en train de voir avec ceux qui l’ont installé pour régler cela.
Burkina24 : L’éclairage ?
MC : L’éclairage de la cité de Kossodo n’est pas une mince affaire. Il y a plus de 1000 ampoules qui fonctionnent et le plus souvent mal, car on ne les éteint jamais. Tous les jours, il faut changer des ampoules. Tout ce que vous avez vu en entrant dans mon bureau, ce sont des pièces pour la gestion de l’éclairage. Tout notre budget à la Direction régionale rentre dans l’achat de matériel et de plomberie. On dépense des millions et des millions.
On y est souvent confronté parce que les étudiants sont des bricoleurs. Quand il y a de petites fuites, ils décident de réparer eux-mêmes et ils créent une grande panne. Il faut souligner que nous n’avons qu’un seul électricien pour l’ensemble des cités.
Burkina24 : Et l’éclairage des cours ?
MC : C’est vrai. Moi-même de retour de Dori dans la nuit, j’ai constaté que le coin là-bas était sombre. Et j’ai appelé l’électricien (en congé, NDLR) de voir cette question dès qu’il reprend service. Peut-être que si vous repassez dans deux semaines, vous verrez que ce ne sera plus ainsi.
Burkina24 : Le déménagement récent des étudiants de la cité IMO et Don Camillo risque de susciter des questions de leadership. Qu’avez-vous prévu pour éviter cela ?
MC : Ils ont rejoint Kossodo au mois d’août. Vacances obligent, qui vous accueillera ? Si vous étiez délégué dans les cités IMO ou Don Camillo, à partir du moment où ces cités n’existent plus, vous redevenez simple étudiant.
Il y a un comité qui existe. C’est sûr que les délégués de Kossodo vont les intégrer. Mais en dehors de cela, il ne faut pas qu’ils s’attendent à quelque chose. On en a déjà parlé avec l’ensemble des délégués pour qu’ils soient pris en compte dans le comité. Je vais les rencontrer dès la reprise en septembre pour qu’on aplanisse toutes ces questions.
Burkina24 : Le chapelet des problèmes s’égrène et se situe cette fois-ci au niveau du volet santé. Les étudiants disent avoir un dispensaire qui est sous équipé et qu’il n’y a pas de permanence.
MC : Chaque dispensaire a 6 médecins. Et chaque jour, deux doivent faire la garde. Mais ils s’organisent entre eux et ils font ce qu’on appelle astreinte : ils laissent leur numéro quand ils ne sont pas là pour qu’on les appelle en cas de besoin. Peut-être parmi eux, il y en a qui peuvent ne pas venir mais ils bénéficient souvent de la couverture des étudiants eux-mêmes.
Je veux dire que si on fait le ratio couverture médicale au niveau national, ce n’est pas évident que chaque dispensaire ait six médecins. C’est dire que les étudiants sont des privilégiés. Dans toutes les cités, il y a des équipes médicales composées d’étudiants en fin de cycle en médecine.
Burkina24 : Quelle est, en somme, la vision que vous voulez donner à la cité Kossodo ? Y a-t-il une volonté sous-jacente de fragiliser la lutte estudiantine ou est-ce pour réellement créer un village universitaire ?
MC : (Rires) Je vous prête le mot. Il s’agit d’un village universitaire à l’instar de l’université de Lagon au Ghana où l’étudiant peut faire tout son cycle sans sortir si ce n’est pour voir le reste de la ville. Il a tout à l’intérieur, les banques, les commerces, les plateaux de sport, bref tout ce dont on peut avoir besoin. Je pense que l’université Ouaga 2 est dans cette optique. Voilà pourquoi on est allé jusqu’à Gonsé pour avoir suffisamment d’espace pour faire tout ce qu’on veut. La distance sera très rapidement un mauvais souvenir.
« On ne peut empêcher les étudiants de lutter s’ils ont des raisons objectives de le faire »
Ce n’est nullement pour fragiliser la lutte estudiantine. De toute façon, on ne peut empêcher les étudiants de lutter s’ils ont des raisons objectives de le faire.
Actuellement, il y a des gens qui nous approchent pour dire qu’ils veulent installer des kiosques. Mais nous disons qu’il faut que tout cela soit réglementé. Il faut de grandes réalisations qui répondent à la vision des autorités pour ce projet. Ce ne sont pas les petits kiosques de photocopie ça et là qui vont résoudre notre problème.
Burkina24 : Que devient le personnel des cités qui ont été fermées ?
MC : Nous en avons besoin. C’est le personnel du CENOU. Ils seront redéployés sur d’autres sites pour poursuivre leur travail.
Burkina24 : Un mot pour clore cet entretien ?
MC : Je vous remercie pour votre initiative, parce qu’on n’a pas toujours cette opportunité de dire ce qu’on fait. En tout cas, bon vent à Burkina24 !
Propos recueillis par Oumar SAVADOGO et Aminata SANGARE (Stagiaires)
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tr?s bien
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