Philo : « Mes sœurs ne me prennent jamais au sérieux ! »

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On les compte du bout des doigts ces femmes qui font de l’humour un métier. De ces rares femmes, une a su se frayer un chemin dans cette arène des hommes. Philomaine Nanema, puisque c’est d’elle qu’il s’agit  est artiste comédienne et humoriste. Elle n’est plus à présenter aux public de « Oustiti », de « Bon nané », du « FIRHO » et bien d’autres festivals puisqu’elle est la seule qui y figure généralement. Elle a également fait un jeu d’acteur remarquable dans le film de Missa Hébié, « Cellule 512 ». A peine deux années de métier, Philomaine Nanema  dite « Philo » gravit déjà des échelons au point d’être élue la présidente lors du festival humoristique pour soutenir les élections présidentielle et législatives 2015. Elle a aussi été sélectionnée parmi d’autres humoristes pour participer au « Parlement du Rire» de Mamane. Qui est celle qui se fait appeler Philo ? Découvrez-la dans cette interview.

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Burkina24 (B24): Comment avez-vous été révélée au public ?

Philo : C’est  grâce à son excellence Gérard qui m’a vu jouer à la pièce « l’os de Morlame »au CITO. Il m’a approchée et m’a demandé si ça m’intéressait de faire de l’humour. Je lui ai dit que ça va être un peu compliqué parce que je suis comédienne.

 Il me dit : «Moi je te dis que tu peux le faire » et je lui disais non. Mais à chaque fois qu’il me voyait,  il me le rappelait. Il a insisté près de deux ans et demi, jusqu’à ce qu’il ait un projet à l’Institut français avec d’autres humoristes et il m’a mise dans le projet. J’ai écrit un spectacle d’environ 15 minutes et c’est comme ça que c’est parti.

B24 : Comment trouvez-vous l’environnement de l’humour au Burkina ?

Philo : Il faut dire que moi j’ai de la chance parce que je suis arrivée au moment où les kôrô (les aînés NDRL) ont déjà déblayé le terrain. Ils ont fait tout le boulot et  nous sommes arrivés trouver que le terrain était déjà propre.

« Je trouve que les hommes m’apprécient plus que les femmes »

Actuellement, je pense que l’humour est en train de prendre au Burkina.  Chaque fois qu’il y a une cérémonie, on fait appel aux humoristes. Ils sont comptés parmi les artistes demandés pour les différents cérémonie et spectacles.

B24 : Vous est-il déjà arrivé de dire une histoire et les gens ne réagissent pas ?

Philo :  Ça peut arriver. Ce sont les risques du métier. Ce n’est pas facile de faire rire les gens ! Mais je rends grâce à Dieu, j’y arrive. Souvent, ça passe inaperçu. Si tu racontes 4 histoires qui font rire les gens et qu’à la 5e,  personne ne réagit pas ou ne rit pas comme tu l’attendais, ça passe inaperçu.

Ce n’est pas trop aussi gravissime que ça,  parce qu’ils ont tellement ri des autres. Il faut les reposer. Souvent on fait exprès aussi pour les reposer.

B24 : Comment vous en sortez-vous  parmi ce lot d’hommes ?

Philo : La plupart des humoristes, on se connait. Ce sont aussi des comédiens de théâtre. Il n’y a pas donc de soucis.

J’arrive à tirer mon épingle du jeu comme lors de l’émission humour et élection où il fallait en 8 minutes convaincre le public à  voter pour toi sur place et j’ai été élue présidente.

B24 : Mais pourquoi Philomène ne titille  généralement pas les politiciens ?

Philo : Non,  je ne fais pas la politique ! Je trouve qu’il y a trop de faits de société qui m’inspirent. Les humoristes hommes,  la plupart du temps, ne font pas de cadeau aux femmes même si je reconnais qu’elles ne sont pas faciles !

Je défends plus les femmes mais c’est l’effet contraire qui se produit. Je trouve que les hommes m’apprécient plus que les femmes.

Dans une de mes histoires, je raconte  que la femme,  pour passer une soirée romantique avec son mari, cuisine un bon repas, allume les bougies et s’habille bien pour attendre son mari et quand ce dernier rentre, qu’est-ce qu’il fait ? Il demande s’il y a eu coupure de courant pour que tu allumes tant de bougies. Pis encore,  il demande si le chien a mangé ! C’est une manière de dénoncer qu’il y a des hommes qui ne font pas attention à leur femme à la maison.

Et puis, je préfère les histoires qui sont universelles, que je peux raconter ici au Burkina, en Côte d’Ivoire partout et les gens vont comprendre. Si je parle de la politique d’ici, ce n’est pas sûr que les autres comprennent parce qu’ils ne vivent pas la même chose.

Je m’inspire des faits sociaux, moi je ne touche pas du doigt aux politiques comme le fait si bien Gombo.com. Je préfère écrire des histoires universelles. Quand tu te casses la tête pour écrire une histoire, il faut pouvoir aller les jouer ailleurs.

« Le milieu du showbiz est une jungle. Si tu as faim,  ne viens pas dans l’art »

C’était d’ailleurs la condition première pour aller au « Parlement du rire » de Mamane. On te dit viens avec des histoires universelles, pour que ceux qui sont au Tchad, en Ethiopie puissent se retrouver dans ton histoire.

Dans ce cas, tu es obligé d’enlever les petites histoires en mooré qui font rire,  sinon si tu les dis en français , ce n’est pas sûr que ça fasse rire. Cela dénature l’histoire.

Philo, artiste humoriste et comédienne burkinabè - © Burkina24
Philo, artiste humoriste et comédienne burkinabè – © Burkina24

Par exemple « Margo baaga diimin ?» (Margo, est-ce que le chien a mangé ?), ça fait rire mais je ne peux pas dire ça devant un public ivoirien.

Je peux le dire dans la langue du pays mais il faudrait encore maîtriser la langue pour bien le dire. Les histoires calquées sur le Burkina ne peuvent pas se vendre à l’extérieur. Tu vas aller jouer où, combien de fois, comment ? Quand ? Par rapport à quoi ? A quelle heure ? « ka ridte weh ! » (ça ne marche pas, NDRL). (Rires). Tu vas jouer ça une fois et les gens vont rire et à la fin, toi tu as faim !

B24 : Quelles sont les scènes que vous avez côtoyées ?

Philo : Mon premier pas dans l’humour était juste pour se faire plaisir parce que Gérard croyait en moi et moi je voulais essayer aussi. Cela fait un an et six mois que je suis active mais je peux dire que ça va parce que j’ai joué dans presque tous les festivals.

 Aux « ouistiti », « festival de la parenté à plaisanterie », FIRHO, au « Parlement du rire » qui a été mon premier grand spectacle à l’extérieur. Je joue beaucoup aussi dans les dîners gala qui ne sont forcément pas médiatisés. C’est pourquoi on ne me voit pas trop.

B24 : Vous jouerez donc dans n’importe quel spectacle ?

Philo : "Si tu as faim, ne viens pas dans l'art" - © Burkina24
Philo : « Si tu as faim, ne viens pas dans l’art » – © Burkina24

Philo : Non, j’ai mon cachet ! Si ça vaut,  j’irai. Sinon je n’irai pas. Je n’aime pas aller non plus dans certains endroits.

Le milieu du showbiz est une jungle. Si tu as faim,  ne viens pas dans l’art, sinon tu vas te vendre moins cher. Il faut savoir créer le mythe autour de soi. Un comédien qui joue une ou  deux fois par an et qui s’en sort avec un cachet consistant vaut mieux qu’un comédien qui joue tous les jours avec un petit cachet. II faut que nous soyons réalistes, sinon on t’exploite.

B24 : Quand vous écrivez vos textes, comment savez-vous que ça va faire rire ?

Tu ne peux pas savoir. Ce sont des risques que tu prends. C’est ça le problème.

B24 : Vous ne les testez jamais avant d’aller sur scène ?

Philo : Souvent quand tu testes devant certaines personnes, elles ne trouveront pas ton histoire drôle. Alors, je mets ça de côté alors qu’elle peut plaire à des milliers de personnes.

B24 : Et comment ça se passe avec votre entourage, à la maison ?

Philo : A la maison, mes sœurs  ne me prennent jamais au sérieux ! Quand je fais quelque chose, elles me disent « laissez philo là-bas, elle s’amuse tout le temps » ! Quand je parle souvent, je trouve que ça ne fait pas rire mais je les vois qui se traînent à terre. Peut-être que ça fait vraiment rire mais moi je ne vois pas.

Revelyn SOME

Burkina24

 

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