Pôles de croissance en Afrique : Comme « un cheveu dans la soupe »
Les organisations paysannes de l’Afrique de l’ouest tirent la sonnette d’alarme sur les pôles de croissances, ces concepts sur lesquels se focalisent les dirigeants de la sous-région, délaissant au passage les exploitations familiales qui contribuent à hauteur de 70% à la fourniture des denrées alimentaires présentes sur les marchés domestiques. La problématique était au cœur d’une rencontre de trois jours à Ouagadougou qui a pris fin ce samedi 17 décembre 2016.
Les agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest déplorent l’intérêt croissant des décideurs politiques pour le concept des pôles de croissance agricole. Un intérêt qui, selon eux, est « basé sur un présupposé qui voudrait que tout investissement entraîne nécessairement la croissance et que la croissance entraîne automatiquement la diminution de la pauvreté ». Or, affirment-ils, le choix des gouvernants ne contribue qu’à la promotion d’une agriculture à deux vitesses qui favorise les investissements des entreprises nationales et multinationales au détriment de ceux des exploitations familiales.
Les pôles sont vus par Ousseni Ouédraogo, secrétaire général du Réseau des organisations paysannes et de producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) comme étant en déphasage avec les politiques agricoles des organisations sous-régionales de la zone CEDEAO. « C’est comme un cheveu dans la soupe », dit-il. A l’étape actuelle, analysent les agriculteurs ouest africains, il est urgent de réviser les orientations actuelles défendant les pôles de croissance. « L’agriculture familiale doit devenir le véritable moteur de la souveraineté et sécurité alimentaire et nutritionnelle des pays et de la région », peut-on lire dans le communiqué final.
Le développement ne peut pas être dicté de l’extérieur, mais doit partir de l’intérieur. Le défi qui se présente aux agriculteurs africains se résume à comment parvenir à nourrir la population sur la seule base de leurs productions. « Si c’est d’autres qui doivent venir pour nous, le danger c’est que soit, ils produisent pour les pays d’où ils ont quitté ou ils viennent concurrencer avec ce que nous faisons pour détruire ce que nous avons déjà mis en place », s’inquiète Bassiaka Dao, qui dénonce par la même occasion l’approche prônée qui ne rassure pas.
L’inquiétude des agriculteurs ouest-africains ne se limitent pas qu’à cela. L’accent porté sur les cultures de rente plutôt que sur les céréales pour venir à bout de l’insécurité alimentaire crée un malaise en leur sein. Le Président de la CPF s’offusque face au « désintérêt » de l’Etat dans sa mission première de nourrir les citoyens. « Les politiques crient à ce que les jeunes retournent à la terre. Mais au même moment, on invite d’autres acteurs de venir prendre la place de ces jeunes », synthétise l’agriculteur.
A la clôture des travaux de trois jours, Tinga Ramdé, conseiller technique du ministre de l’agriculture a affirmé avoir pris note des préoccupations des acteurs du monde rural soucieux de préserver l’agriculture familiale aujourd’hui confrontée à l’agrobusiness, ce phénomène qui gagne du terrain et contribue davantage à l’accaparement des terres. « J’ai entendu tout ce qui a été dit. Toutes les préoccupations qui ont été soulevées, d’abord je les connais, je les partage avec vous. Soyez rassurés que ces préoccupations vont arriver là vous voulez que ça arrive », a-t-il promis.
Oui Koueta
Burkina24
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