Burkina : Immersion dans l’univers du « Roi de la récup »

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« Le roi de la récup », « l’empereur de la décharge ». Des surnoms qui lui collent à la peau. Sahab Koanda écume les nombreuses décharges de la ville de Ouagadougou à la recherche de la matière première de ses œuvres d’art. Il plonge dans ces tas d’immondices pour en sortir  de la ferraille, des morceaux de caoutchouc, du bois. Ces détritus reprennent vie et deviennent des merveilles après un tour dans son antre à résurrection.

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Situé à Ouagadougou, à une dizaine de mètres du grand  rond-point du quartier Tampouy, au milieu des maisons d’habitation,  l’atelier de Sahab Koanda attire tout de suite l’attention. Surtout lorsque les yeux parcourent les dessins assez coloriés qui bariolent les murs et finissent sur le portail surmonté de cet écriteau  : « Les merveilles des décharges ». L’antre à merveilles de Sahab Koanda.

La porte franchie, un coup d’œil rapide peut arracher un regard d’étonnement face à de gigantesques ou minuscules œuvres d’arts qui parsèment l’enceinte.

Mais contrairement à l’idée qu’on pourrait se faire en allant à l’atelier qui parle de décharges, c’est un espace assez rangé, assez propre.  Une maisonnette trône dans la cour. Devant elle, une statuette à l’effigie de Thomas Sankara, l’arme au flanc droit, le point levé et la main gauche sur la poitrine prononçant un discours avec comme témoin, un parterre de micros.

A sa gauche, se trouve  une armoirie aux couleurs et devises du Burkina. Sur le mur de la maison, des objets en forme de masques accrochés.

Puis un tronc de baobab et un assemblage  de morceaux de vieilles  poupées formant la carte de l’Afrique. Plus en face, un hangar où sont disposées des œuvres de toutes formes et de toutes les tailles  au sol et d’autres accrochées sur tous les murs.

Ces œuvres d’art faites de matériels pour la plupart non dégradables ramassés dans la nature ou sortis des décharges, participent  à la protection de l’environnement

 « Au début, je ne ramassais que du fer provenant de voiture, de moto, vélo. Maintenant je ramasse tout, des poupées, du caoutchouc, des bidons, des pneus qui peuvent me servir à créer », dit l’artiste.

Par cet acte,  il dit vouloir passer un autre message aux Occidentaux, celui du « retour à l’envoyeur » vu que ce sont eux qui sont les plus gros acheteurs.

 « L’Afrique ne reste pas  qu’un dépotoir. Nous n’avons pas la possibilité d’empêcher les France au-revoir d’arriver mais nous allons avoir l’inspiration pour faire un retour à l’envoyeur. Vous nous envoyez vos vieilles voitures, motos et autres. On va les utiliser comme on peut et quand c’est foutu,  on les transforme en œuvres d’art que vous payerez et cela va rester là-bas», dit-il.

Ces matériaux auxquels il donne des formes de personnages, d’animaux, de masques servent de décoration ou deviennent des objets usuels tels des jouets, des tabourets, des chaises ou même du matériel roulant telle que l’une de ses merveilles, une moto transformée en une voiture multicolore très admirée à son passage.

Ce savoir-faire a d’ailleurs permis aujourd’hui au « maître de la récup » de voyager en Europe pour enseigner son art.

« Depuis 2004, je voyage très souvent. Je donne des ateliers dans des écoles en Europe. On apprend aux lycéens à souder. Avec les enfants du  primaire, on ramasse tout ce qui est ordure, les boîtes de cannetes, les chaussures trouées, les cartons, des vêtements déchirés pour créer des œuvres», témoigne-t-il.

Cet art lui a aussi valu une renommée. Il n’est pas rare de voir les œuvres de Sahab à de grands festivals comme le FESPACO, les Récréatrâles où se dresse une de ses œuvres à une intersection dans le quartier Gougnhin à Ouagadougou. Les habitants l’ont surnommée le « rond-point de Sahab ». Ces œuvres aussi font souvent l’objet d’exposition. Il est souvent sollicité pour créer des décors pour des évènements.

Si aujourd’hui, l’homme  a fait de l’art de la récupération, un métier à plein temps,  grâce auquel il arrive à  subvenir aux besoins de sa famille (une femme et sept enfants), il n’a pas toujours été facile pour lui ou pour ses proches de le voir squatter, côtoyer les poubelles au point de se voir traiter de « fou ».

« Je vous jure que ça n’a pas été facile à mes débuts. C’était dur pour mes parents de voir quelqu’un qui avait son travail, de l’abandonner et  d’aller fouiller dans les poubelles. On me disait que j’étais foutu, je suis devenu fou », se souvient-il.  

 Parce que Kouanda avait un autre travail avant d’écumer les décharges. «Je transportais du kérosène à l’aéroport. J’ai travaillé après avec Oumarou Kanazoé pour la construction des bâtiments. C’était compliqué pour les gens de voir quelqu’un qui abandonne tout ça », énumère-t-il.

Mais aujourd’hui, Sahab est admiré et il inspire des vocations.  « Quand je sors avec ma voiture, les gens ne regardent plus les voitures de trois cents millions  et viennent s’attrouper autour de ma création. C’est une fierté pour moi », confie-t-il.

Trois personnes  ont été formées à l’atelier « Les merveilles des décharges » et exercent aujourd’hui à leur propre compte. Des œuvres sur commandes ne manquent pas. 

Aujourd’hui,  Sahab n’a qu’un rêve. Quitter cet espace d’environ 200 mètres carrés de superficie qui, auparavant lui servait de lieu d’habitation puis est devenu son atelier,  pour un plus grand endroit où il pourrait faire un musée de l’art de la récupération et une école pour enseigner son art.

Revelyn SOME

Burkina24

 

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