Pérégrinations de Bélélé | Tradition africaine et redevabilité
L’Afrique pré-coloniale a connu une évolution politique et institutionnelle comme le démontre plusieurs systèmes traditionnels, mais que rarement l’environnement international prend en compte. Les systèmes institutionnels construits pour gérer les sociétés sur le continent ne datent donc pas des conquêtes coloniales. De nombreux historiens célèbres, au nombre desquels on peut citer Cheick Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo et bien d’autres ont retracé dans leurs ouvrages la succession des empires, des royaumes et autres organisations des sociétés que l’Afrique précoloniale a connues.
Ainsi, plusieurs études de l’Afrique précoloniale ont révélé qu’il a existé des systèmes de gouvernance participative à l’opposé des pensées qui estime que l’absolutisme est une caractéristique inhérente de la gouvernance africaine.
La redevabilité vue par les sociétés traditionnelles
La Charte du Mande en 1222 au Mali stipule le concept de Kolagnokorognoya qui désigne « l’obligation de faire connaître, de rendre compte des actes que l’on pose en matière de gouvernance de la cité, et du pays à un niveau utile ». Comme l’explique, Pr Abdoul Salam Fall, cette gouvernance articulant des contre-pouvoirs institués s’est appliquée à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest tandis qu’en Afrique Centrale la gestion de la diversité reste une tradition faisant cohabiter plusieurs ères culturelles.
Ceerno Suleymaan Baal, fondateur de l’Almaamiyat (1770-1880) encourageant et parlant à son armée dit ceci :
- « Je vous recommande, si je ne suis plus de ce monde, d’exiger, pour assumer la fonction d’Almaami, un homme désintéressé, qui ne mobilise les biens de ce monde ni pour sa personne ni pour ses proches ;
- Si vous le voyez s’enrichir, démettez-le et confisquez les biens qu’il a acquis.
- S’il refuse la démission, destituez-le par la force et bannissez-le ;
- Remplacez-le par un homme compétent quelle que soit sa lignée ;
- Veillez bien à ce que l’Imaamat ne soit jamais héréditaire
- N’intronisez qu’un méritant. »
Le rapport entre tradition et modernité
Loin de toute vision nostalgique d’un passé africain glorieux, on pourrait néanmoins multiplier les exemples tirés de l’histoire africaine relative à l’institutionnalisation de la bonne gouvernance et donc des mécanismes de redevabilité.
L’ancien président tanzanien Julius Nyerere faisant le parallèle avec le système de redevabilité moderne expliquait que « dans la société africaine traditionnelle, la fortune apparente de l’aîné « riche » n’était en fait que des biens qu’il gérait au profit de son monde, de même, aujourd’hui, la richesse que certains postes de responsabilités peuvent apporter en plus à ceux qui les occupent ne peut être que dans la mesure où elle leur est nécessaire pour s’acquitter de leurs devoirs. Cette richesse est un « outil » mis entre leurs mains pour le bien des gens qu’ils servent »
Le devoir de rendre compte
L’instauration de contres pouvoirs facilite la régulation et l’expression pluraliste qui sont indispensables en démocratie. Aujourd’hui encore, de nombreuses innovations visant la redevabilité sont en œuvre en Afrique. Cependant, le devoir de rendre compte est intrinsèque à la démocratie représentative choisie par beaucoup de pays.
Pour y arriver, un contexte culturel approprié est inhérent car la réussite de pratiques transparentes est également déterminée par les conditions socio-culturelles. En effet, les techniques et outils de redevabilité doivent être adaptés aux réalités sociales et politiques. Car, selon Pr Fall, dans plusieurs pays en Afrique, les interventions les plus réussies ont pris en compte le contexte socio-culturel afin d’identifier les obstacles à la promotion d’une culture de transparence et de redevabilité.
Enfin, l’accès à l’information est un aspect très important de la redevabilité. La disponibilité ainsi que la qualité de l’information publique permettent aux citoyens de s’impliquer dans la vie civique et aux acteurs étatiques de dialoguer avec les bénéficiaires des services publics.
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